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Décisions

Cass. crim., 17 mai 1989, n° 87-81.970

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. Morelli

Avocat général :

M. Robert

Avocats :

SCP Riche, Blondel, Thomas-Raquin

Grenoble, du 4 mars 1987

4 mars 1987

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : X Gilbert, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 1987, qui l'a condamné à 30 000 francs d'amende, pour tromperie et tentative de tromperie sur la quantité de la marchandise vendue ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, de l'annexe 6 de la loi du 13 juin 1866, de l'article 4 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilbert X coupable du délit de tromperie et tentative de tromperie sur la quantité de marchandises livrées et l'a en conséquence condamné à une amende de 30 000 francs ;

"aux motifs que le poids net total annoncé soit 72,258 Kg correspondait sensiblement au poids brut total relevé soit 72,300 Kg ; que la tare moyenne était de l'ordre de 22,6 g pour les quarts de jambon et de 37 g pour les jambons entiers ; que le détail des contrôles a été répertorié au travers d'un tableau synoptique, inclus dans la procédure et auquel la cour se réfère expressément pour l'exposé de ses motifs qu'il est symptomatique de relever que lors d'une audition recueillie le 6 septembre 1984, X a admis que les déficits ainsi relevés provenaient d'une carence du service de conditionnement, lequel, composé en saison estivale d'ouvriers saisonniers, avait omis d'effectuer le détarage ; que dès lors l'infraction est constituée pour ces faits, le prévenu ayant omis de procéder ou de faire procéder à tous contrôles utiles destinés à vérifier le poids annoncé, contrôles qui s'imposaient d'autant plus qu'il n'ignorait pas que le service du conditionnement ne fonctionnait pas avec les préposés habituels ; que dans la mesure où, à de multiples reprises et malgré de nombreux avertissements, Gilbert X n'a pas modifié son système de contrôle, de pesée et d'étiquetage, il a agi de mauvaise foi et a trompé avec persévérance le consommateur ; qu'il est exact que la loi du 13 juin 1866 concernant les usages commerciaux précise dans un tableau annexe (n° VI) que "lorsqu'il y a deux emballages, l'emballage intérieur en tant qu'il est considéré dans l'usage comme marchandise et qu'il est conforme aux habitudes de commerce est compris dans le poids net" ; qu'il incombe donc au juge, en l'absence de règlementation contraire de se référer aux usages constants et loyaux du commerce ; qu'en ce qui concerne la première caractéristique, il n'est nullement établi que la pratique adoptée par la société "Les Jambons crus d'Aoste" ait été celle des autres professionnels de la branche d'activité considérée ; que comme l'a d'ailleurs souligné le premier juge, le Code des usages établis en 1969 par les professionnels de la charcuterie ne mentionne pas la possibilité d'inclure dans le poids net un quelconque emballage ; qu'en ce qui concerne la deuxième caractéristique, le caractère loyal de l'usage professionnel doit être apprécié en fonction de la personne à laquelle on l'oppose ; qu'en conséquence, dans les relations professionnels-consommateurs doit être retenu l'usage conforme aux intérêts des consommateurs ; or, il ne peut être contesté qu'en l'espèce, l'usage invoqué est déloyal ; qu'en effet, en incluant dans le poids net le poids de l'emballage interne, certes indispensable, alors que rien techniquement ne s'oppose à son détarage, le prévenu impose tout au moins au consommateur de payer cet emballage au prix non négligeable du jambon cru désossé ; qu'ainsi donc en vendant du jambon cru dont le poids net dans certains cas était inférieur au poids brut et dans tous les cas incluait le poids de l'emballage "interne", X s'est bien rendu coupable du délit de tromperie ;

"alors, d'une part, qu'aucun texte ne prévoyant que l'emballage intérieur ne doit pas être compris dans le poids net du produit, les juges du fond ne pouvaient retenir que X s'était rendu coupable du délit de tromperie sur la quantité de marchandises livrées pour n'avoir pas détaré l'enveloppe plastique constituant l'emballage intérieur de ces jambons ;

"alors, d'autre part, qu'ayant constaté que les déficits provenaient d'une carence du service de conditionnement de la société X qui, composée en saison estivale d'ouvriers saisonniers, avait omis d'effectuer le détarage, les juges du fond ne pouvaient retenir l'intention frauduleuse de X au seul motif que celui-ci malgré de nombreux avertissements n'avait pas modifié son système de contrôle de pesée et d'étiquetage et aurait agi ainsi à de multiples reprises, sans rechercher ni constater que certains des contrôles réalisés par l'administration des Fraudes, avaient bien été effectués sur des produits emballés et étiquetés par la société Les jambons Crus d'Aoste après que l'administration des Fraudes ait averti celle-ci des éventuelles difficultés de pesée et d'étiquetage qu'avaient fait apparaître selon elle ses premiers contrôles ; à défaut d'une telle recherche, la cour d'appel n'a en effet pas caractérisé l'intention frauduleuse de X" ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours de contrôles opérés dans des supermarchés, des agents du service de la consommation et de la répression des fraudes du département de l'Isère ont constaté que le poids net total annoncé de quarts de jambons et de jambons commercialisés par la société au sein de laquelle X exerce les fonctions de directeur technique, équivalait au poids brut total, la tare correspondant à l'emballage, composé d'un filet, d'un film plastique et d'une étiquette n'ayant pas été défalquée ; que le prévenu a été poursuivi pour tromperie et tentative de tromperie sur la quantité de la marchandise vendue ;

Attendu que pour retenir la culpabilité de X, la juridiction du second degré énonce les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance et fondés sur l'appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a estimé à bon droit qu'en ne déduisant pas, contrairement aux usages commerciaux, le poids de l'emballage interne des produits considérés le demandeur avait livré aux consommateurs, une quantité de marchandise inférieure à celle annoncée ; qu'elle a en outre caractérisé la mauvaise foi de l'intéressé en soulignant notamment qu'en dépit des avertissements reçus celui-ci avait persisté dans ses agissements frauduleux ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel ne peut dès lors être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.