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Décisions

CA Reims, ch. civ., 9 mai 2005, n° 03-02683

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Perchat

Défendeur :

Florim (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ruffier

Conseillers :

M. Perrot, Mme Simon Rossenthal

Avoués :

SCP Thoma-Le Runigo-Delaveau-Gaudeaux, SCP Delvincourt-Jacquemet

Avocats :

SCP Le Nue Carteret Duterme, SCP ACG & Associés

TGI Châlons-en-Champagne, du 19 nov. 200…

19 novembre 2003

Faits, moyens et prétentions des parties

Madame Michèle Perchat a conclu le 2 novembre 1996, un contrat d'agent immobilier commercial à durée indéterminée avec la SA Florim exploitante de la marque Simon Immobilier avec intervention de l'agent commercial sans aucune exclusivité territoriale puisque partagée avec ses collègues, sur Épernay et son arrondissement tout en pouvant prospecter auprès de toute personne sur tout le territoire national à l'exception des zones géographiques déjà couvertes par d'autres agences Simon Immobilier.

Il était conventionnellement prévu, en cas de cession du contrat, un préavis coïncidant avec la fin d'un mois civil d'un mois pour la première année du contrat, deux mois pour la deuxième année commencée et trois mois par la troisième année commencée et les années suivantes, et que le contrat pouvait être rompu sans préavis ni indemnité en cas de faute grave de l'une des parties ou de survenance d'un cas de force majeure.

En ce qui concerne les commissions, il était prévu pour l'agent commercial, le paiement d'un pourcentage de la commission TTC encaissée par le mandant, selon le barème suivant :

- 8,75 % pour apport du mandat,

- 8,75 % pour le suivi du mandat,

- 8,75 % pour la signature du compromis,

- 8,75 % pour le suivi du dossier jusqu'à la réitération de l'acte définitif.

Enfin, il était conventionnellement prévu une clause de non-concurrence valable pendant toute la durée du contrat et à l'expiration de celui-ci sur une période de deux années et sur une zone de 50 km autour de l'agence ; le non-respect de cette clause entraînant le versement d'une indemnité d'un montant équivalent à deux années de commissions calculée sur la dernière année d'activité, sans pouvoir être inférieure à 100 000 F, outre toute astreinte pécuniaire jusqu'au jour de cessation de l'infraction à la présente clause.

Par courrier du 28 mai 1998, Mme Perchat a donné sa démission dont la SA Florim a pris acte le même jour par courrier recommandé non retiré par Mme Perchat et envoyé en copie par courrier du 17 juin 1998.

Arguant du fait que Mme Perchat n'avait pas respecté la clause de non-concurrence et invoquant la parution dans le magazine gratuit "Atout Magazine" du 22 septembre 1998 d'une annonce "Patrimoine de développement" qui présentait Mme Perchat comme le conseil en immobilier du groupement, la SA Florim a fait assigner en référé Mme Perchat devant le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne par exploit d'huissier du 23 octobre 1998, aux fins d'obtenir l'interdiction, sous peine d'astreinte de 50 000 F par infraction constatée, de la défenderesse d'exercer une activité contrevenant à la clause de non-concurrence et sa condamnation à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles de 5 000 F.

Par ordonnance du 30 mars 1999, le juge des référés a déclaré la SA Florim irrecevable en sa demande d'interdiction comme révélant l'existence d'une contestation sérieuse, Mme Perchat ayant fait valoir l'absence de bonne foi de la société compte tenu de ses propres manquements à agir en exécution de l'obligation de non-concurrence et mis en cause la licéité de ladite clause.

Par exploit d'huissier du 26 octobre 1998, la SA Florim a fait assigner au fond Mme Perchat devant le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la défenderesse à lui payer une indemnité d'un montant équivalent à deux années de commissions, soit la somme de 85 193,40 euro, celle de 7 622,45 euro au titre du non-respect du délai de préavis et celle de 4 000 euro à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.

Mme Perchat a conclu au rejet des prétentions de la requérante et a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de la requérante, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 85 193,40 euro représentant deux années de commissions au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce, celle de 2 214,47 euro au titre d'un rappel de commissions, celle de 762,25 euro à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée dans le règlement desdites commissions, celle de 1 524,49 euro à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.

Elle a par ailleurs demandé au tribunal de condamner la requérante à justifier du montant de la commission due sur le dossier Adnet et à produire à cet égard tous les éléments nécessaires au calcul, sous astreinte de 76,22 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

La SA Florim s'est opposée à l'ensemble des demandes de la défenderesse.

Par jugement du 19 novembre 2003, le tribunal a rendu la décision suivante :

" - rejette l'exception d'inexécution présentée par Mme Perchat et sa demande de résolution du contrat ;

- déclare la clause de non-concurrence insérée au contrat d'agent commercial de Mme Perchat tant licite que légitime ;

- condamne Mme Perchat à verser à la SA Florim la somme de 40 000 euro en réparation du préjudice né du non-respect de la clause de non-concurrence ;

- condamne Mme Perchat à verser à la SA Florim la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour non-respect du préavis ;

- condamne la SA Florim à verser à Mme Perchat un solde de commission dû sur la vente Lagaeye-Esquierdo de 2 214,47 euro, outre 500 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive dans le paiement de cette commission ;

- déboute Mme Perchat du surplus de ses réclamations relatives à des commissions ;

- déclare Mme Perchat forclose en son action tendant à se voir allouer une indemnité pour cessation du contrat ;

- condamne Mme Perchat à payer à la SA Florim la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du NCPC ;

- rejette sa propre demande de ce chef ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamne Mme Perchat aux entiers dépens."

Par déclaration déposée au greffe de la cour de céans le 24 novembre 2003, Madame Michèle Perchat a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives déposées le 25 octobre 2004, l'appelante demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Au visa des articles 13 et 13b de la loi du 25 juin 1991, elle demande à la cour, à titre principal de la déclarer recevable et bien fondée à opposer à la SA Florim l'exception d'inexécution contractuelle et en conséquence de prononcer la résolution du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la SA Florim.

Elle prie la cour de dire et juger qu'aucun intérêt légitime nécessitant la protection du créancier par le jeu des sanctions de la clause de non-concurrence n'a été atteint et que la SA Florim n'a fait état d'aucun préjudice de nature à entraîner l'application des indemnités prévues en cas de violation de la clause de non-concurrence et de constater le caractère illégitime de cette clause.

Elle prie la cour, en tout état de cause, de dire et juger que la clause de non-concurrence n'était assortie d'aucune contrepartie financière et en conséquence de dire et juger nul et de nul effet cette clause litigieuse et de débouter la SA Florim de toutes ses prétentions.

Elle prie la cour, par ailleurs, de la déclarer recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle et de constater que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à la SA Florim en raison des violations répétées du contrat du 2 novembre 1996.

Elle sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 85 190,40 euro correspondant à l'indemnité de rupture équivalente à deux années de commissions et celle de 1 524,49 euro à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle sollicite également la condamnation de la SA Florim à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au titre de rappel de commissions, la somme de 2 214,47 euro outre celle de 762,25 euro à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée dans le règlement desdits commissions et de condamner la SA Florim à justifier du montant de la commission qui lui est due sur le dossier Adnet et à verser à cet égard, tout les éléments nécessaires au calcul de ladite commission et ce, sous astreinte de 76,22 euro par jour à compter de la décision à intervenir.

Elle sollicite enfin la condamnation de l'intimée aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, faculté de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués Thoma Le Runigo Delaveau Gaudeaux.

Par conclusions récapitulatives déposées le 8 décembre 2004, la SA Florim demande à la cour de déclarer Mme Perchat recevable mais mal fondée en son appel et de la déclarer elle-même recevable et bien fondée en son appel incident.

Elle demande à la cour, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la clause de non-concurrence insérée au contrat d'agent commercial de Mme Perchat licite et légitime et en ce qu'il a rejeté l'exception d'inexécution présentée par Mme Perchat et sa demande de résolution du contrat.

Elle prie la cour d'infirmer la décision entreprise en la mesure utile et de condamner Mme Perchat à lui verser la somme de 85 193,40 euro en réparation du préjudice né du non-respect de la clause de non-concurrence et la somme de 7 622,45 euro à titre de dommages intérêts pour non-respect du préavis.

Elle prie la cour d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a alloué à Mme Perchat un solde de commissions sur la vente Lagaeye-Esqulerdo et de dire Mme Perchat mal fondée en cette demande.

Elle sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle a déclaré Mme Perchat forclose en son action tendant à se voir allouer une indemnité pour cessation de contrat.

Elle sollicite le rejet de l'ensemble des prétentions de l'intimée plus amples ou contraires et sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, faculté de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués Delvincourt & Jacquemet, et à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles de 2 000 euro.

La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 29 décembre 2004.

Sur ce,

Sur la validité de la clause de non-concurrence

Les premiers juges ont estimé valable la clause de non-concurrence figurant au contrat d'agent commercial de Mme Perchat écartant l'argumentation de cette dernière tendant à dire que la clause serait illicite pour défaut de contrepartie financière en vertu d'une jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Mme Perchat repend l'argumentation qu'elle avait développée en première instance et soutient que la Chambre sociale de la Cour de cassation, aux termes de son arrêt de principe du 10 juillet 2002, a, en affirmant que le principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle conditionnait la licéité d'une clause de non-concurrence à une limitation spatiale et temporelle mais également à l'existence d'une contrepartie financière au profit du salarié, implicitement mais nécessairement entendu étendre à d'autres statuts que celui du salarié, la portée de son affirmation puisque le fondement retenu par la Cour de cassation est "le libre exercice d'une activité professionnelle" ; que si tel n'avait pas été le cas, la Cour se serait contentée du visa de l'article L. 120-2 du Code du travail ; qu'en tout état de cause, faute d'une quelconque contrepartie à son obligation de non-concurrence, ladite obligation est dépourvue de cause et est sans effet en application de l'article 1131 du Code civil ; qu'admettre qu'une clause de non-concurrence ne contienne aucune contrepartie financière revient à priver celui qui y est tenu de pouvoir exercer librement une activité professionnelle ou commerciale pendant une durée déterminée et sur un espace déterminé, s'agissant ainsi d'une restriction au principe de liberté d'entreprise et de la concurrence.

La SA Florim soutient que la clause est tout à fait valable dans la mesure où elle répond aux exigences de validité prescrites par l'article L. 134-14 du Code de commerce sans que ne puisse être ajoutée une condition de contrepartie financière non prévue par le législateur.

L'article L. 134-14 du Code de commerce exige pour retenir la validité d'une clause de non-concurrence que celle-ci doit être établie par écrit entre les parties et concerner le secteur géographique et le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat. La clause de non-concurrence n'est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation du contrat.

Il est précisé que l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 2002 invoqué par Mme Perchat, a été rendu au visa tant du principe du libre exercice d'une activité professionnelle que de l'article L. 120-2 du Code du travail ce qui limite sa portée au domaine social, la jurisprudence exigeant pour admettre la licéité d'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail la réunion des conditions suivantes, à savoir le caractère indispensable de la clause à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, une limitation dans l'espace et dans le temps, une prise en compte des spécificités de l'emploi du salarié et l'obligation pour l'employeur de prévoir une contrepartie financière.

Or, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces considérations développées à propos du contrat de travail salarié, ne sauraient être transposées au cas du contrat d'agent commercial dont le statut est régi par le Code de commerce par référence aux deux principes fondamentaux qui sont la liberté du commerce et son corollaire la libre concurrence avec pour frein aux éventuels abus, la possibilité de prévoir contractuellement des clauses de non-concurrence.

L'existence d'une contrepartie financière ne saurait dès lors être exigée dans le cadre du contrat d'agent commercial dans la mesure où rien ne permet d'ajouter aux conditions de validité limitativement énumérées par le législateur dans l'article 134-14 du Code de commerce.

Or, en l'espèce, la clause de non-concurrence figurant au contrat d'agent commercial signé par les parties est limitée dans le temps (deux années) et dans l'espace (50 km autour de l'agence). Elle est donc conforme aux exigences de l'article précité.

Cependant, une telle clause ne saurait être valable du seul fait qu'elle a été régulièrement convenue entre les parties et il appartient au juge devant lequel l'illégitimité de la cause est soutenue, d'apprécier son caractère indispensable à la sauvegarde des intérêts légitimes de l'entreprise en faveur de laquelle l'obligation de non-concurrence a été souscrite et compte tenu de la relation contractuelle ayant existé entre les parties.

En l'espèce, la clause de non-concurrence en ce qu'elle est limitée tant dans l'espace que dans le temps dans un domaine précis d'activité n'empêchait aucunement Mme Perchat d'exercer son activité d'agent commercial dans un lieu situé en dehors de la limite géographique des 50 km autour de l'agence et est donc proportionnée au contrat et conforme aux exigences d'une économie de marché moderne et efficiente et constitue une limite acceptable au principe de la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté de l'exercice d'une activité professionnelle.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré valable cette clause de non-concurrence et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'applicabilité de la clause

Il convient, pour déterminer si la clause de non-concurrence est applicable en l'espèce, de rechercher s'il convient de prononcer la résolution judiciaire du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la SA Florim, comme demandé par Mme Perchat, ce qui mettrait en échec l'application de cette clause.

Les premiers juges ont débouté Mme Perchat de sa demande de résolution judiciaire du contrat d'agent commercial fondée sur les dispositions de l'article 1184 du Code civil au motif que la rupture du contrat ne résultait pas d'une faute grave du mandant.

La SA Florim sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

Mme Perchat soutient que la rupture du contrat de mandat est imputable à la seule société Florim dans la mesure où le directeur de l'époque n'a pas respecté ses engagements en s'opposant à ses légitimes prétentions de paiement de la commission sur la vente Lagaeye-Esquierdo, en ne lui allouant pas l'intégralité des commissions dues sur la vente Adnet-Unimmo alors que M. Sandere s'était engagé auprès des agents commerciaux de régler l'intégralité des commissions au négociateur qui vendait les biens à Simon Immobilier, engagement verbal qui faisait novation à certaines dispositions contractuelles du contrat de mandat ; que ces faits attestent que le mandant a manqué à son obligation de loyauté de même qu'à son obligation essentielle du paiement des commissions dues ; que par une manœuvre déloyale, M. Sandere, directeur de l'agence d'Épernay a violé les termes du contrat en réservant apparemment deux appartements pour les époux Pereira en leur accordant un temps nécessaire tout en vendant lesdits appartements sans les avertir alors que ceux-ci avait fait part à l'agence, trois jours après la visite des lieux, qu'ils avaient l'accord de leur banquier sur le prêt, privant ainsi Mme Perchat d'une commission sur la vente. Elle invoque également le fait que Monsieur Sandere n'hésitait pas à s'attribuer les clients qui demandaient à être reçus par Mme Perchat, faisant régner un climat de terreur ; que celui-ci avait un comportement irrespectueux envers elle, n'hésitant pas à utiliser son téléphone personnel et à fouiller dans ses affaires personnelles ; que la société Florim ou plutôt M. Sandere son directeur de l'agence d'Épernay a fait fi de l'ensemble des obligations mises à leur charge par le législateur dans la mesure où il est acquis par diverses attestations qu'elle produit, que M. Sandere s'attribuait l'ensemble des nouveaux dossiers émanant des sociétés Siminvest ou Unimmo ; que M. Sandere ne procédait pas à l'enregistrement des nouveaux dossiers de sorte que les agents commerciaux ne pouvaient, s'agissant des ventes concernées, prospecter et développer la clientèle dans l'intérêt de chacune des parties. Elle soutient enfin que la précarité de sa situation financière préexistait à la rupture du contrat d'agent commercial et reposait sur un règlement parcimonieux des commissions par la SA Florim ainsi qu'il ressort de son courrier du 7 juillet 1998, ce qui constitue un nouveau manquement contractuel patent ; que l'incompétence de M. Sandere dans le choix de ses collaborateurs nuisait gravement à l'image de la société Simon à Épernay et donc aux possibilités du développement du chiffre d'affaires par les commerciaux de l'agence ; que la société mandante l'a mise en difficulté alors qu'elle est seule avec trois enfants ; qu'elle était donc bien fondée à rompre son contrat de mandat le 28 mai 1998 sans délai de prévenance en raison des manquements précités.

Or, en l'espèce, force est de constater que si aucun reproche n'a été formulé par Mme Perchat avant sa démission ni dans sa lettre de démission, il ne saurait cependant lui être fait grief, comme l'ont fait les premiers juges, de ne pas avoir sollicité la résolution judiciaire du contrat de mandat dans le cadre de l'instance en référé alors qu'une telle demande touche au fond de l'affaire. C'est donc à tort que les premiers juges ont déduit de la tardiveté des réclamations de Mme Perchat formées en réponse à l'assignation au fond qui lui a été délivrée par la société Florim, l'impossibilité d'examiner au fond les manquements invoqués par Mme Perchat à l'encontre de la société mandante.

Il convient tout d'abord de rappeler que les contrats intervenus entres les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties, ce qui implique une obligation réciproque de loyauté et d'information, l'agent devant exécuter son mandat en bon professionnel et le mandant le mettre en mesure de le faire ; que la faute grave justifiant la résolution judiciaire du contrat est celle qui rend impossible le maintien du lien contractuel, la partie qui s'en prévaut supportant la charge de la preuve.

En l'espèce, Mme Perchat fait grief à son mandant d'avoir manqué à ses engagements à l'occasion de trois dossiers en particulier :

- la vente Lagaeye-Esquierdo

Il résulte des pièces produites aux débats par les parties que bien que la "fiche acheteur" établie au nom de Mme Esquierdo porte le nom de Mlle Noirant en qualité de négociatrice, tant le courrier et l'attestation établis par les époux Lageaye que le compromis de vente établissent sans contestation possible que Mme Perchat a reçu le mandat de vente et assuré le suivi du dossier ce pour quoi elle a perçu une commission de 17,50 % (8,75 % + 8,75 %) et établi le compromis de vente et assisté à sa signature et à la réitération de l'acte définitif entraînant l'obligation pour le mandant, la SA Florim, de lui payer, en application de l'article 6 du contrat de mandat, un complément de commissions de 17,50 %, soit 2 214,47 euro et l'argumentation de la société Florim selon laquelle la commission doit être répartie entre la négociatrice qui a reçu le mandat de vente des époux Lagaeye et la négociatrice qui a trouvé l'acquéreur doit être écartée dans la mesure où cette interprétation n'est pas celle conventionnement prévue par les parties au contrat de mandat.

Cette absence de paiement constitue un manquement par la société mandante à l'exécution du contrat de mandat.

Le jugement entrepris sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné la société Florim à payer à Mme Perchat la somme de 2 214,47 euro.

- La vente Adnet-Unimo

Il résulte du mandat de vente produit aux débats que celui-ci a été donné à M. Sandere et qu'en application de l'article 6 du contrat ce dernier avait droit à la moitié de la commission conformément aux dispositions contractuelles.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le contrat de mandat ne prévoyait pas de mode de rémunération différent pour les biens appartenant à une société du groupe Simon Immobilier et les attestations produites par Mme Perchat, rédigées par M. Mialon, agent commercial et par Mlle Curinier, secrétaire commerciale en vue d'accréditer la thèse de la promesse qu'aurait fait en ce sens M. Sandere, ne sont pas suffisantes pour établir que M. Sandere aurait eu le pouvoir, même apparent, de modifier les termes du contrat de mandant signé entre Mme Perchat et la société Florim et que cette modification fut intervenue.

Il ne peut donc être retenu un quelconque manquement du mandant à l'occasion de ce dossier.

- Le dossier Pereira

Mme Perchat reproche à M. Sandere de l'avoir empêchée de traiter avec les époux Pereira, en vendant des biens pour lesquels ils bénéficiaient d'une option d'achat et verse aux débats une attestation de ceux-ci corroborant ce fait.

Cependant, l'attestation produite à cet égard par les époux Pereira à l'effet d'affirmer qu'ils bénéficiaient d'une option d'achat ne saurait suffire, en l'absence de tout autre document, à établir la réalité de cette allégation étant rappelé que l'article 1341 du Code civil dispose que la preuve par écrit d'un acte constatant une obligation supérieure à 800 euro est exigée ad validatem et que l'appelante ne justifie pas se trouver dans l'un des ces dérogatoires prévus par les articles 1347 et 1348 du même Code.

- Sur les autres manquements invoqués

Mme Perchat invoque également le comportement irrespectueux de M. Sandere à son égard et un comportement contraire à l'obligation de loyauté qui préside au contrat de mandat ainsi que son incompétence dans le choix de ses collaborateurs nuisible au développement du chiffre d'affaires de l'agence d'Épernay.

Or, si l'attestation de Mme Curinier, secrétaire commerciale salariée de l'agence d'Épernay et celle de Mme Erike Removille, employée dans le cadre d'un contrat de qualification, font état d'un certain comportement irrespectueux de M. Sandere qui téléphonait sur le poste et fouillait dans les affaires personnelles de Mme Perchat, elles n'établissent pas que celui-ci ait reçu le soutien dans ce sens de la société Florim à laquelle aucune réclamation n'a été adressée par Mme Perchat.

En outre, l'attestation de Mme Erike Removille est insuffisante à établir que M. Sandere aurait tardé volontairement à faire enregistrer les mandats de vente et n'établit pas, en tout état de cause, la réalité du préjudice qui en aurait résulté pour Mme Perchat.

Enfin l'attestation de Mme Madeleine Planquette, cliente de l'agence, aux termes de laquelle celle-ci affirme ne pas avoir apprécié le comportement de M. Sandere sans qualifier ce comportement et qui relata le fait que Mlle Noirant lui aurait proposé de lui tirer les cartes ainsi que l'attestation de Mme Emmanuelle Godet, assistante commerciale qui relate un "turn-over important" des secrétaires et agents commerciaux et celle rédigée par Mlle Curinier, secrétaire commerciale qui relate un "passage important de négociateurs dont la plupart n'avait aucune qualité ni compétence pour faire de la négociation immobilière", ne caractérisent ni l'incompétence alléguée de M. Sandere dans le choix de ses collaborateurs ni encore moins un manquement de la société mandante envers Mme Perchat.

Mme Perchat ne justifie pas non plus que les manquements allégués aient entraîné l'apparition en mai 1998 du syndrome dépressif réactionnel constaté par le Docteur Patrice Delettre dans le certificat qu'il a établi le 16 novembre 1998, ce dont elle n'avait pas d'ailleurs pas informé son mandant ; l'attestation de Mme Françoise Angot établissant que cette dépression pourrait être due à la surcharge de travail à laquelle elle devait faire face pour régler ses charges professionnelles et personnelles et subvenir aux besoins de sa famille étant seule pour élever ses trois enfants. Elle ne justifie pas non plus que les difficultés financières rencontrées seraient dues à des manquements de la société mandante dans le paiement des commissions puisque le courrier du 7 juillet 1998 qu'elle verse aux débats est relatif à un impayé de commissions correspondant à une facture n° 38 transmise le 2 juin 1998 soit postérieurement à la rupture du contrat ; Mme Perchat ne pouvant faire grief à la société mandante des difficultés d'exercice d'un métier qui n'assure pas une sécurité financière.

Si l'erreur dans le calcul d'une commission à l'occasion de vente Lagaeye-Esquierdo constitue un manquement par la société mandante dans l'exécution du contrat de mandat, elle ne saurait constituer une faute grave du mandant de nature à lui imputer la charge de la rupture du contrat et à prononcer la résolution judiciaire à ses torts exclusifs et à dispenser la mandataire du préavis et de l'obligation de non-concurrence par ailleurs parfaitement valide,

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'exécution présentée par Madame Perchat et sa demande de résolution du contrat de mandat.

Sur les demandes de Mme Perchat

- Au titre des commissions

Comme il a été indiqué ci-dessus, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné la SA Florim à payer à Mme Perchat, au titre de complément de commission sur la vente Lagaye-Esquierdo, la somme de 2 214,47 euro et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formée à ce titre concernant la vente Adnet-Unimo, étant précisé que sa demande tendant à voir condamner l'intimée à justifier du montant de cette commission est sans objet.

Le jugement sera par contre confirmé en ce qu'il a condamné la société Florim à lui payer la somme de 500 euro à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée dans le paiement de la commission Lagaeye, créance incontestable de Mme Perchat et qui constitue une juste réparation de préjudice subi.

- Sur l'indemnité de rupture du contrat

L'article L. 134-12 du Code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; ce droit à réparation s'éteignant toutefois si l'agent n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

L'article L. 134-13 du même Code dispose que la réparation n'est pas due notamment lors que la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandat.

Les premiers juges ont estimé que les conclusions déposées par l'avocat de Mme Perchat dans le cadre de l'instance en référé n'ayant pas fait l'objet d'une signification d'avocat à avocat, ne remplissait pas les conditions posées par les articles 665 à 669 du nouveau Code de procédure civile et alors qu'en particulier, la notification doit être faite sous enveloppe, pli fermé, soit par voie postale par la remise de l'acte au destinataire contre émargement ou récépissé et qu'en tout état de cause, le conseil de la SA Florim n'avait pas pouvoir pour recevoir ladite notification laquelle intervenait hors du champ du débat judiciaire de sorte que Mme Perchat devait se voir opposer la forclusion prévue par l'article L. 134-12 et était irrecevable an son action.

Mme Perchat soutient qu'en application de l'article 411 du NCPC, les écritures qu'elle a déposées dans le cadre de l'instance en référé à la suite à l'assignation qui lui a été délivrée par la SA Florim le 23 octobre 1998 constituent la notification exigée par les dispositions du nouveau Code de procédure civile, dans la mesure où ces écritures contiendraient son intention de solliciter cette réparation.

La SA Florim soutient que les conclusions déposées dans une instance en référé et qui ne font l'objet d'aucune signification d'avocat à avocat ne sauraient valoir notification au sens de l'article 12 deuxième alinéa de la loi de 1991 et au sens des articles 665 à 669 du NCPC et qu'en tout état de cause, c'est au mandant et non à son conseil qui n'avait que pour seul mandat celui de saisir le juge des référés d'une demande d'interdiction d'exercice d'une activité contrevenant à une clause de non-concurrence, que devait être adressée ladite notification et qu'en conséquence l'absence de notification dans le délai imposé entraîne de facto la forclusion.

Or, si la notification prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce par laquelle l'agent commercial doit faire connaître au mandant dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat qu'il entend faire valoir ses droits, peut être faite par l'intermédiaire de son conseil, en vertu du principe de l'étendue générale du mandat prévue à l'article 411 du nouveau Code de procédure civile puisque l'avocat dispose dans tous les actes qui entrent habituellement dans l'exercice de ses fonctions d'un mandat général de son client, c'est à la condition que cette notification respecte les dispositions des articles 665 à 669 ou 671 à 673 du nouveau Code de procédure civile. Or en l'espèce, les conclusions faisant état de cette volonté ont été remises par l'avocat de Mme Perchat à celui de la société Florim sans respecter les conditions de l'article 673 du NCPC (remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire qui restitue l'un des exemplaires daté et signé). En outre, si l'avocat du mandataire peut valablement recevoir pouvoir de notifier au mandant la volonté de ce dernier de solliciter l'indemnité de rupture, l'avocat du mandant ne peut recevoir valablement cette notification au lieu et place de son client qu'à la condition que celle-ci intervienne dans le cadre du débat judiciaire relatif à une instance en indemnité. Or, en l'espèce, les conclusions de Mme Perchat sont intervenues hors du champ du débat judiciaire limité à l'obligation de non-concurrence.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé l'action en demande en paiement de l'indemnité de rupture irrecevable comme forclose et le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

En tout état de cause et à supposer que l'action de Mme Perchat fût recevable, la rupture par cette dernière du contrat de mandat le 28 mai 1998 alors qu'aucun manquement du mandant susceptible d'en imputer la charge à ce dernier n'était établi, était de nature à exclure tout droit à indemnisation pour cette dernière, la rupture lui étant imputable.

Sur les demandes de la société Florim

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préavis

La SA Florim ne justifie aucunement du préjudice que lui aurait causé le brusque départ de Mme Perchat dans le traitement et le suivi des dossiers en cours et dans la perte hypothétique de chiffre d'affaires.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point et la demande de dommages-intérêts formée par la société Florim rejetée.

Sur la demande d'indemnité pour le non-respect de la clause de non-concurrence

Il résulte des pièces produites par l'appelante notamment les photocopies des publicités passées dans le magazine gratuit "Atout" que Madame Perchat n'a pas respecté l'obligation de non concurrence en exerçant sur la commune d'Épernay et ses environs une activité d'agent immobilier.

En contrevenant à cette obligation de non-concurrence, Mme Perchat a nécessairement porté atteinte aux intérêts économiques de la SA Florim dans un secteur de l'immobilier restreint à la commune d'Épernay et de ses environs.

Par contre, ladite clause s'analysant comme une clause pénale de par la détermination forfaitaire de la sanction pécuniaire en cas d'inexécution de l'obligation de non-concurrence, le juge peut en application de l'article 1152 du Code civil en réduire le montant si celui-ci est manifestement excessif.

Compte tenu d'une part de l'absence de tout justificatif des commissions payées par Madame Perchat pendant la dernière année d'activité alors que l'indemnité conventionnellement prévue doit être calculée en fonction de ce critère, et d'autre part, des éléments de la cause et notamment des positions économiques des parties et de la durée des relations contractuelles ayant existé entre elles, la somme réclamée par la société Florim est manifestement excessive. Il convient de la réduire à la somme de 2 000 euro et de condamner Mme Perchat au paiement de cette somme.

Le jugement entrepris sera donc réformé sur ce point.

Chacune des parties voyant partie de ses prétentions accueillies tant en première instance qu'en cause d'appel, supportera les dépens par elle exposés au cours de l'ensemble de la procédure et sera déboutée de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, déclare l'appel recevable ; confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'inexécution présentée par Mme Perchat et sa demande de résolution du contrat et déclaré la clause de non-concurrence insérée au contrat d'agent commercial licite ; confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Florim à payer à Madame Michèle Perchat la somme de 2 214,47 euro à titre de complément de commissions et la somme de 500 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et en ce qu'il a débouté Madame Perchat du surplus de ses demandes relatives à des commissions ; confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Mme Perchat forclose en son action tendant à se voir allouer une indemnité pour cessation du contrat de mandat ; l'infirme pour le surplus de ses dispositions ; Statuant à nouveau, condamne Madame Michèle Perchat à payer à la société Florim la somme de 2 000 euro en réparation du préjudice né du non-respect de la clause de non-concurrence ; déboute la société Florim de sa demande de dommages intérêts pour non-respect du préavis ; dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel avec, pour ces derniers, faculté de recouvrement direct au profit des SCP d'avoués Thoma Le Runigo Delaveau Gaudeaux et Delvincourt Jacquemet, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; dit n'y avoir lieu à application de l'article, 700 du nouveau Code de procédure civile.