CA Lyon, ch. soc., 5 novembre 2003, n° 00-01113
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Arlin
Défendeur :
Les Fils de Stéphane Arlin (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vouaux-Massel
Conseillers :
M. Gervésie, Mme Monléon
Avocats :
Mes Lambert-Vernay, Rossi
Exposé du litige
Monsieur Arlin, né en juillet 1942, est entré, le 1er octobre 1960, dans la petite société familiale "Les Fils de Stéphane Arlin ", au sein de laquelle il a exercé, successivement, des fonctions d'employé de bureau, responsable de comptabilité et commercial sédentaire, puis de représentant de commerce "multi-cartes" et enfin, "mono-carte". Licencié pour motif économique, par lettre du 18 décembre 1998, il a contesté le bien-fondé de cette décision, après échec de pourparlers transactionnels.
Par jugement du 20 janvier 2000, le Conseil de prud'hommes de Lyon a :
- dit que Monsieur Arlin avait été régulièrement rémunéré conformément aux stipulations de la convention collective des VRP, et l'a débouté de sa demande de complément de salaire et congés payés afférents,
- dit que le licenciement de Monsieur Arlin reposait sur un motif économique,
- condamné la société Les Fils de Stéphane Arlin à verser à Monsieur Arlin la somme d'un franc, symbolique, pour avoir omis de notifier dans la lettre de licenciement, la mention relative à la priorité de réembauchage,
- débouté Monsieur Arlin du surplus de ses demandes, et la société Les Fils de Stéphane Arlin de la sienne, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné les deux parties aux dépens, à parts égales,
Monsieur Arlin, qui a fait appel le 1er février 2000, demande, dans ses conclusions récapitulatives, reprises oralement, de :
Reformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Condamner la société Les Fils de Stéphane Arlin au paiement des sommes suivantes :
* Rappel de salaire : 44 210,21 euro
* Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 54 881,64 euro
* Indemnité compensatrice de préavis : 2 764,51 euro
* Dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage : 4 573,47 euro
* Solde d'indemnité spéciale de rupture : 11 705,64 euro
* Commission de retour sur échantillonnage : 4 573,47 euro
* Article 700 du nouveau Code de procédure civile : 3 000 euro
Condamner la société Les Fils de Stéphane Arlin à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC, rectifiés en fonction des condamnations qui seront prononcées sous astreinte de 75 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt devant intervenir.
Condamner la société Les Fils de Stéphane Arlin aux entiers dépens.
Il prétend, d'abord, que, n'étant pas remboursé de ses frais kilométriques, sa rémunération réelle était inférieure au SMIC (garantie conventionnelle), puisqu'il effectuait 5 000 kilomètres par mois en moyenne; ensuite, quant au licenciement, qu'aucun motif économique et aucune conséquence sur la nécessité de la suppression de son emploi ne sont évoqués dans la lettre de rupture, et que c'était pour cette raison que l'employeur, totalement conscient du caractère abusif de la décision, lui avait proposé une transaction ; que la convention de conversion n'avait donc plus de cause, d'où sa demande en paiement du préavis ; que le défaut d'information sur la priorité de réembauchage lui avait causé un préjudice; que compte tenu du rappel de salaire, un complément d'indemnité spéciale de rupture lui est dû ; enfin qu'il est fondé à prétendre au paiement de commissions de retour d'échantillonnage.
La société Les Fils de Stéphane Arlin sollicite l'entière confirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur Arlin et la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 1 500 euro, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que des éventuels dépens.
Elle rétorque que la rémunération versée à l'intéressée était supérieure au minimum conventionnel augmenté des frais professionnels forfaitaires (30 %) et qu'en outre il n'apporte pas de justification de la réalité de ses frais ; que la situation économique de l'entreprise évoluait d'une telle façon que les quatre frères Arlin, tous associés à parts égales, avaient décidé d'arrêter l'activité déficitaire et de céder la société par branche d'activité; que l'absence de la mention de priorité de réembauchage n'avait causé aucun réel préjudice, dès lors qu'il y avait arrêt de l'activité ; qu'il ne peut prétendre à des commissions de retour d'échantillonnage, du fait des cessions intervenues en décembre 1998.
II - Motifs de la décision
- Sur la demande en rappel de salaires
La ressource minimale forfaitaire garantie au représentant par l'article 5 de l'Accord National Interprofessionnel des voyageurs-représentants-placiers, pour le VRP exclusif, soit 520 fois le taux horaire du SMIC, a le caractère de salaire. Dès lors, pour la vérification du respect de ce minimum, il doit être également tenu compte des frais professionnels, soit réels, sur justifications, soit, en l'absence de remboursement de ceux-ci, des frais professionnels forfaitaires, tels qu'admis fiscalement (déduction de 30 %) alors calculés par rapport à la ressource minimale.
Et le complément de salaire qui doit être, éventuellement, versé par l'employeur est à valoir sur les rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants, mais ne peut être déduit qu'à concurrence de la partie des rémunérations excédant la ressource minimale.
En l'espèce, selon ses fiches de paie, Monsieur Arlin bénéficiait de la déduction forfaitaire, de 30 % au titre de ses frais professionnels.
Sa demande porte sur la période non prescrite, à compter du 1er avril 1993.
Vérification faite, trimestre par trimestre, en fonction des rémunérations figurant sur les fiches de paie, et des augmentations successives du SMIC, la rémunération de Monsieur Arlin a toujours été supérieure, jusqu'à fin 1996, à la rémunération minimale trimestrielle augmentée des frais professionnels forfaitaires. A partir de début 1997, si les rémunérations de certains trimestre ont été inférieures au minimum, il y avait compensation avec les trimestres suivants, conformément aux dispositions conventionnelles, tant en 1997 qu'en 1998 (exemple : complément dû pour le 1er trimestre 1998 : 2 516,53 F ; pour le second trimestre : 1 521,38 F ; excédent 3e trimestre 1998 : 7 212,09 F).
Dès lors, le jugement doit être confirmé sur le rejet de la demande en rappel de salaire, d'autant que l'intéressé ne justifie pas de la réalité des frais allégués.
- Sur le licenciement
La décision de rupture a été justifiée en ces termes : "Nous sommes contraints de procéder désormais à votre licenciement pour motif économique, à la suite de la cessation des activités de notre société."
La "cessation d'activité", en elle-même constitutive de motif économique, sauf fraude, emporte nécessairement la suppression d'emploi.
La société Les Fils de Stéphane Arlin n'était qu'une petite entreprise, n'occupant plus, en dernier lieu, que deux membres de la famille, l'un en tant que VRP (Monsieur Bernard Arlin), l'autre en tant que secrétaire, également licenciée pour le même motif. La décision ainsi prise s'expliquait par l'évolution de sa situation économique, telle qu'elle résulte des comptes annuels :
<emplacement tableau>
C'est dans ces conditions que les quatre associés, dont Monsieur Bernard Arlin, ont décidé, à l'unanimité, de procéder aux cessions de l'activité de "brosserie industrielle" et de "négoce de la droguerie en gros". Son licenciement était donc justifié et le jugement doit être confirmé sur le rejet de ses demandes en dommages-intérêts et au titre du préavis, du fait de son adhésion à la convention de conversion.
- Sur les autres demandes
Par l'effet des cessions intervenues en décembre 1998, et de l'arrêt de l'activité, Monsieur Bernard Arlin, qui n'a donc pas exécuté réellement de préavis, et qui ne justifie nullement de "prix faits avec des clients", qu'il n'indique même pas, antérieurement à la rupture, n'est pas fondé à réclamer des commissions de retour d'échantillonnage.
S'il est exact que la lettre de rupture ne comportait aucune information sur la priorité de réembauchage, en violation des dispositions de l'article L. 122-14-2 du Code du travail, cette irrégularité ne peut être assimilée au présent cas, en raison de la fermeture définitive non contestée, à la privation d'un droit effectif, et n'emporte qu'un préjudice de pur principe.
Enfin, il n'y a pas lieu, en équité de satisfaire à la demande de l'intimée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
III - Décision
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute Monsieur Arlin de toutes ses demandes, et la société Les Fils de Stéphane Arlin de la sienne au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Arlin aux dépens d'appel.