CA Paris, 4e ch. B, 6 juin 2003, n° 2001-00226
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Milbox (SA)
Défendeur :
Bernaville
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pezard
Conseillers :
Mmes Schoendoerffer, Regniez
Avoués :
SCP Duboscq-Pellerin, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller
Avocats :
Mes Chiron, Guez
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société anonyme Milbox d'un jugement contradictoirement rendu le 10 novembre 2000 par le Tribunal de grande instance de Sens qui, tout en ordonnant la résiliation du contrat de licence de marque et du contrat de licence de dessin et modèle conclus entre elle et M. Jean Bernaville le 1er juillet 1995, l'a condamnée à verser à ce dernier, à titre de provision, la somme de 250 000 F en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée des conventions précitées, ainsi que la somme provisionnelle de 200 000 F au titre du marché de Grande Bretagne et du Canada, celle de 30 000 F au titre des produits impayés et invendus, celle de 30 000 F au titre des remises de fin d'année, celle de 30 000 F au titre des participations publicitaires et celle de 50 000 F pour les redevances liées à l'activité au BHV de Paris, désignant M. Jean-Pierre Allouch en qualité d'expert aux fins de fixation définitive de ces sommes et ordonnant à Jean Bernaville de consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal la somme de 30 000 F à valoir sur les frais et honoraires de l'expert avant le 15 décembre 2000, l'a déboutée de sa demande reconventionnelle et a déclaré irrecevable la demande de Monsieur Bernaville relative aux brosses en mohair.
En octobre 1994, Jean Bernaville, inventeur d'un rouleau de peinture avec réservoir, a cédé à la société Milbox le brevet qui lui avait été antérieurement délivré par l'INPI.
Selon deux conventions distinctes du 1er juillet 1995, il a également concédé à cette société la licence exclusive d'exploitation de la marque Peintuvie n° 95561821 et la licence exclusive partielle du dessin et modèle du rouleau.
Parallèlement, la société Milbox a engagé M. Bernaville en qualité d'attaché commercial aux fins de commercialiser ce produit ; ledit contrat de travail devait être rompu par son licenciement pour faute lourde le 8 février 1999.
M. Bernaville a rejoint début 1999 la société concurrente Franpin;
Prétendant que la société Milbox avait manqué à ses obligations contractuelles en dissimulant la commercialisation du rouleau réservoir sous une marque différente notamment en Grande-Bretagne, au Canada et aux Pays-Bas et en livrant à la société Panissier des rouleaux dans des sachets en plastique totalement anonymes, le privant ainsi d'importantes royalties, M. Jean Bernaville a, par acte du 30 décembre 1998, assigné ladite société aux fins de résolution des contrats de licence de marque et de dessin et modèle à ses torts exclusifs, de tels agissements constituant, selon lui, des actes de concurrence déloyale et des atteintes à la marque qu'il a déposée sous le n° 95561821.
Par ordonnance du 26 octobre 1999, le juge de la mise en état a fait interdiction :
- à la société Milbox de commercialiser le rouleau réservoir créé par M. Bernaville, à l'insu de celui-ci, sous astreinte de 1 000 F par rouleau vendu,
- à Jean Bernaville de faire fabriquer et de vendre des rouleaux faisant l'objet des contrats de licence, déposés le 5 mai 1995 sous le n° 952-621, autrement que par la société Milbox sous astreinte de 1 000 F par rouleau vendu en infraction.
Il a également donné acte à cette société de ce qu'elle n'emploie plus la marque Peintuvie depuis le mois de juillet 1999 mais lui a interdit néanmoins d'utiliser celle-ci, en tant que de besoin, sous astreinte de 1 000 F par appareil vendu sous cette marque.
La société Milbox, appelante, prie la cour dans ses dernières conclusions signifiées le 30 août 2002 de :
- la dire recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
- débouter Monsieur Bernaville de toutes ses demandes dirigées à son encontre comme infondées et injustifiées ;
- recevoir sa demande reconventionnelle, la dire bien fondée et y faire droit;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé Monsieur Bernaville coupable de concurrence déloyale à son préjudice ;
En conséquence et statuant à nouveau de ce chef,
- condamner M. Bernaville à lui payer une somme de 672 023, 77 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice;
A titre subsidiaire,
- ordonner l'ouverture d'une expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec pour mission de donner son avis sur le préjudice qu'elle a subi ;
- débouter M. Bernaville de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;
- le condamner à lui rembourser la somme de 89 944, 92 euro versée dans le cadre d'une saisie-attribution au titre de sa condamnation provisionnelle ;
- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de son versement effectif entre les mains de M. Bernaville ou son mandataire ;
- le condamner à lui payer une somme de 7 622,45 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. Bernaville, intimé, a conclu en dernier lieu le 19 février 2003 et demande à la cour de :
- dire bien jugé mal appelé;
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a prononcé la résiliation des contrats de licence de marque et de licence de dessins et modèles aux torts et griefs exclusifs de la société Milbox ;
- dire cette résiliation acquise au plus tard à la date de l'assignation introductive d'instance, soit le 30 décembre 1998, et par voie de conséquence, dire les ventes effectuées postérieurement passées en fraude de ses droits et en l'état des précisions fournies ci-dessus :
- élever le montant des condamnations provisionnelles aux sommes suivantes :
* 76 224,51 euro à titre de provision, en réparation de la rupture anticipée des conventions,
* 76 224,51 euro au titre du marché de Grande-Bretagne et du Canada,
* 15 244,90 euro au titre des produits impayés et invendus,
* 15 244,90 euro au titre des remises de fin d'année;
* 15 244,90 euro au titre des participations publicitaires,
* 15 244,90 euro pour les redevances liées à l'activité du BHV de Paris,
* 7 622,45 euro pour les brosses en mohair;
Y ajoutant,
- condamner la société Milbox au paiement à valoir d'une somme provisionnelle de 119 215,13 euro en réparation du préjudice né des seules ventes connues du rouleau après résiliation des conventions, ladite résiliation acquise le 30 décembre 1998 ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné l'expertise qui sera étendue à la recherche du profit né, pour la société Milbox, des ventes des brosses en mohair;
- débouter la société Milbox de sa demande reconventionnelle, tout à la fois irrecevable pour viser des faits postérieurs à la date qui sera fixée de la résiliation des conventions, et encore infondée pour s'appuyer sur de vains griefs ;
Et sanctionnant le caractère abusif et préjudiciable, diffamatoire, des moyens opposés par la société Milbox :
- la condamner au paiement d'une somme de 45 734,71 euro à titre de dommages et intérêts ;
- débouter la société Milbox de toutes ses demandes ;
- la condamner au paiement d'une somme de 15 244,90 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Cela étant exposé :
Considérant que le 1er juillet 1995, Monsieur Bernaville a concédé l'exploitation de la marque Peintuvie à la société Milbox, à titre exclusif dans toute la Communauté économique européenne, pour une durée de trois ans renouvelable chaque année par tacite reconduction, sauf dénonciation trois mois avant la fin de l'exercice, avec au profit du concédant une redevance d'un montant de 4 % calculée sur le prix hors taxe des produits vendus sous la marque, emballage, taxes, frais de transport et ristournes non déduits ;
Qu'à la même date, la licence d'exploitation du dessin du rouleau réservoir déposé le 5 mai 1995, sous le n° 952-621, a été accordée à la société Milbox dans les mêmes limites géographiques et pour une égale durée, renouvelable par périodes de trois ans, sauf dénonciation six mois au moins avant l'échéance, moyennant une redevance mensuelle de 4 % sur le chiffre d'affaires hors taxe réalisé avec le dessin, la rémunération étant due pour tout produit vendu et facturé par la licenciée, qu'il ait ou non été payé par le client :
Sur les manquements aux contrats de licence de marque et de licence de dessins et modèles invoqués à l'encontre de la société Milbox :
- Sur les marchés ouverts à l'étranger :
* sur les redevances des produits vendus en Grande-Bretagne :
Considérant que la société Milbox s'oppose aux griefs invoqués à son encontre d'avoir sciemment commercialisé le rouleau litigieux en Grande-Bretagne par l'intermédiaire de la société QVC en fraude des droits de M. Bernaville, faisant valoir qu'elle avait toujours exécuté les contrats de licence susvisés de bonne foi, mais que des "erreurs" dans le calcul des redevances dues à M. Bernaville s'étaient produites compte tenu de la complexité du suivi de ces ventes (difficultés dans le traitement comptable des opérations : non affectation de certaines facturations concernant le rouleau-réservoir au secteur statistique prévu à cet effet - secteur 12 - compte tenu de l'existence d'un compte représentant export pour les opérations de commercialisation faites à l'étranger et de références différentes pour l'article vendu à la Grande-Bretagne, s'agissant d'un lot à peindre composé de plusieurs produits dont un seul, le rouleau-réservoir, pouvait donner lieu au paiement d'une redevance) et que, dès qu'elle s'était rendue compte des ces "erreurs", elle avait alors procédé à la régularisation des dites redevances dans le délai contractuel ;
Mais considérant que la société Milbox reconnaît avoir commercialisé le rouleau litigieux en Grande-Bretagne par l'intermédiaire de la société QVC; qu'elle a exploité ce marché sans reverser les redevances prévues par les contrats de licence passés avec M. Bernaville ; que le moyen relatif à la complexité du suivi des dites ventes est inopérant, la société Milbox devant supporter les conséquences de ses "erreurs" dans le traitement comptable de ces ventes ;
Que dans ces conditions, la cour dira que la société appelante a agi en fraude des droits de son cocontractant et l'a privé de sa rémunération de manière illégitime pendant de nombreux mois ;
Considérant qu'à ce propos, si M. Bernaville ne conteste pas avoir finalement perçu des royalties sur les ventes considérées, il soutient ne pas avoir été totalement rempli de ses droits, faisant valoir d'une part, concernant les livraisons de décembre 1997 à décembre 1998, que les redevances dues sur le modèle ont été calculées non sur le chiffre d'affaires constitué par l'ensemble du "lot à peindre anglais" mais sur le seul rouleau-réservoir, que celles dues au titre de l'exploitation de la marque n'ont pas du tout été régularisées et d'autre part, qu'aucune redevance n'a été versée pour les ventes de l'année 1999 ;
Mais considérant que la cour constate que les pièces produites par la société Milbox attestent du versement des redevances dues au titre des ventes de l'année 1999, qu'en ce qui concerne l'exploitation du dessin et modèle, en vertu de la licence accordée à la société Milbox, M. Bernaville ne peut revendiquer de redevance que "sur le chiffre d'affaires réalisé par le licencié au titre des produits vendus selon le dessin sous contrat" c'est-à-dire au titre des ventes du seul rouleau-réservoir ; que dans ces conditions, les royalties dues au titre de l'exploitation du modèle ont bien été régularisées ; que tel n'a toutefois pas été le cas de celles dues au titre de l'exploitation de la marque, que l'intimé est dès lors fondé à en réclamer le versement ;
* sur les ventes au Canada et en Belgique
Considérant que si la société Milbox admet avoir ouvert également un marché au Canada et un autre en Belgique, elle prétend avoir commissionné M. Bernaville du chef de ces opérations;
Considérant que la société Milbox verse aux débats deux bons de commande datant du mois d'août 1997 ayant donné lieu à deux factures pour des montants respectifs de 37 801 F et 37 800 F qui figurent sur le décompte des redevances perçues par M. Bernaville;
Considérant toutefois que les courriers de la représentante de Boutique TVA située à Montréal révèlent que le rouleau-réservoir a connu un succès certain au Canada ; qu'ainsi les redevances versées au titre des deux ventes précitées ne correspondent vraisemblablement pas aux ventes effectivement réalisées ;
Considérant que, concernant le marché ouvert en Belgique, la société Milbox déclare s'être rendue compte que certains lots n'avaient pas fait l'objet de royalties en raison d'une erreur dans le traitement d'une partie des commandes; qu'il ressort cependant de l'état des redevances de février 1999 qu'elle a procédé à leur remboursement ;
* sur les ventes effectuées dans d'autres pays étrangers
Considérant que M. Bernaville révèle que la société Milbox a propose la vente du rouleau qu'il a conçu par la voie du téléachat à la société Globo Canal 4 à Rio de Janeiro par un courrier du 13 juin 1997 ; que pour autant, la cour constate, à l'instar des premiers juges, qu'il n'est pas établi que le contact ait abouti, puis conduit à sa commercialisation au Brésil ;
Considérant en revanche, qu'il résulte d'une lettre adressée le 11 juin 1997 par la société Milbox à Castorama Italie, sis à Baranzate (Milan) que le produit considéré a été commercialisé sur des chaînes de télévision locale en Lombardie ; que cette opération a pareillement été dissimulée à M. Bernaville qui est fondé à réclamer des redevances au titre des ventes effectuées, quand bien même ces dernières n'auraient porté que sur quelques pièces ;
- Sur les atteintes à la marque invoquées à l'encontre de la société Milbox :
Considérant que la société Milbox s'oppose au grief invoqué à son encontre d'avoir porté atteinte à la marque "Peintuvie" en commercialisant d'une part le rouleau-réservoir créé par M. Bernaville sous la marque Flox Roller en Grande-Bretagne et sous une marque en langue flamande en Belgique et en vendant, d'autre part, ces mêmes rouleaux dans des emballages dépourvus de marque à la société Panissier ; qu'à l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que les contrats de licence de marque et de dessin et modèle sont indépendants l'un de l'autre, étant distincts par leur objet, leur durée, leur modalités de renouvellement et leurs rémunérations ; qu'il en résulte que la marque pouvait être utilisée distinctement du dessin et modèle et inversement; qu'elle pouvait donc vendre lesdits rouleaux sous une marque différente ou bien encore dépourvus de toute marque;
Mais considérant que l'article 2 du contrat de licence de marque dispose que "la présente licence exclusive emporte le droit pour la licenciée de vendre la totalité des produits couverts par la marque"; que la marque Peintuvie a été déposée le 8 mars 1995 sous le n° 95561821 pour désigner des " Matériaux pour la brosserie Produits en matière plastique mi-cuivrées Pinceaux "; qu'en concédant à la société Milbox par deux conventions conclues à la même date à la fois la licence exclusive d'exploitation de la marque et la licence exclusive partielle du dessin et modèle pour une même durée de trois ans renouvelable, M. Bernaville a entendu associer la marque Peintuvie au rouleau dont il est l'inventeur; que c'est dès lors avec raison et motifs pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont décidé que les deux contrats étaient tous deux indissociables ;
Qu'il en résulte que la société Milbox était tenue de commercialiser le rouleau breveté par M. Bernaville sous la marque Peintuvie, que cette obligation s'étend, en vertu du contrat de licence de marque, à toute la Communauté économique européenne;
Qu'en commercialisant toutefois ledit rouleau sous une marque différente, en Grande-Bretagne et en Belgique, la société Milbox a contrevenu aux dispositions du contrat de licence que l'intimé lui avait concédé, ces deux pays relevant tous deux de son périmètre d'application;
Qu'en vendant le rouleau à peindre aux Etablissements Panissier dans des emballages dépourvus de la marque le distinguant des autres rouleaux, la société Milbox a également manqué à ses obligations, celle-ci ne devant en aucune manière procéder à des livraisons sous cette forme, quand bien même elles lui auraient été demandées;
Sur l'assiette des redevances :
Considérant que la société Milbox soutient qu'il était convenu avec M. Bernaville que l'assiette des redevances était constituée par le chiffre d'affaires hors taxe, c'est-à-dire après déduction des remises, participations publicitaires et invendus ;
Mais considérant qu'au titre de la licence d'exploitation du dessin, "la rémunération du concédant fixée à 4 % du chiffre d'affaires hors taxe est due pour tout produit vendu et facturé par la société Milbox, qu'il ait ou non été payé par le client"; que dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que M. Bernaville pouvait prétendre à des redevances sur les produits impayés, sur ceux invendus, sur les participations publicitaires et sur les remises de fin d'année, sachant que les produits visés correspondent à des produits effectivement vendus et facturés selon des tarifs fixés par la société, que les participations publicitaires consistent en des remises opérées lors du démarchage de clients et que les remises de fin d'année s'opèrent sur le volume de produits vendus selon un mécanisme réduisant finalement leur prix en fin d'exercice;
Sur les ventes au Bazar de l'Hôtel de Ville
Considérant que pour s'opposer au grief de M. Bernaville en ce qui concerne l'absence de paiement des redevances en raison de son activité au Bazar de L'Hôtel de Ville de Paris, la société Milbox produit en appel des factures justifiant des commissions à M. Bernaville sur les ventes réalisées en 1998 et 1999 ;
Considérant qu'il convient d'examiner ces factures à la lumière du rapport d'expertise, le préjudice de M. Bernaville au titre de ces ventes entrant dans le champ d'application de la mission de l'expert;
Sur les ventes des brosses en mohair
Considérant qu'à l'appui de ses prétentions en ce qui concerne ses droits sur les ventes de brosses en mohair, M. Bernaville soutient que la brosse fait partie du lot formé par le rouleau de peinture, qu'il n'en rapporte toutefois pas la preuve, la cassette vidéo produite aux débats n'étant pas suffisamment significative sur ce point ;
Qu'il sera, en conséquence, débouté comme en première instance de ce chef;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour confirmera la décision des premiers juges en ce qu'ils ont ordonné la résiliation du contrat de licence de marque et du contrat de licence de dessin et modèle conclus par les parties le 1er juillet 1995, fixer une réparation provisionnelle et désigner un expert avant dire droit sur la fixation définitive du préjudice ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Milbox
Considérant qu'à l'appui de son action en concurrence déloyale, la société Milbox dénonce de nombreux agissements de M. Bernaville ayant commencé selon elle bien avant la délivrance de l'assignation;
Considérant qu'au vu des pièces versées aux débats la cour relève ainsi que l'ont fait les premiers juges que les agissements de M. Bernaville, qui a reproduit sans en aviser son employeur son rouleau de peinture notamment en déposant un dessin d'un rouleau réservoir voisin de celui prévu au contrat de licence de dessin auprès de l'INPI le 7 septembre 1998, sous le numéro 98-5088, et en prenant la commande provenant de M. Didier de ce rouleau à son domicile devenu les Etablissements Jean Bernaville (facture du 12 avril 1999), constituent manifestement des actes de concurrence déloyale tendant à capter la clientèle à son profit, en contravention aux contrats de licence souscrits au profit de la société Milbox, alors toujours en vigueur;
Qu'en revanche, contrairement à la décision du tribunal, la société Milbox justifie du fait de ces agissements, avoir subi une désorganisation de son activité et du marché de son rouleau réservoir de peinture en rapportant la preuve que le 23 mars 1999, son principal client la société Home Shopping Service a changé de fournisseur au profit de la société Franpin, ce client lui ayant assuré une marge annuelle pour 1996, 1997 et 1998 s'élevant à 1 498 786 F; que M. Bernaville a fait fabriquer le rouleau réservoir litigieux par la Franpin, ce rouleau étant commercialisé sur la chaîne de télévision M6 par la société Home Shopping Service sous la dénomination "Peinturnet" ainsi qu'en atteste un constat d'huissier dressé les 9 et 21 juin 2000 ; que la société Franpin a également vendu le 21 avril 1999 plusieurs centaines de rouleaux identiques à ceux de la société Milbox sous le nom de Peinturnet à M. Bernaville;
Que dans ces conditions, la cour réformera le jugement en ce qu'il a débouté la société Milbox de son action en concurrence déloyale ;
Que M. Bernaville sera condamné de ce chef; qu'une expertise doit être ordonnée pour l'évaluation du préjudice; que M. Bernaville sera condamné à payer à la société Milbox la somme provisionnelle de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts ;
Sur la résiliation des conventions
Considérant que M. Bernaville demande à ce que la résiliation des conventions soit fixée au plus tard à la date de l'assignation introductive d'instance, ou le 30 décembre 1998 ;
Mais considérant que la rupture des relations contractuelles doit être prononcée aux torts des deux parties, il y a lieu de maintenir cette résiliation à la date du jugement ; qu'il s'ensuit que la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef;
Sur l'expertise
Considérant qu'il convient de confirmer la mission de l'expert désigné avant-dire droit avec mission complémentaire d'évaluer le préjudice subi par la société Milbox du fait des actes de concurrence déloyale commis par M. Bernaville jusqu'à la date du prononcé du jugement;
Sur le montant des condamnations provisionnelles
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'absence d'élément nouveau en cause d'appel d'élever le montant des condamnations provisionnelles; qu'en conséquence, M. Bernaville sera débouté de sa demande;
Sur la procédure abusive
Considérant que M. Bernaville dont la responsabilité est partiellement retenue sera déboutée de sa demande en paiement de 45 734,71 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la société Milbox qui succombe pour l'essentiel, devra supporter les dépens d'instance et d'appel, ce qui entraîne le rejet de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de sa demande de remboursement de la somme de 89 944,92 euro versée dans le cadre d'une saisie-attribution ;
Qu'il y a lieu, en application de l'article 700 précité de la condamner à payer à M. Bernaville 2 500 euro;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société Milbox de son action en concurrence déloyale; Réformant sur ce point et y ajoutant ; Condamne M. Bernaville pour concurrence déloyale; Le condamne à payer à la société Milbox la somme provisionnelle de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts ; Dit que l'expert désigné avant dire droit devra étendre sa mission à l'évaluation du préjudice subi par la société Milbox du fait des agissements déloyaux de M. Bernaville jusqu'au 10 novembre 2000; Condamne la société Milbox à payer à M. Bernaville la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute les parties de toutes autres demandes ; Condamne la société Milbox aux dépens d'instance et d'appel et admet la SCP Bernabe Chardin Cheviller au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code procédure civile.