Livv
Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 12 mai 2005, n° 04-01602

ORLÉANS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

International Synergie (EURL), Yugen Kaisha International Synergy (Sté), Jetco Enterprises Limited (Sté)

Défendeur :

Arche (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remery

Conseillers :

Mme Magdeleine, M. Garnier

Avoués :

SCP Laval-Lueger, SCP Deplanques-Devauchelle

Avocats :

Me Catoni, Selafa Deloitte, Touche juridique, fiscal

Exposé du litige

LA COUR statue sur l'appel d'un jugement du Tribunal de commerce de Tours rendu le 19 mars 2004, interjeté par les sociétés International Synergy (de droit français), Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku et Shibuya (toutes deux de droit japonais), et Jetco Enterprises Ltd (de droit de Hong-Kong), toutes sociétés animées par M. Julien Bouvier, suivant déclaration du 21 avril 2004. Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :

* 25 mars 2005 (société Arche),

* 13 avril 2005 (sociétés appelantes)

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que, le 14 mars 1994, la société Article chaussant européen (société Arche) a conclu avec la société de droit français International Synergy un contrat d'agent commercial pour la représentation exclusive par cette dernière sur différents territoires asiatiques, et en particulier au Japon, de la marque Arche auprès de la clientèle des détaillants en chaussures, moyennant une commission de 15 % sur le montant net des factures. Le contrat prévoyait toutefois que les "boutiques à enseigne Arche sont exclues du présent contrat, sauf indemnité" dans les conditions précisées à l'article 9. Par ailleurs un accord préalable était prévu pour les centrales d'achats, les succursalistes et les "department stores", principalement conditionné par l'implantation d'un "corner" Arche, c'est-à-dire d'une boutique d'angle dans un grand magasin. L'article 20 du contrat stipulait enfin l'application de la loi française et son article 21 donnait compétence au Tribunal de commerce de Tours, qui a rendu le jugement entrepris.

Plusieurs avenants ont été signés, fixant des objectifs à l'agent commercial ou étendant son territoire, mais les deux principaux sont l'avenant n° 5 du 1er septembre 2000 qui concerne les boutiques à enseigne Arche, l'indemnisation de l'agent prévue en cas d'implantation au Japon de telles boutiques étant portée à 5 % du montant net hors taxe et, surtout, l'avenant n° 6 du 20 mars 2001 qui ajoute une nouvelle disposition (l'article II D) ainsi libellée:

D) Importation

Dans le but de faciliter l'accès au marché japonais, l'agent commercial pourra mettre en place un service d'importation ou une société qu'il contrôlera totalement pour apporter ce service aux clients. Il est rappelé que le choix de ce service ou société d'importation reste une possibilité offerte au détaillant japonais par International Synergy.

Ce service ou société d'importation n'est pas l'importateur obligatoire à l'obtention des chaussures Arche sur le marché japonais.

Cette facilité proposée aux clients Arche reste exclusivement liée à l'activité d'agent commercial d'International Synergy. Dans le cas d'une rupture du contrat de représentation commerciale, l'importation par Yugen Kaisha International Synergy cesserait dans les mêmes délais sans aucune disposition particulière ou financière autre que celle figurant au contrat d'agent commercial".

La société Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku, exerçait en dernier lieu cette activité de service d'importation.

Parallèlement, le 1er septembre 2000, avait été conclu un contrat par lequel la société Arche concédait pour cinq ans à une autre société, la société Yugen Kaisha International Synergy, Shibuya l'exploitation d'une boutique de vente au détail à Tokyo, dans le prestigieux quartier Aoyania, cette société effectuant elle aussi des opérations d'importation.

Enfin, la société Jetco Enterprises Ltd importait aussi des produits Arche pour revente sur le marché japonais.

Les relations entre les parties se sont dégradées au cours de l'été 2002 et, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 5 juillet 2002, mais expédiée le 12 suivant, la société Arche a fait part à son agent de son intention, face à une baisse des résultats, de créer une filiale japonaise puis, après un vif échange de correspondance elle a, par lettre du 9 septembre 2002, notifié à l'agent commercial la rupture du contrat sous préavis de trois mois, porté ultérieurement à 6 mois, compte tenu des stipulations contractuelles. Par lettre du même jour, elle a également notifié à la société Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku, la rupture de leurs relations contractuelles.

Le 19 septembre 2002, aux termes d'un accord signé de toutes les parties - contrairement à ce qu'indique le jugement entrepris, en p. 3) -, celles-ci sont convenues, d'une part, que la fixation du montant de l'indemnité de rupture serait déterminée par priorité par négociation conduite par leurs avocats ou, en cas d'échec, par jugement du Tribunal de commerce de Tours, d'autre part, que le préavis ne serait pas exécuté, à charge pour la société Arche de faire une proposition d'indemnisation et enfin que le contrat de concession du 1er septembre 2000 prendrait fin lui-même au 31 décembre 2002.

C'est dans ces conditions que les quatre sociétés appelantes ont fait assigner la société Arche, par acte d'huissier de justice du 20 mars 2003, en paiement de diverses sommes.

En cours d'instance devant le Premier juge une transaction partielle est intervenue le 20 juin 2003, portant sur le solde de commissions restant dû à l'agent commercial, aux termes de laquelle les sociétés demanderesses ont renoncé à leurs demandes relatives aux commissions concernant les clients Futabaya et Hankyu, ainsi que les commandes annulées de la saison hiver 2002, le manque à gagner sur ces commandes, les factures de retour du modèle Caramba et les factures n° 139 et 144 établies par l'agent commercial, enfin le remboursement Hazaki.

Après avoir donné acte aux parties de l'existence de cet accord et constaté le désistement partiel qui en résultait, le tribunal, par le jugement entrepris, a imputé la rupture du contrat d'agent commercial à la société Arche, débouté les trois sociétés appelantes, autre que celle exerçant l'activité d'agent commercial, de leurs demandes, fixé l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial à la somme de 252 440 euro avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2003, date de l'assignation, outre capitalisation, fixé l'indemnité de préavis de six mois à 149 491,60 euro, alloué à la société International Synergy une indemnité de procédure de 3 000 euro, toutes autres demandes étant rejetées.

L'agent commercial et les trois autres sociétés du groupe Bouvier ont interjeté appel, tandis qu'un appel incident a été formé par la société Arche. En cause d'appel, chaque partie a présenté les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 avril 2005, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

Motifs de l'arrêt

Sur la qualité d'agent commercial :

Attendu que les sociétés appelantes soutiennent à l'appui de leur demande principale tendant à la condamnation de la société Arche à régler à la société International Synergy, à charge pour elle de les répartir entre toutes les sociétés du groupe Bouvier, les sommes de 1 648 022 euro à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, 412 000 euro à titre d'indemnité de préavis et 150 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, que les trois sociétés Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku et Shibuya et Jetco Enterprises Ltd n'auraient été créées, avec une activité commune de service d'importation au Japon, que pour permettre l'exécution "déléguée" du mandat d'agent commercial, dont, selon les appelantes, cette activité serait l'accessoire ;

Mais attendu qu'aux termes du contrat d'agent commercial du 14 mars 1994, non modifié sur ce point, seule la société International Synergy a la qualité d'agent commercial, aucune des trois autres n'ayant une mission de représentation de la société Arche et aucune convention n'ayant jamais été conclue par celle-ci avec elles pour leur conférer une telle mission ; que le seul fait d'exercer une activité d'importation des produits du mandant, dans le cadre d'une politique restrictive de quotas imposés par le Japon, n'a pas pour effet, par lui-même, d'investir le ou les importateurs de la charge de négocier et conclure au nom et pour le compte du mandant des ventes avec les détaillants japonais, seul objet du mandat confié ; que, par conséquent, seule la société International Synergy peut prétendre être indemnisée en qualité d'agent commercial, la détermination du montant de son indemnité, et, par conséquent, de la base de rémunération à prendre en considération pour la calculer, étant une question distincte, dont la réponse sera donnée plus avant; que les trois sociétés Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku et Shibuya et Jetco Enterprises Ltd seront donc déclarées irrecevables en leurs demandes présentées sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, par l'intermédiaire de la société International Synergy ;

Sur le principe du droit à réparation de l'agent commercial :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 134-13,1° du Code de commerce - les autres dispositions de ce texte n'étant pas ici en cause - le droit à réparation du préjudice causé à l'agent commercial par la cessation de ses relations avec le mandant n'est exclu qu'en cas de faute grave de l'agent ; qu'en l'espèce, non seulement la société Arche, dans la lettre de rupture du 9 septembre 2002, n'en a énoncé aucune, mais a précisé, dans une autre lettre du 16 septembre 2002, qu'elle se conformerait, pour sa part, "aux dispositions légales prévues au Code de commerce" ; que dans l'accord du 19 septembre 2002, qu'elle a signé, elle est convenue en ce sens avec la société International Synergy, sa cocontractante, que "la fixation du montant de l'indemnité de rupture sera déterminée a) en priorité entre les conseils (avocats) des parties b) à défaut d'accord par le recours au Tribunal de commerce de Tours... par l'une des parties", ce dont il résulte qu'étant d'accord sur le principe de la réparation, dont seul le montant demeurait en discussion, elle a renoncé à se prévaloir d'une faute grave - seul cas prévu de non-indemnisation - et n'est pas fondée maintenant à refuser toute indemnité à la société International Synergy en se bornant à lui imputer la rupture ;

Que d'ailleurs, pour établir cette imputabilité, ce qui de toute façon n'a pas d'incidence en dehors du cas où la cause de la rupture caractériserait une faute grave de l'agent, la société Arche se fonde sur des motifs qu'elle avait énoncés dans ses lettres datées des 5 et 26 juillet 2002 puis sur une réponse de l'agent du 30 août 2002, tous éléments qui sont antérieurs à la lettre de rupture et à l'accord du 19 septembre 2002 ; qu'il n'est pas non plus sérieux de sa part de tirer prétexte, postérieurement à cet accord, de l'absence ou de l'insuffisance des informations données par son agent pendant l'exécution du mandat, du non-respect des instructions à lui données et de l'insuffisance de prospection, tous éléments qu'elle connaissait évidemment avant la rupture et qu'elle mentionne, au surplus, dans ses courriers de juillet 2002, ou de prétendre enfin imposer à l'agent, en inversant la charge de la preuve, de démontrer que celui-ci aurait exécuté complètement et loyalement son mandat, alors qu'il convient de rappeler, encore une fois, que c'est au mandant d'établir la faute grave de son mandataire, ce qu'il ne fait pas et à ce à quoi il a renoncé ;

Que la société Arche ne peut, davantage, revenir sur son accord de principe en se bornant à faire valoir qu'il lui aurait été arraché par surprise au cours d'un salon international en Allemagne, alors qu'elle disposait déjà, comme le montrent ses courriers antérieurs, de tous les éléments lui permettant d'invoquer les prétendues carences de l'agent dans la prospection ; qu'elle n'avance ainsi pas de commencement de preuve de l'existence d'un dol de l'agent commercial pour lui soustraire un accord sur le principe de son indemnisation ;

Sur l'indemnisation de l'agent commercial :

Sur l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la cessation des relations contractuelles avec la société Arche :

Attendu que la principale difficulté à cet égard est de savoir, comme il a déjà été souligné, si la perte globale de rémunération, qui doit servir de base à l'évaluation du préjudice, doit comprendre, en plus de la perte des commissions, la perte de la rémunération de l'activité d'importateur exercée par d'autres sociétés du groupe Bouvier ; que l'agent commercial présente à cette fin, comme il a déjà été dit, cette activité comme accessoire à celle de représentation proprement dite, voire comme indispensable à l'exécution du mandat, la pratique des quotas d'importation fixés par l'Administration japonaise expliquant, selon lui, que la clientèle japonaise de détaillants préférerait passer par un importateur plutôt que d'acheter en direct à un fournisseur étranger; que, cependant, il résulte du § D de l'article II du contrat d'agent commercial, ajouté par l'avenant n° 6 du 20 mars 2001, et des courriers échangés antérieurement sur ce point entre les parties, notamment de la lettre de la société Arche du 25 novembre 1997, sur les procédures d'importation, et de son récapitulatif de juin 1999 sur les instructions de vente à l'export, qu'en aucun cas le recours au service d'importation mis en place par l'agent commercial lui-même n'était obligatoire pour le client, le mandant ayant particulièrement insisté sur le fait qu'il était purement facultatif pour le client japonais de passer par un importateur et, s'il faisait le choix d'y recourir, de s'adresser obligatoirement à l'importateur Yugen Kaisha International Synergy mis en place par l'agent qui n'avait ainsi aucun monopole ; que, dès lors, si l'activité d'importateur des trois autres sociétés du groupe Bouvier n'était pas sans lien avec l'activité d'agent commercial, elle n'était pas non plus nécessaire à l'exécution même du mandat de ce dernier et, dans l'avenant du 20 mars 2001, les parties avaient, en conséquence, exclu, par une clause qui ne heurte pas les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, de prendre en considération la rémunération procurée par cette activité d'importation pour fixer l'indemnité réparatrice du préjudice résultant de la cessation des seules relations nées du contrat de mandat, dont l'activité d'importation, purement facultative et faite, en réalité, dans l'intérêt des autres sociétés du groupe Bouvier, ne pouvait, dans ces conditions, être considérée comme l'accessoire ; que le mandant n'a pas confié, contrairement à ce qui passe, par exemple, dans le cas de prestations annexes d'entreposage, une mission d'importation à l'agent commercial ou à une société de son groupe destinée à l'exécution du mandat, mais s'est borné à l'autoriser à créer, pour son propre compte, un "service" d'importation auquel les clients japonais pouvaient ou non s'adresser pour conclure des achats avec la société Arche ;

Attendu que le montant des commissions d'agent perçues par la société International Synergy durant l'année 2001, dernière année pleine avant la rupture des relations contractuelles, qui sera donc prise comme base de calcul, s'élevait à 221 410,82 euro, suivant la pièce 11050 communiquée par l'agent, non contestée ; qu'en réparation de son préjudice, il sera alloué à celui-ci la somme de 442 821,64 euro au titre de l'indemnité de rupture qui correspond au dommage subi par la société International Synergy

Sur l'indemnité de préavis, non exécuté avec l'accord de la société Arche :

Attendu qu'en fonction de la durée du préavis, six mois selon le contrat d'agent commercial, et du montant des commissions retenu ci-dessus, l'indemnité sera fixée à 110 705,41 euro ;

Attendu que les deux sommes allouées ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2003, date de l'assignation et les intérêts seront capitalisées, comme demandé dès le premier degré de juridiction, à compter de la date anniversaire de l'assignation, soit le 20 mars 2004

Sur l'indemnité pour rupture abusive :

Attendu que si l'agent peut, outre l'indemnité de cessation de contrat et l'indemnité de préavis, percevoir une indemnité supplémentaire si la rupture du contrat présente un caractère abusif, il ne le démontre pas en l'espèce ; qu'en effet, au moment de la dégradation des relations entres les parties, il est constant que, depuis 2000, la tendance sur le marché de la vente au détail des chaussures Arche au Japon - la seule qui soit comprise dans l'objet du mandat, sous réserve des autorisations spéciales accordées par le mandant pour les grands magasins et les entreprises de vente par correspondance - était à la baisse constante et que si l'agent l'explique essentiellement par une conjoncture défavorable, le mandant était fondé pour sa part à y remédier par des moyens qui n'étaient pas contraires à l'exclusivité accordée à la société International Synergy, notamment par la création d'une filiale établie au Japon dont l'objet principal était la fonction d'importation, sur laquelle il convient de rappeler que les sociétés du groupe Bouvier ne peuvent prétendre écarter contractuellement la concurrence, notamment celle du mandant lui-même, celui-ci, comme il a été vu, s'étant toujours borné à tolérer cette activité, dont il a finalement estimé qu'elle entraînait des frais excessifs et qu'il a légitimement souhaité reprendre en direct, et la prospection de la clientèle exclue de l'objet du mandat, ce qui ne peut lui être reproché ; que, dès lors, la création de la filiale dès août 2002 ne caractérise pas l'abus invoqué et était, au surplus, annoncée un mois avant, de même que les circonstances de la rupture n'étaient pas abusives, la société Arche n'ayant pas, dans ses courriers de l'été 2002, modifié le contrat, dont, au contraire, elle exigeait la stricte application et, sauf les affirmations des appelantes, il ne résulte d'aucun élément que la rupture se serait accompagnée de mesures vexatoires ou qu'il aurait été porté atteinte à la réputation de l'agent ; qu'enfin, au vu des résultats de sa filiale au Japon, qualifiés par les appelantes de "piètres", il est difficile d'affirmer, comme elles le font, que la société Arche, dans la rupture du contrat, n'a eu pour seul objectif que de s'approprier la clientèle de l'agent commercial ; que la demande tendant à l'indemnisation du caractère abusif de la rupture sera donc rejetée ;

Sur les demandes subsidiaires des autres sociétés du groupe Bouvier :

Attendu que le sort de l'activité de concessionnaire pour l'exploitation de la boutique dans le quartier Aoyama étant réglée par ailleurs (p. 26 des conclusions des appelantes), la première demande subsidiaire des trois sociétés Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku et Shibuya et Jetco Enterprises Ltd, en ce qu'elle tend à les indemniser distinctement de l'agent commercial pour la perte de marge pour l'avenir sur leur activité d'importation de chaussures Arche, ne peut qu'être rejetée, ces trois sociétés, dont, tout au plus, la société Arche a toléré la création, sans les imposer à ses clients comme intermédiaires obligatoires, n'ayant pas de droit acquis à la pérennité de cette activité et, dès lors, la cessation du contrat d'agent commercial ne constitue pas, à leur égard, une faute dont la société Arche devrait réparer les conséquences quant à la fin de leur activité ; que leur demande d'indemnisation d'un préavis propre sera examinée avec celle faite à titre infiniment subsidiaire au titre de la rupture brutale des relations commerciales qui, en réalité, est identique ;

Attendu, en revanche, qu'il existait, au sens de l'article L. 442-6,5e du Code de commerce, une relation commerciale établie entre la société Arche et les trois sociétés importatrices, la société Arche ne pouvant nier que plusieurs lettres émanant d'elles (27 février 2001, pièce n° 71 ; 27 mars 2001, pièce n° 80 ; 29 mars 2001, pièce n° 79) établissent qu'au moins depuis 2001, elle connaissait l'existence de la société Jetco Enterprises Ltd - à qui elle a adressé d'ailleurs de nombreuses factures - ainsi que la structure YK [pour Yugen Kaisha] International Synergy, comme importatrices régulières de produits Arche, la composante Shibuya, qui était à la fois concessionnaire pour le magasin Aoyama mais aussi importatrice, étant la plus ancienne, puisqu'en relation d'affaires avec la société Arche depuis 1997 ; que la société Arche ne peut, pour autant nier, l'existence de ses relations avec la nouvelle composante Shinjuku de la société Yugen Kaisha International Synergy, dont l'en-tête de la lettre de rupture du 9 septembre 2002 (pièce 11037) indique qu'elle connaissait cette société, bien avant l'introduction de l'instance, contrairement à ce qu'elle semble soutenir en p. 10 de ses écritures, encore que celles-ci soient difficiles à comprendre, puisque la société Arche y évoque, sous le même nom, deux sociétés différentes ;

Attendu que l'existence d'une activité d'importation régulière traduit l'existence de relations commerciales établies et, compte tenu des volumes d'achats et de l'ancienneté diverses des relations, qui ont été rompues brutalement au cours de l'été 2002 - y compris à l'égard de la société Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku, la seule qui ait reçu une lettre de dénonciation avec préavis, mais non respecté et non indemnisé -, la cour est en mesure de fixer la réparation du préjudice découlant, non de la rupture elle-même, mais de la brutalité de celle-ci, subi par chacune des trois sociétés en cause aux sommes suivantes :

* Yugen Kaisha International Synergy, Shinjuku (relations depuis 2001) 50 000 euro

* Yugen Kaisha International Synergy, Shibuya (relations plus anciennes, depuis 1997) 100 000 euro

* Jetco enterprises (relations depuis 2001, mais importation importante) 100 000 euro

Attendu que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour, la capitalisation étant ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;

Sur les dépens et le remboursement des frais hors dépens :

Attendu que la société Arche qui succombe sur des chefs essentiels de ses prétentions supportera les dépens d'appel et, à ce titre, versera à la société International Synergy la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, s'ajoutant à celle de 3 000 euro accordée par le premier juge, ainsi que la somme de 5 000 euro à chacune des trois autres sociétés appelantes, sur le même fondement ;