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Décisions

CA Paris, 2e ch. A, 2 décembre 1997, n° 95-12963

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Buéni

Défendeur :

Kebaili ; Salimi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dintilhac (faisant fonctions)

Conseillers :

Mmes Timsit, Schoendoerffer

Avoués :

Me Moreau, SCP Bernabe-Ricard

Avocats :

Mes Hamidi, Hugon

TGI Bobigny, 6e ch., du 6 mars 1995

6 mars 1995

LA COUR est saisie de l'appel interjeté par Melle Buéni du jugement de la sixième Chambre du Tribunal de grande instance de Bobigny du 6 mars 1995 qui l'a déboutée de ses demandes;

Melle Buéni fait valoir que les consorts Kebaili/Salimi l'ont induite en erreur en lui faisant valoir lors de l'achat de leur maison qu'elle pourrait, selon témoignages versés à la procédure, ensuite acquérir la portion de terrain inconstructible se trouvant derrière leur maison comme jardin d'agrément aux héritiers du propriétaire âgé, alors qu'en réalité le terrain avait été acquis par un promoteur immobilier avec permis de construire affiché et connu des vendeurs mais ignoré d'elle et qu'en outre la construction recèle des vices cachés de construction défectueuse de certains murs, toiture et agrandissement sans permis de construire et irrégularisable et la privant de vues directes apparentes;

Elle demande donc d'infirmer le jugement, de constater les manœuvres dolosives et déterminantes des vendeurs et l'existence de vices cachés et de prononcer la résolution de la vente, de condamner les consorts Kebaili/Salimi à lui restituer le prix de vente de 850 000 F avec intérêt légal à compter du 29 avril 1992, outre les accessoires du prix de 129 945,88 F et charges d'emprunt de 61 585,76 F sauf à parfaire, les travaux d'amélioration pour 15 712,65 F et celle de 16 000 F HT pour frais irrépétibles.

Les consorts Kebaili et Salimi dénient que toute déclaration verbale sur l'achat du terrain voisin évoqué par Melle Buéni lors de la vente puisse constituer une manœuvre dolosive et déterminante ainsi que tout vice caché;

Ils demandent donc de confirmer le jugement sauf à condamner l'appelante à payer les sommes de deux fois 10 000 F pour frais irrépétibles devant le tribunal et la cour.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que M. Kebaili et Salimi ont vendu à Melle Buéni, par acte notarié du 29 avril 1992, leur maison sis 34 rue de la Convention, à Romainville, consistant en rdc, entrée, salle de bains, WC, séjour-salon avec cheminée, cuisine débarras, premier étage, deux chambres, deuxième étage, chambre mansardée, au prix de 850 000 F, outre 77 294,75 F de taxes ; Que la situation du relevé du compte du Notaire au 21 août 1992 fait état de débit de 979 945,88 F représentant outre le prix de 850 000 F, des frais pour la somme globale de 129 945,88 F.

Que le plan de situation figure derrière la maison un terrain longiligne non construit bordant entre autre la construction vendue;

Considérant que Melle Buéni produit les témoignages de MM. Noël, Agopian, Millot, mère de l'appelante, Comastri et Mignon attestant que lors de visites respectives des lieux en compagnie de Melle Buéni, Mme Salimi a indiqué que le terrain vague jouxtant l'habitation serait prochainement à vendre aux propriétaires des différents pavillons de la rue de la Convention; MM. Noël et Comastri rajoutaient que le terrain avait été dit inconstructible et à vendre par les héritiers du vieux monsieur actuellement propriétaire;

Considérant que des permis de construire d'un bâtiment de 929 m2 de trois logements ont été accordés initialement le 26 octobre 1990 à la société Convention sur le terrain arrière bordant la maison vendue;

Que le recours du 23 décembre 1992 de Melle Buéni auprès de la mairie de Romainville contre le permis modificatif autorisé le 12 décembre 1992 à la société Convention du fait de l'existence de vue directe à partir de la véranda sur laquelle débouchent deux fenêtres de chambre et d'infractions au POS a fait l'objet d'une réponse négative le 2 avril 1993 de la mairie, au motif que les vues directes revendiquées résultent de modifications des années 1986/1987 sans autorisation administrative et non régularisables, les vues directes sur fonds voisin n'étant autorisées que si la construction est située à 8 mètres au moins de la limite séparative.

Que par lettre du 13 décembre 1993 la SCI du 28/30 de la Convention annonçait à Melle Buéni une procédure en démolition de construction illicite sur son lot et lui nuisant;

Considérant que dans un procès-verbal de constat du 9 juillet 1993, Me Leclercq, Huissier de justice a constaté que : au rdc, au niveau de la cuisine, la cloison extérieure est constituée de panneaux agglomérés sur des dizaines de mètres carrés et le carrelage intérieur est très fissuré, ainsi que des infiltrations d'eau dans les WC, la salle de bains et l'entrée, au premier étage, le mur pignon gauche, côté intérieur et après dégarnissement de revêtement en bois, est constitué des parpaings de mâchefer vétuste avec revêtement plâtre hors d'usage, absent sur plusieurs mètres carrés avec affaissement du plafond en lambris, ainsi que des pénétrations d'eau au dessus de la porte donnant accès à la terrasse, toiture et cheminée étant en état très vétuste;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments une conduite dolosive des vendeurs sur les qualités substantielles de la chose vendue : sur la situation du bien par rapport au voisinage en ayant fait croire, selon les témoignages corroborants versés à la procédure, à un agrandissement possible du bien par l'achat d'une portion de terrain inconstructible à un tiers dans des conditions contraires à la réalité et à tout le moins une réticence en ayant omis d'avertir Melle Buéni du programme immobilier affiché avant la vente sur la parcelle voisine, dans la consistance du bien vendu dont la partie véranda construite sans permis était susceptible de faire l'objet de recours et n'ouvrait pas le bénéfice de la protection des vues directes qu'elle semblait assurer, outre les divers vices cachés de construction révélés dans le procès-verbal de constatation d'huissier;

Considérant dans ces conditions que Melle Buéni est bien fondée en sa demande de résolution de la vente;

Que les intimés seront condamnés à restituer le prix d'achat, outre les frais accessoires de 129 945,88 F à l'exclusion d'intérêts de droit, Melle Buéni ayant profité de l'occupation du bien, et des charges d'emprunt qui sont attachés à l'initiative de Melle Buéni de recourir à un prêt et de travaux d'amélioration dont la consistance n'est pas suffisamment justifiée par quelques factures de matériaux d'un montant modique;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à Melle Buéni la charge de ses frais irrépétibles pour lesquels il lui sera alloué la somme de 10 000 F;

Par ces motifs, Prononce la résolution de la vente passée par acte notarié du 29 avril 1992 par Me Richet, Notaire, aux torts des vendeurs, M. Khaled Kebaili né le 17 novembre 1944 à Oran, Algérie et Melle Naïma Salimi, née le 18 octobre 1952 à Casablanca, Maroc, et au profit de Melle Chantal Buéni, née le 28 mars 1964 à Ajaccio, Corse, portant sur le bien sis à Romainville, Seine-Saint-Denis, 34 rue de la Convention, cadastré section AC n° 260 rue de la Convention n° 34 pour 53 centiares, maison d'habitation comprenant : au rdc, entrée salle de bains WC séjour-salon avec cheminée cuisine débarras, au premier étage, deux chambres, au deuxième étage, une chambre mansardée. Condamne solidairement les consorts Kebaili/Salimi à payer à Melle Buéni les sommes de 850 000 F en restitution du prix et celle de 129 945,88 F en frais accessoires; Condamne les consorts Kebaili/Salimi à payer à Melle Buéni la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC. Rejette les autres demandes; Condamne solidairement MM. Kebaili/Salimi aux dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP Bernabe Ricard, avoué au bénéfice de l'article 699 du NCPC.