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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. com. B, 6 juin 2003, n° 98-17885

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sadam (SA)

Défendeur :

Rove Automobiles et Services (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cadiot

Conseillers :

MM. Astier, Gagnaux

Avoués :

SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Latil-Penarroya-Alligier

Avocats :

Mes Bollet, Collard, Sacoun

T. com. Aix-en-Provence, du 20 juill. 19…

20 juillet 1997

Faits, procédure et prétentions des parties

Le 20 mars 1996, la société Sadam, société concessionnaire de la marque automobile Citroën a conclu un contrat d'agence commerciale avec la société Le Rove Automobiles et Services, dite société Rove pour la poursuite de la commercialisation par cette dernière de véhicules Citroën.

A la suite d'un affrontement le 17 septembre 1996 entre leurs dirigeants respectifs à l'occasion d'un forum Citroën, la société Sadam a notifié le 30 septembre 1996 à la société Rove la rupture du contrat d'agent commercial.

Après avoir poursuivi des négociations avec notamment l'intervention du CNPA (Conseil National des Professions de l'Automobile), la société Rove a assigné le 10 décembre 1997 la société Sadam en paiement de la somme de 1 500 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat d'agent commercial.

La société Sadam opposait à titre principal la prescription de l'action du demandeur et subsidiairement la responsabilité exclusive et fautive de la rupture.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 20 juillet 1997 dont appel le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence :

- (a rejeté) "comme injustifiée l'exception de prescription" et déclaré "recevable la demande" de la SARL Rove,

- condamné la société Sadam à payer à la société Rove "à titre de dommages et intérêts une somme forfaitairement à la somme de 300 000 F outre 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de sa demande de réformation la société Sadam appelante à titre principal le 3 août 1998 a déposé le 25 mars 2003 des "conclusions récapitulatives et en réplique" aux termes desquelles elle fait essentiellement valoir, après avoir exposé le contexte de la rupture,

- à titre principal que l'intimée n'avait pas engagé son action dans le délai et selon les modalités de l'article L. 134-12 du Code de commerce, l'article 30 du contrat d'agent commercial étant à cet égard indifférent,

- à titre subsidiaire que l'agent commercial ayant commis une faute grave n'avait droit en application de l'article L. 134-13 du Code de commerce à aucune indemnisation,

- à titre infiniment subsidiaire que le montant de l'indemnisation demandée n'est nullement justifié.

Elle demande en définitive à la cour en fin de ses écritures :

"- Réformer en sa totalité le jugement entrepris, et statuant à nouveau.

A titre principal,

- Dire et juger que l'action en dommages-intérêts diligentée par la société Le Rove Automobiles et Services contre la société Sadam est prescrite au regard des articles L. 134-12 et suivants du Code de commerce,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que la faute grave commise par la société Le Rove Automobiles et Services lui retire tous droits au bénéfice d'une indemnité compensatrice au regard de l'article L. 134-13 du Code de commerce.

A titre infiniment subsidiaire

- Dire et juger que la société Le Rove Automobiles et Services ne justifie pas d'un quelconque préjudice,

En toute hypothèse:

- Condamner la société Le Rove Automobiles et Services à restituer à la société Sadam la somme de 46 649,40 euro avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 1998, jour du versement de cette somme conformément à la mesure d'exécution provisoire dont était assortie le jugement de première instance,

- Condamner la société Le Rove Automobiles et Services au paiement de la somme de 2 286,74 euro (15 000 F) en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- Condamner l'intimée aux entiers dépens."

Au soutien de sa demande de confirmation du jugement sur le principe et d'appel incident sur le quantum, la société Rove intimée a déposé le 16 avril 2003 des conclusions récapitulatives pour faire essentiellement valoir) après avoir rappelé l'historique de sa collaboration avec la firme Citroën et celle avec la société Sadam :

- que son action n'est pas atteinte par la prescription, l'article 30 du contrat d'agent commercial instituant une dérogation plus favorable au délai d'un an qui lui est opposé ;

- que la rupture du contrat a été abusivement mise en œuvre par la société Sadam;

- qu'elle est en droit de demander l'indemnisation de son préjudice à une hauteur supérieure à celle évaluée par les premiers juges.

Elle demande en définitive à la cour en fin de ses écritures:

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 20 juillet 1998 en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité contractuelle de la société Sadam SA.

- Reformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts alloués à la société Le Rove Automobiles et Services à la somme de 300 000 F.

- Dire et juger que la société Sadam a engagé sa responsabilité contractuelle en rompant abusivement le contrat d'agence commerciale du 20 mars 1996 qui la liait à la société Le Rove Automobiles et Services.

- Dire et juger que la société Sadam devra réparer l'intégralité du préjudice subi par la société Le Rove Automobiles et Services qui s'élève à la somme de 152 449,02 euro.

- Condamner la société Sadam SA à payer à la société Le Rove Automobiles et Services la somme de 152 449,02 euro en réparation du préjudice qu'elle lui a fait subir.

- Rejeter toutes demandes fins et conclusions contraires.

- Condamner la société Sadam SA à payer à la société Le Rove Automobiles et Services la somme de 3 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- Condamner la société Sadam aux entiers dépens.

Motifs de la décision

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée et qu'aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité ;

Attendu que l'article 12 de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 (devenu l'article L. 134-12 du Code de commerce) énonce en ses alinéas 1 et 2 :

"En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits" ;

Attendu que la société Rove ne soutient pas avoir notifié au mandant une demande d'indemnité compensatrice avant son assignation du 10 décembre 1997 ; qu'elle estime néanmoins que la réunion de conciliation le 4 décembre 1996 avec un représentant de la firme Citroën avait un effet équivalent ou vaudrait notification;

Attendu qu'il ne résulte d'aucun document produit que l'agent commercial ait expressément demandé une indemnisation dans les termes et au sens de l'article L. 134-12 précité ;

Attendu que l'unique et tardive (en 2003) attestation de Monsieur Esparcieux est à cet égard sans pertinence, ce dernier attestant avoir accompagné son "ami Joseph La Rocca" (dirigeant la société Rove) avant d'énoncer :

"Le but de cette rencontre était de trouver une solution à l'amiable sur les points suivants :

- soit le maintient du contrat d'agent

- par défaut, une indemnité pour rupture de contrat.

A mon souvenir, aucun arrangement n'a pu être établi."

Attendu qu'il ne résulte pas de cette attestation que la société Rove ait notifié son intention de revendiquer une indemnisation ni a fortiori de contester alors sa responsabilité fautive en la rupture;

Attendu enfin que l'article 30 du contrat d'agent commercial n'a pas pour objet ni vocation de proroger le délai d'un an de l'article L. 134-12 précité, ne visant qu'un préalable amiable avant assignation, et énonçant seulement :

"Il est admis de convention expresse qu'avant toute assignation les parties se rapprocheront afin de rechercher une solution amiable à leur litige pour lequel elles pourront consulter le constructeur".

Qu'en effet cette disposition contractuelle impartit des modalités supplémentaires de mise en œuvre d'une action opposant les parties en cas de litige (rubrique "Litiges" du contrat) sans affecter la perte du droit à réparation résultant de l'article L. 134-12 alinéa 2 à défaut de notification, a fortiori si la notification légale implique le respect des formes énoncées aux articles 665 et suivants du nouveau Code de procédure civile.

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris et de dire irrecevable l'action, de la société Rove; que cette réformation entraîne de droit l'obligation de restituer les sommes allouées suite au jugement réformé ; que les intérêts de la somme à restituer ne courent qu'à compter de la signification du présent arrêt, valant seule mise en demeure;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de condamner la société intimée, à payer à l'appelante une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort, En la forme, dit l'appel recevable, Au fond réformant le jugement entrepris, Dit l'action de la société Rove irrecevable, Condamne la société Rove à rembourser à la société Sadam la somme principale payée en application du jugement réformée assorti de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Rove aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés à son encontre par la SCP de ST Ferreol-Touboul, avoués à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.