CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 26 juin 2001, n° 2000-02638
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Electrolux Home Products France (Sté)
Défendeur :
Nars, Macif, Delec (SA), Groupama - Assurances Mutuelles Agricoles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dreuilhe
Conseillers :
MM. Ignacio, Helip
Avoués :
SCP Boyer Lescat Merle, SCP Sorel Dessart Sorel, SCP Nidecker Prieu, Me De Lamy
Avocats :
Mes Wargnie, Cottin, Barthet, SCP Faivre, Jeay-Faivre, De La Moutte
Faits et procédure
Le 04 décembre 1995, Monsieur Nars a acquis auprès de la société Delec un four électrique à pyrolyse de marque Zanussi pour un montant de 2 819,63 F.
Le 04 avril 1998, un incendie, ayant pris naissance dans le four, s'est déclaré au domicile de Monsieur Nars, causant divers désordres pour un montant de 28 617 F.
Monsieur Nars a été indemnisé de son préjudice par son assureur, la Macif, à hauteur de 27 638 F et 979 F correspondant au 10% de franchise ont été conservés à sa charge.
Par acte des 25, 27 et 28 août 1998, Monsieur Nars et son assureur partiellement subrogé dans ses droits, ont fait assigner la société Delec, vendeur, Groupama, son assureur et la société UFAM aux droits de laquelle se trouve la société EHP, fabricant, en paiement des sommes sus-visées sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, outre la somme de 5 000 F de dommages et intérêts. Par jugement du 14 Février 2000, le Tribunal de grande instance de Toulouse a dit que le four à pyrolyse fabriqué par la société EHP vendu par la société Delec était défectueux et a condamné solidairement le vendeur, son assureur et le fabricant à payer avec intérêts:
- 27 638 F à la Macif, Groupama n'étant tenu qu'à hauteur de 24 875 F.
- 979 F à Monsieur Nars, Groupama n'étant tenu qu'à hauteur de 10% de cette somme.
La société Electrolux est appelante de ce jugement.
Prétentions des parties
La société Electrolux soutient que Monsieur Nars et son assureur ne rapportent pas la preuve du défaut du produit, nécessaire à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du fabricant et fait valoir que le seul fait que l'incendie ait pris naissance à l'intérieur du four litigieux ne suffit pas à caractériser la défectuosité de ce dernier dans la mesure où la cause de l'incendie n'est pas établie avec certitude.
Elle prétend au contraire que l'incendie résulte d'une anormalité d'installation ou d'entretien consistant d'une part dans le défaut d'encastrement prévu dans la notice d'installation et préconisé en raison de la conception du refroidissement de ce four, et d'autre part dans l'existence d'une masse importante de graisse sur les parois.
Elle relève à ce titre que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal la notice technique, dont il n'est pas établi que l'acheteur n'en ait pas eu connaissance, n'est pas destinée exclusivement à l'installateur.
Elle sollicite donc :
- la réformation du jugement.
- le débouté de la demande en garantie formulée par le vendeur faute d'avoir démontrer le défaut de conformité.
- la condamnation solidaire de Monsieur Nars et de son assureur au paiement de la somme de 10 000 F de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du Code civil pour procédure abusive et 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société Delec relève appel incident et s'associe au principal aux conclusions déposées par la société EHP mais sollicite, subsidiairement, la confirmation de la décision en ce qu'elle a fait supporter la charge définitive de la réparation au fabricant.
Sur sa demande principale, elle soutient que si le 7 mai 1998, les experts ont effectivement trouvé un consensus quant aux circonstances du sinistre et à l'évaluation du dommage ils n'ont pas pour autant trouvé d'accord sur la cause du sinistre.
Elle fait valoir en effet que Monsieur Nars et la Macif ne rapportent pas, contrairement aux dispositions de l'article 1315 du Code civil, la preuve du vice interne et note par ailleurs que le défaut d'entretien du four et la non conformité de l'installation à la notice d'utilisation sont des causes possibles du sinistre.
Elle estime en tout état de cause que l'expertise amiable est insuffisante à établir contradictoirement ou~ à tout le moins incontestablement la cause du sinistre et que la Macif doit, en sa qualité de responsa6le du déroulement de J'expertise, supporter la carence de son expert et être en conséquence débout de l'ensemble de ses demandes.
Sur sa demande subsidiaire, elle fait valoir que le fabricant est tenu de livrer au vendeur des produits exempts de tout défaut de fabrication et qu'elle doit en conséquence être condamnée à le relever et garantir contre toutes les condamnations pouvant être mises à sa charge.
Elle sollicite la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Groupama conclut dans le même sens.
Il fait valoir au principal que Monsieur Nars et la Macif ne rapportent pas la preuve de la cause efficiente du sinistre, que l'expertise contradictoire ne vaut pas reconnaissance de responsabilité, et ce d'autant que l'expert a formulé les plus expresses réserves et que le Tribunal ne peut se substituer à la carence des demandeurs.
Subsidiairement, Groupama note qu'il ne saurait être tenu au delà des stipulations contractuelles le liant à son assuré, la société Delec, et qu'il peut ainsi opposer aux victimes et à son assuré la franchise. En tout état de cause, il demande à être relevé et garanti par la Société Electrolux et sollicite l'allocation de la somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Nars et son assureur la Macif relèvent également appel incident du jugement en ce qu'il les a délaités de leur demande en paiement de la somme de 5 000 F de dommages et intérêts.
Ils soutiennent en premier lieu que l'expertise amiable révèle de façon contradictoire le vice interne de la chose susceptible d'entraîner la responsabilité du fabricant. et du vendeur sur le fondement de l'article 1147 du Code civil interprété à la lumière de la directive de 1985.
Ils notent par ailleurs que l'acquéreur n'a jamais été informé de la nécessité d'encastrer le four et s'étonnent que le fabricant ne produise pas les notices d'utilisation qui font mention de cette nécessité.
Ils relèvent par ailleurs que l'expertise contradictoire n'a pas mentionné le prétendu défaut d'entretien, alors que l'incendie a pris au cours d'une pyrolyse destinée justement à nettoyer le four.
Ils sollicitent la somme de 7 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Le premier juge a fait une exacte appréciation des éléments de fait du litige qui lui était soumis et a appliqué les règles de droit qui convenaient, de sorte qu'il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise, la Cour s'appropriant les motifs pertinents qu'elle énonce.
En effet, comme l'a rappelé le tribunal:
- Sur les responsabilités
L'article 1147 du Code civil interprété à la lumière de la directive CEE n° 85 374 du 25.07.1985 est applicable en l'espèce (le four ayant été vendu en 95) ; tout producteur est responsable des dommages causés par un défaut du produit (CCASS 1re 28.04.98). Le vendeur professionnel est assimilé au producteur ; il est ainsi tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou pour les biens (CCIV 17.01.95), c'est-à-dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
La victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Il est constant, pour les motifs rappelés par le tribunal, que le sinistre a bien pris naissance à l'intérieur de l'appareil.
* le raccordement électrique ne peut être à l'origine du sinistre (section suffisante) ; il est d'ailleurs resté pratiquement intact.
* le vendeur et le fabricant invoquent un défaut d'installation du four et des mauvaises conditions d'utilisation.
* La notice réservée à l'installateur démontre que le four doit être encastré.
* il n'est pas établi que l'acheteur en a eu connaissance.
Le fait que le four ait été installé sur un lave-vaisselle ne peut donc être une cause d'exonération.
* Aucune notice d'utilisation n'étant produite au débat, il ne peut être reproché à l'utilisateur une mauvaise utilisation du four.
Il s'ensuit que le fait qu'un incendie puisse prendre naissance dans le four lors du fonctionnement de la fonction nettoyage représente bien un produit défectueux puisqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Ce seul fait démontre que l'obligation de sécurité n'a pas été respectée par le vendeur professionnel tenu de livrer un produit exempt de vice.
C'est donc à juste titre que le Tribunal a jugé que la société Delec, qui n'est aucunement intervenue dans la fabrication du matériel (fabrication impliquant modalités d'utilisation), dispose d'un recours contre le fabricant, EHP, lui-même tenu de livrer à son vendeur un produit exempt de tout vice. En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Delec et la société EHP à réparer les préjudices subis par la Macif et Monsieur Nars, la charge finale de cette condamnation devant être supportée seulement par la société EHP.
- Sur les préjudices
Ceux-ci ont justement été évalués par le Tribunal.
- Il a été procédé contradictoirement à l'évaluation des dommages, laquelle n'est pas contestée, soit la somme de 28.617 F.
- Il est produit la quittance subrogative de la MAGIE en date du 30.07.98 justifiant du règlement de la somme de 27.638 F. Il convient donc de faire droit à son recours.
La société Delec, son assureur Groupama et la société EHP ont à juste titre ét~ condamnés in solidum à verser à la Macif la somme de 27 638 F, Groupama n'étant lui tenu qu'à hauteur de 24 874,20 F (déduction de la franchise), outre les intérêts légaux moratoires à compter de l'assignation en vertu de l'article 1153-1 du Code civil.
De même, il a justement condamné in solidum la société Delec, Groupama (moins 10% de franchise) et EHP à régler le montant de la franchise de 979 F resté à la charge de Monsieur Nars, outre les intérêts légaux moratoires à compter de l'assignation.
La société EHP doit relever intégralement la société Delec et Groupama de ces condamnations.
- Sur les demandes annexes
Monsieur Nars et la Macif ne démontrent pas l'existence de préjudice distinct de celui causé par le retard de paiement (compensé par les intérêts de retard). Ils seront déboutés de leur appel incident, mal fondé.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties, plaideurs institutionnels incluant l'aléa judiciaire dans leurs produits.
Les dépens suivent le sort du principal.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions. Déclare Monsieur Nars et la Macif recevables mais mal fondés dans leur appel incident. Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties. Condamne La Société Electrolux aux dépens avec distractior au profit de la SCP Sorel-Dessart-Sorel , de la SCP Nidecker-Prieu et de Me De Lamy, avoués, aux formes prévues par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.