Cass. crim., 11 octobre 1989, n° 88-87.168
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Maron
Avocat général :
Mme Pradain
Avocat :
Me Capron
LA COUR : - Rejet du pourvoi formé par X Yves, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 15 septembre 1988, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et s'est prononcé sur les réparations civiles. Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Yves X à une amende de 10 000 francs pour tromperie ;
" aux motifs qu'" il est constant que le rapport de contrôle établi par le garage X et remis à M. Touitou, propriétaire du véhicule, avait pour finalité, notamment, de renseigner un tiers, acquéreur éventuel " (cf. arrêt attaqué, p. 4, 1er attendu), " que le rapport de contrôle du 15 avril 1986 donnait une idée fausse sur l'état technique apparent du véhicule, laissant penser que les défauts ou anomalies constatés n'impliquaient pas qu'il y soit remédié immédiatement " (cf. arrêt attaqué, p. 4, 2e attendu) ; " que le prévenu a indiqué à la cour qu'il lui arrivait de procéder lui-même à ces examens techniques, conjointement à son chef d'atelier, ce qui lui permettait d'affirmer que celui-ci était compétent et consciencieux " (cf. arrêt attaqué, p. 5, 1er attendu) ; qu'" en se remettant entièrement à un préposé pour la délivrance des rapports d'examen, sans qu'aucun contrôle n'apporte à l'usager la garantie de la fiabilité du document remis, le prévenu, qui est un professionnel du commerce et de la réparation automobile, a nécessairement accepté l'idée que ses clients et des tiers supporteraient le risque d'une information fausse sur l'état du véhicule, et, comme en l'espèce, sur sa sécurité ; (que) ce dol éventuel par inaction ou négligence suffit à caractériser l'élément moral de la tromperie ; (que) l'intention délictueuse existe, dès lors que le prévenu, qui a le devoir et le pouvoir de prévenir le risque de tromperie, risque connu, banal en cette matière, ne justifie pas qu'il a pris, en sa qualité de chef d'entreprise, les mesures nécessaires " (cf. arrêt attaqué, p. 5, 3e attendu) ; " que, dans la présente affaire, M. Gauche, acquéreur du véhicule vendu par M. Touitou, a été trompé par X, professionnel agréé, qui s'en est remis à un préposé du soin de délivrer le rapport de contrôle, sans rien faire pour prévenir le risque d'une prestation trompeuse, soit par collusion avec le vendeur, soit par incurie " (cf. arrêt attaqué, p. 5, 7e attendu) ;
" alors qu'en matière d'infraction à la loi du 1er août 1905, les textes n'édictent aucune présomption de tromperie contre celui qui a négligé de procéder à toutes les vérifications utiles avant de livrer sa marchandise à la vente ; qu'il ressort des constatations opérées par le juge du fond, qu'il arrivait au prévenu de procéder lui-même à des examens techniques, conjointement à son chef d'atelier, ce qui lui permettait d'affirmer que celui-ci était compétent et scrupuleux ; qu'en relevant pour caractériser l'élément intentionnel de la tromperie qu'elle réprime, qu'Yves X ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires pour que les examens techniques accomplis par son garage aient la qualité requise, quand il résulte de ses constatations qu'Yves X a procédé lui-même à des examens techniques en compagnie de son chef d'atelier afin de se convaincre du sérieux et de la compétence de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que la cour d'appel, qui reproche, d'une part, à Yves X de s'en être entièrement remis à son chef d'atelier et de n'avoir pratiqué aucune des vérifications propres à garantir aux usagers de son garage la qualité et le sérieux des examens techniques qui y étaient accomplis, et qui constate, d'autre part, qu'Yves X avait procédé lui-même à des examens techniques en compagnie de son chef d'atelier, ce qui lui avait permis de se convaincre de la compétence et du sérieux de celui-ci, s'est contredite ; qu'elle a, par conséquent, privé sa décision de motifs " ;
Attendu que pour condamner Yves X du chef de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, la cour d'appel relate que celui-ci, président-directeur général du garage X a délivré à Gérard Touitou un rapport de contrôle effectué, par application des dispositions de l'arrêté du 4 juillet 1985, préalablement à la vente d'un véhicule de plus de 5 ans d'âge ; que ce rapport présentait des erreurs concourant à donner une idée fausse sur l'état technique apparent du véhicule et laissant penser que les défauts ou anomalies constatés n'impliquaient pas qu'il y soit remédié immédiatement alors que tel devait être le cas ; qu'elle relève qu'il s'agit là d'une faute professionnelle lourde consistant à donner un avis totalement erroné sur l'état technique apparent d'un véhicule d'occasion assez âgé et que les défauts occultés ou minimisés par ce rapport concernaient des qualités substantielles du véhicule ;
Attendu que la cour précise, pour caractériser l'élément intentionnel du délit, que s'il est arrivé au prévenu, comme il l'indique, de procéder lui-même à l'examen technique de véhicules, en compagnie de son chef d'atelier, cela fait apparaître que la dimension de l'entreprise et son organisation n'étaient pas telles qu'il soit fondé, pour se disculper, à invoquer une délégation de pouvoirs, et qu'en s'en remettant, comme il l'a fait, entièrement à un préposé pour la délivrance des rapports d'examen, sans qu'aucun contrôle n'apporte à l'usager la garantie de la fiabilité du document remis, ce professionnel du commerce et de la réparation automobile avait accepté l'idée que ses clients et des tiers supporteraient le risque d'une information fausse sur l'état du véhicule et, comme en l'espèce, sur sa sécurité ; que la Cour ajoute enfin que le prévenu, qui avait le devoir et le pouvoir de prévenir le risque de tromperie, risque connu et banal en cette matière, ne justifiait pas avoir pris, en sa qualité de chef d'entreprise, les mesures nécessaires ;
Attendu qu'en statuant de la sorte, les juges du second degré ont caractérisé à la charge du demandeur tous les éléments constitutifs y compris l'élément intentionnel, non pas du délit reproché, mais de celui de tromperie sur les qualités substantielles d'une prestation de service, prévu et puni par les articles 1, 6, 7 et 16 de la loi du 1er août 1905 ;
Qu'en effet, si cette loi du 1er août 1905 n'édicte aucune présomption de tromperie contre le prestataire de services qui aurait négligé de procéder à toutes vérifications utiles avant de livrer le fruit de son travail, les juges du fond peuvent cependant souverainement déduire la mauvaise foi du prévenu du fait que celui-ci s'est soustrait à l'obligation qui lui incombait personnellement, en sa qualité de directeur d'un établissement, d'exercer les contrôles nécessaires ; que le moyen, dès lors, doit être écarté, par application des dispositions de l'article 598 du Code de procédure pénale ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.