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Décisions

CA Amiens, 5e ch. soc., 22 octobre 2003, n° 03-01634

AMIENS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Couzic

Défendeur :

Esso (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Darchy

Conseillers :

Mme Besse, Seurin

Avocats :

Mes Jourdan, Renaudin

Cons. prud'h. Creil, du 7 avr. 2003

7 avril 2003

Vu le jugement rendu le 7 avril 2003 par le Conseil de prud'hommes de Creil qui s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Paris.

Vu le contredit formé le 9 avril 2003 par Daniel Couzic à l'encontre de cette décision.

Vu les conclusions déposées les 13 et 18 juin 2003 et le 1er juillet 2003 par Daniel Couzic, régulièrement communiquées et développées à l'audience du 1er juillet 2003 à l'effet de voir la cour :

- Dire qu'il remplit dans ses rapports avec la société Esso, les conditions de l'article L. 781-1 du Code du travail.

En conséquence,

- Dire qu'il doit être considéré comme salarié de la société Esso au coefficient 230 de la Convention collective nationale de l'industrie des pétroles applicable à cette société.

- Dire que l'article L. 781-1 du Code du travail s'applique indépendamment de l'existence d'un lien de droit entre les parties et qu'il n'a pas à démontrer l'existence d'un quelconque contrat de travail pour bénéficier du statut protecteur dudit texte.

- Dire qu'il est, en fait, sous la dépendance économique de la société Esso et qu'il ne disposait d'aucune marge de manœuvre quant à la gestion et au développement de la station-service.

En conséquence :

- Dire le Conseil de prud'hommes de Creil compétent pour connaître de ses réclamations à l'égard de la société Esso.

- Désigner expert aux frais avancés de la compagnie pétrolière, avec mission de :

- calculer les rappels de salaires,

- heures supplémentaires,

- indemnités compensatrices de congés payés dues au poste qu'il a occupé au bénéfice de la société Esso, au coefficient 230 de la Convention collective nationale de l'industrie des pétroles.

- Renvoyer les parties devant le Conseil de prud'hommes de Creil afin qu'il soit jugé des conséquences de l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail entre elles.

- Dire qu'il serait inéquitable qu'il conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'il a dû engager pour assurer sa défense et condamner en conséquence, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société Esso à lui payer de ce chef ainsi qu'à Claire Piaulet, partie dans un autre litige identique, une somme de 10 000 euro.

Vu les conclusions de la société Esso SAF, régulièrement communiquées, déposées le 1er juillet 2003 et développées à l'audience du même jour par lesquelles il demande à la cour :

A titre principal, sur l'incompétence ratione materiae,

- de dire qu'il n'existe aucun lien de droit entre les consorts Piaulet-Couzic et la société Esso.

- de dire en tout état de cause, que les conditions de fourniture exclusive ou quasi-exclusive, de conditions et de prix imposés, exigées par l'article L. 781-1 du Code du travail ne sont pas réunies en l'espèce.

En conséquence,

- de confirmer le jugement entrepris en ce que le Conseil de prud'hommes de Creil s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris.

Subsidiairement,

- de renvoyer l'affaire et les parties devant le Conseil de prud'hommes de Creil aux fins de statuer, après un débat contradictoire, sur les conséquences de l'application des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail dans les rapports entre les parties.

- de débouter Daniel Couzic de toutes ses demandes, notamment de désignation d'un expert.

- de le condamner, enfin au paiement d'une somme de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce :

Attendu que suivant contrat en date des 1er et 5 octobre 1992, la société Esso a confié pour une durée de 3 ans à compter du 1er octobre 1992 à la SARL Dane constituée le 15 septembre 1992, dont Daniel Couzic et Claire Piaulet sont les associés et co-gérants, mandataires sociaux, la location-gérance d'un fonds de commerce de station-service exploité sous l'enseigne Esso Service des Flandres au 79 rue de Paris à Saint-Martin Longueau.

Attendu qu'à l'issue de cette convention, un second contrat de même nature, d'une durée de 3 ans à compter du 1er octobre 1995, était signé entre les mêmes parties.

Attendu qu'aux termes des conventions passées entre les parties, les carburants, soumis à une clause d'approvisionnement exclusif auprès de Esso, étaient distribués par la SARL Dane dans le cadre d'un mandat, c'est-à-dire au nom et pour le compte de Esso, les autres produits et services, non soumis à une clause d'approvisionnement exclusif, à l'exception des lubrifiants utilisés dans la station, étant quant à eux distribués dans le cadre d'une location-gérance classique.

Attendu qu'à la suite de la fermeture de la station par la SARL Dane le 10 janvier 1998, Esso procédait à la résiliation des conventions par lettre recommandée du 27 janvier 1998 à effet du 28 février 1998.

Attendu que revendiquant l'application à son profit des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail et réclamant de la société Esso le paiement de rappels de salaires, d'heures supplémentaires, d'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre un droit au bénéfice de la participation aux fruits de l'expansion, Daniel Couzic a saisi le 2 avril 2002 le Conseil de prud'hommes de Creil qui par jugement du 7 avril 2003 s'est déclaré incompétent pour connaître du litige au profit du Tribunal de commerce de Paris.

Attendu qu'à l'appui de son contredit, Daniel Couzic fait essentiellement valoir :

- que la qualité de gérant libre de fonds de commerce, donc de commerçant, conformément à la loi du 21 mars 1956, n'est pas un obstacle à l'application de la législation du travail dans les rapports avec l'employeur si les conditions de l'article L. 781-1 du Code du travail sont, comme en l'espèce, réunies.

- que pour apprécier si les intéressés exerçaient leur profession dans les conditions prévues par les dispositions d'ordre public de l'article L. 781-1 du Code du travail, il convient d'examiner les stipulations du contrat en cours et les circonstances dans lesquelles il a reçu exécution, peu important qu'aucun contrat de travail n'ait été régularisé entre les parties et que le développement de l'activité se soit effectué au travers d'une SARL.

- que la nature des liens juridiques et la qualification des contrats en cause sont indifférentes dès lors que les conditions d'exploitation justifient en fait l'application des règles de l'article L. 781-1 du Code du travail.

- que l'existence d'un contrat de travail n'est pas à démontrer puisque l'application de l'article L. 781-1 n'entraîne pas à proprement parler la requalification du contrat de distribution en contrat de travail mais l'application d'un statut à certaines catégories de travailleurs leur permettant de bénéficier des règles protectrices du droit de travail, application se fondant avant tout sur les relations de fait entre les parties sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un lien de subordination, seul important l'état de dépendance économique.

- que les consorts Couzic-Piaulet se trouvaient en situation de dépendance économique vis-à-vis d'Esso, l'activité de distribution de carburant ayant un caractère prépondérant qui ne leur laissait que peu de temps pour le développement des activités annexes et les rendait économiquement dépendants de la compagnie pétrolière.

- que peu importe que le contrat de distribution ait été conclu avec une SARL et non directement avec les consorts Couzic-Piaulet, ceux ci ayant été les véritables exécutants du contrat dont le caractère fictif est établi au regard, notamment, des importants droits conférés à Esso et qui n'a été constituée que sous l'instigation de Esso pour les besoins de la cause.

- qu'Esso avait un important droit de regard sur la gestion de la société, sur son activité, devant être informée de toute modification affectant la société.

- que les consorts Couzic-Piaulet étaient donc en droit de bénéficier du statut de l'article L. 781-1 nonobstant l'existence d'une SARL écran entre eux et la compagnie pétrolière.

- qu'étant en situation de dépendance économique vis-à-vis de cette compagnie, ce qui ressort de la comparaison du chiffre d'affaires de la vente de carburant et de celui des activités annexes ainsi que de l'existence des nombreuses obligations contractuelles à leur charge, ils remplissaient les conditions pour bénéficier du statut qu'ils revendiquent, ne pouvant décider librement de la politique commerciale de la station-service.

- qu'il ressort des obligations mises à leur charge par le contrat qu'ils ne disposaient d'aucune marge de manœuvre.

- qu'ils avaient notamment l'obligation de se fournir en carburant et lubrifiants exclusivement auprès de la société Esso, cette activité de distribution de carburant étant prépondérante par rapport à l'ensemble de leur activité ainsi que cela ressort de l'examen d'une part des chiffres d'affaires dégagés par chaque activité sans que puissent être comparés les commissions constituant la rémunération de la distribution pétrolière et les chiffres d'affaires des autres activités sauf à comparer une marge commerciale à un volume de ventes, et d'autre part du temps de travail consacré à chaque activité, lequel peut être calculé pour le carburant à partir des heures d'ouverture et des litrages vendus.

- qu'il apparaît ainsi que l'activité de vente de carburant était l'activité quasi-exclusive de la station-service, les activités annexes étant marginales.

- que la seconde condition de l'article L. 781-1 du Code du travail était également remplie puisque le local était fourni par la société Esso.

- que les consorts Couzic-Piaulet étaient tenus de respecter un très grand nombre d'obligations contractuelles précisément définies sous peine de résiliation du contrat, lequel comportait, notamment, une clause de non-concurrence et une obligation de réapprovisionnement du carburant selon un litrage minimum.

- que les deux contrats de mandat successivement signés mentionnent expressément l'obligation de vendre les carburants aux prix et conditions fixés par Esso.

- qu'en ce qui concerne les activités "annexes" la liberté dans la fixation des prix était très relative.

- que les dispositions de l'article L. 781-1 étant ainsi réunies, le Conseil de prud'hommes de Creil était compétent pour connaître du litige.

Attendu que la société Esso SAF fait valoir :

- que les consort Piaulet-Couzic ne peuvent revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail alors qu'ils n'ont jamais eu le moindre lien de droit avec la société Esso, les contrats ayant été passés par la SARL Dane qui a une personnalité juridique distincte de celle des gérants, que les consorts Piaulet-Couzic ne revendiquent en aucune manière l'existence d'un contrat de travail avec la société Esso et ne démontrent pas que la SARL Dane avait un caractère fictif, qu'ils n'avaient aucune obligation de communiquer à Esso les statuts de leur SARL, que cette société a été constituée pour l'exploitation de "tous" fonds de commerce de station-service, qu'elle comptait un 3e associé, que l'obligation d'information figurant dans les contrats était limitée, que le caractère intuitu personae du second contrat ne suffit pas à démontrer son caractère fictif,

- qu'en outre les conditions d'application de l'article L. 781-1 du Code du travail à l'exception de celle de fourniture d'un local, ne sont pas réunies.

- qu'en effet la clause d'approvisionnement exclusif souscrite par la SARL Dane ne concerne que les carburants vendus sous le régime du mandat, c'est-à-dire au nom et pour le compte de Esso, et les lubrifiants utilisés dans la station, vendus quant à eux dans le cadre de la location-gérance, c'est-à-dire achetés ferme à Esso et revendus avec prise de marge.

- que pour les autres produits la SARL choisissait librement ses fournisseurs, son activité se partageant pratiquement pour moitié entre l'activité sous exclusivité et celle hors exclusivité, les arguments développés par les consorts Piaulet-Couzic tenant aux chiffres d'affaires des carburants et au temps consacré à l'activité carburant étant théoriques et contraires à la réalité.

- que les obligations mises à la charge de la société et invoquées par les consorts Piaulet-Couzic comme constituant des conditions imposées, sont en réalité pour la plupart inhérentes au régime juridique de la location-gérance, du droit des marques, du mandat et ne constituent pas les critères d'une éventuelle dépendance économique, étant observé que les contrats litigieux conféraient également aux demandeurs des droits essentiels au niveau de l'embauche, de la tenue de la comptabilité, du choix des jours et heures d'ouverture...

- qu'enfin si les prix des carburants étaient fixés par Esso, dans le cadre du mandat, cette fixation de prix ne concernait que la moitié de l'activité de l'exploitant, celui-ci fixant librement et sous sa responsabilité ses prix, tarifs et conditions de paiement pour les produits qu'il revendait et les services qu'il fournissait à la clientèle dans son activité de location-gérance.

- que les prix des produits et services n'étant pas fixés par Esso pour la moitié de l'activité, la condition de prix imposés n'était pas remplie.

- qu'ainsi en l'absence de réunion des conditions prévues par l'article L. 781-1 du Code du travail, la juridiction prud'homale est incompétente.

- que le jugement doit être confirmé.

- que si la cour reconnaissait applicables les dispositions de l'article L. 781-1, elle devrait renvoyer l'affaire devant le Conseil de prud'hommes de Creil pour statuer au fond sur l'ensemble des demandes y compris celle d'une mesure d'instruction.

Attendu que l'article L. 781-1 du Code du travail dont Daniel Couzic réclame le bénéfice, dispose :

"Les dispositions du présent code qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ;

Attendu que la SARL Dane, dont les gérants étaient Claire Piaulet et Daniel Couzic, a exploité du 1er octobre 1992 au 28 février 1998 une station-service Esso en qualité de locataires-gérants pour les activités dites annexes et de mandataires pour les carburants Esso;

Attendu que l'article L. 781-1 du Code du travail en visant "les personnes dont la profession consiste ..." ne s'attache qu'aux seules conditions réelles d'exploitation, peu important la nature des liens juridiques;

Attendu que si les contrats de location-gérance ont été conclus avec la SARL Dane, l'activité professionnelle en résultant a été de fait exercée par Claire Piaulet et Daniel Couzic ; que Daniel Couzic est dès lors recevable à revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail, peu important les conditions de constitution de la SARL et son absence de lien de droit avec la société Esso;

Attendu que pour bénéficier des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail les conditions posées par ce texte doivent être réunies cumulativement ;

Attendu en l'espèce que la condition de la fourniture d'un local par Esso n'est pas contestée;

Attendu qu'aux termes des contrats passés, une clause d'approvisionnement exclusif avait été souscrite par la SARL Dane pour les carburants, vendus sous le régime du mandat, et les lubrifiants vendus dans le cadre de la location-gérance avec une prise de marge.

Attendu qu'aucune clause d'approvisionnement exclusif n'assortissait les autres produits vendus dans le cadre de la location-gérance : pneus, batteries, accessoires destinés aux véhicules, produits à usage domestique, prestations de lavage, graissage, pose, réparations courantes, échanges de pièces et d'accessoires automobiles, produits alimentaires, boissons, restauration rapide pour lesquels la SARL Dane restait libre du choix de ses fournisseurs sauf à se conformer à la destination du fonds de commerce.

Attendu que le rapport d'expertise établi par Monsieur Jeunehomme dans le cadre de la procédure commerciale ayant opposé la SARL Dane et la société Esso fait apparaître, contrairement à ce que soutient Esso, la très large prédominance de l'activité carburant par rapport à l'activité location-gérance de la station-service. Attendu en effet que sous la rubrique chiffre d'affaires carburant, Esso retient seulement les commissions perçues sur carburant, qui ne sont pas le reflet de l'activité réelle au titre des carburants;

Attendu en réalité que compte tenu du mode de calcul de la commission due sur les ventes de carburant, tel que fixé par les contrats, il apparaît que le chiffre d'affaires réalisé sur les carburants, peu important que la distribution intervienne dans le cadre d'un mandat, ce chiffre d'affaires traduisant l'activité réellement exercée, est très largement supérieur à celui réalisé au titre des autres produits;

Attendu d'ailleurs que l'activité principale de la station-service étant celle de distribution de carburant, les autres activités (ventes et prestations) n'étaient exercées le plus souvent qu'à l'occasion de l'exercice de l'activité principale.

Attendu qu'il importe peu que le chiffre d'affaires de la vente de carburant appartienne à Esso, seule l'activité que cette vente générait devant être prise en considération : réception des camions de livraison, entretien de la piste, comptabilité, gestion, encaissement, service.

Attendu dès lors que la condition tenant à la fourniture quasi-exclusive est remplie.

Attendu et peu important leur origine (mandat, location-gérance, droit des marques), que de multiples obligations contractuelles étaient mises à la charge des exploitants, réduisant d'autant leur autonomie et leur liberté de choix d'une politique commerciale.

Attendu qu'ils avaient ainsi les obligations suivantes :

- obligation d'approvisionnement exclusif auprès d'Esso pour les carburants et pour les lubrifiants (article 4.1 et 5 des conditions générales),

- obligation d'être ducroire des ventes effectuées,

- obligation de vendre les carburants aux prix et conditions fixés par Esso,

- obligation d'accepter les modes de paiement atypiques imposés par Esso, à savoir : tickets route Esso et Esso cartes (article 4-3 et 7-1 des conditions générales),

- obligation de vérifier le dépotage à la livraison (article 4-4 des conditions générales),

- obligation de reddition des comptes sachant que Esso peut contrôler à tout moment les stocks et recettes de la station-service,

- obligation de dépôt journalier des sommes perçues à l'occasion des ventes de carburant dans une banque agréée par Esso (article 4-6, 9c et 7 des conditions générales),

- obligation de fournir des garanties pour le stock initial (article 4-7 des conditions générales),

- obligation de paiement d'une redevance égale au pourcentage du chiffre d'affaires sur l'ensemble des ventes de marchandises (article 6 des conditions générales),

- obligation de communication du chiffre d'affaires de la station-service au plus tard le 10e jour après l'échéance de chaque mois et selon modèle fourni par Esso (article 6 des conditions générales),

- obligation d'adresser à Esso à chaque fin de mois, une facture récapitulative des minorations des commissions du mois (article 7-4a des conditions générales),

- obligation de suivre les instructions administratives (article 7-5 et 9c des conditions générales),

- obligation d'utilisation de la marque dans le respect des conditions de présentation imposées par Esso (article 8 des conditions générales),

- obligation pour toute modification des locaux ou des installations de demander l'accord préalable et écrit d'Esso (article 9-4 des conditions générales),

- obligation d'assurances avec obligation pour la société Dane de fournir à Esso les attestations d'assurances annuelles selon un modèle prévu par les instructions administratives (article 12 des conditions générales),

- obligation de souffrir les travaux importants réalisés par Esso sans pouvoir s'y opposer et ce, quelle que soit la durée de ces travaux (article 13 des conditions générales),

- obligation de résiliation sous préavis d'un mois en cas de désaccord sur l'ajustement de la redevance ou la garantie (article 15 des conditions générales),

- obligation d'informer Esso avant toute modification du capital social, du changement de mandataires sociaux et même de l'embauche de tout salarié (article 17 des conditions générales),

- obligation d'utiliser les moyens de communication à la disposition par Esso (minitel, terminal, point de vente...) pour communiquer à Esso les informations commerciales (article 9d des conditions générales),

- obligation d'affiliation au Club Esso Excellence, qui impose des conditions d'accueil et de prestations de très haute qualité (article des conditions particulières),

- obligation d'affiliation au réseau spécialisé poids lourds (article 11a des conditions particulières),

- obligation de participation aux actions promotionnelles d'Esso (article 12 des conditions particulières),

- obligation de participer à l'action Esso Collection, comprenant l'obligation de se conformer aux conditions d'Esso pour les ventes à primes (remise de points, stock suffisant dans chaque catégorie de primes...) (article 12a des conditions particulières).

Attendu que le nombre de ces obligations, dont la plupart devaient être respectées sous peine de résiliation du contrat, démontre l'absence d'autonomie et de liberté laissées aux exploitants dans l'exercice de leur activité et suffit à démontrer que les conditions réelles d'exploitation leur était imposées ; que les choix de gestion du fonds qui leur étaient laissés étaient extrêmement réduits et ne leur permettaient aucune réelle liberté d'entreprendre; qu'ils étaient pour l'essentiel des actions soumis à tout le moins à information, ce qui implique sinon un autorisation expresse, du moins une absence d'opposition.

Attendu en conséquence que les conditions d'exploitation leur étaient imposées.

Attendu que les contrats de mandat successivement signés mentionnent expressément l'obligation de vendre les carburants aux prix et conditions fixés par Esso ; que les exploitants ayant l'obligation d'acheter à Esso les lubrifiants, ils ne disposaient d'aucune liberté réelle de négociation, ce qui réduisait leur possibilité de pratiquer une politique personnelle de prix, la concurrence dans ce secteur d'activité limitant fortement leur marge de manœuvre.

Attendu que la fixation des prix par Esso concernant l'activité essentielle de la station-service, il ne peut être soutenu en considérant les activités annexes, très limitées, qu'ils disposaient d'une réelle liberté en matière de fixation des prix.

Attendu qu'il est donc établi que les exploitants se trouvaient dans un état de dépendance économique à l'égard de la société et qu'ils remplissaient les conditions pour bénéficier du statut prévu par l'article L. 781-1 du Code du travail, peu important que les intéressés n'allèguent pas l'existence d'un contrat de travail.

Attendu dans ces conditions que la juridiction prud'homale est compétente pour examiner le présent litige ; qu'il convient dans ces conditions d'infirmer le jugement et de renvoyer la cause et les parties devant le Conseil de prud'hommes de Creil pour connaître de l'ensemble des demandes, y compris de la demande d'une mesure d'instruction qui ne peut en l'état être ordonnée dès lors qu'il n'y a pas évocation.

Attendu que le jugement étant infirmé, la société Esso règlera à Daniel Couzic la somme de 760 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et supportera les dépens de 1re instance et de contredit.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement. Reçoit Daniel Couzic en son contredit régulièrement formé, Au fond, Le déclare bien fondé, En conséquence, Infirme le jugement, Déclare la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige, Renvoie la cause et les parties devant le Conseil de prud'hommes de Creil. Condamne la société Esso SAF à payer à Daniel Couzic la somme de 760 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute la société Esso SAF de sa demande à ce titre. Condamne la société Esso SAF aux dépens de 1re instance jusqu'à présent exposés et de contredit.