Cass. soc., 12 juillet 2005, n° 03-43.069
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Shell (Sté), Sodigest (Sté), Descamps (Sté)
Défendeur :
Cohen (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly (faisant fonction)
LA COUR : - Attendu que la société des Pétroles Shell (Shell) a confié à M. Cohen, à partir du 28 novembre 1973, la gérance de deux stations-service situées à Paris, boulevard de la Chapelle et rue du colonel Driant ; que ces stations ont été exploitées par une société Errol, que M. Cohen avait constituée et dont il était le gérant, laquelle a employé Mme Cohen en qualité de directrice et de caissière, dans la station de la rue du colonel Driant ; que le 13 août 1997, la société Shell a notifié la résiliation du contrat de location-gérance de ces deux stations-service, avec effet au 20 novembre suivant ; que la gérance des stations a ensuite été assurée, pour la première, par la société Sodigest, et pour la seconde, par la société Descamps ; que M. Cohen, qui invoquait l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail, et Mme Cohen, qui se prévalait de la qualité de salariée, ont saisi le juge prud'homal de demandes indemnitaires liées à la rupture de leurs contrats ; qu'un arrêt rendu le 22 mars 2001 par la Cour d'appel de Paris a retenu la compétence de cette juridiction ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Attendu que les sociétés Shell, Sodigest et Descamps font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 25 février 2003) de les avoir condamnées solidairement à payer à M. Cohen une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon la première branche du moyen que les dispositions du Code du travail sont applicables aux personnes qui remplissent en fait les conditions posées par l'article L. 781-1 du Code du travail, sans qu'il soit besoin d'établir un lien de subordination, à moins que leur mise en œuvre soit subordonnée à l'existence d'un contrat de travail ; que seuls les contrats de travail en cours sont transférés de plein droit en cas de modification de la situation juridique de l'employeur ; qu'ainsi, en déclarant applicables à M. Cohen les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, sans constater l'existence d'un lien de subordination, ni avec la société Errol, ni avec la société des Pétroles Shell, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article précité et de l'article L. 781-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, interprété au regard de la directive n° 77-187, du 14 février 1977, est applicable à toutes les personnes qui, selon le droit du travail national, sont protégées en tant que travailleur ;
Et attendu que l'article L. 781-1 du Code du travail, qui vise une catégorie particulière de travailleurs, leur rend applicables les dispositions de ce Code ; qu'il en résulte que les travailleurs qu'il désigne relèvent sauf lorsqu'ils ont la qualité de directeur d'établissement, de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ; - Attendu que, pour condamner la société Shell, solidairement avec la société Descamps, à payer à Mme Cohen diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que celle-ci avait été illégalement licenciée le 21 novembre 1997, date à laquelle son contrat de travail aurait dû être transféré au sein de la société Descamps, l'accès à la station-service lui ayant été interdit ce jour-là ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte pas de ses constatations que la rupture du contrat de travail, liée au refus du nouveau concessionnaire d'en poursuivre l'exécution, procédait d'une collusion frauduleuse entre celui-ci et la société Shell ou d'une faute commise par cette dernière à l'occasion du transfert et en rapport avec la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen et sur la première branche du second moyen qui ne seraient pas de nature, à elles seules, à permettre l'admission du pourvoi : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société des Pétroles Shell à payer à Mme Cohen des indemnités de rupture et des dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 25 février 2003, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.