CA Paris, 13e ch. A, 5 octobre 2005, n° 05-04155
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Pelisset
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
M. Waechter, Mme Geraux-Charvet
Avocat :
Me Bruder
Rappel de la procédure
La prévention:
La SA Groupe Immobilier Y et X Lionel Marie-Joseph sont poursuivis à la requête du Procureur de la République de Paris pour avoir à Paris, sur le territoire national, courant 2002 et le 27 décembre 2002, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur la surface d'un appartement, l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, la quantité, le mode de fabrication, la date de fabrication, les propriétés, le prix, les conditions de vente, les conditions d'utilisation, les résultats attendus de biens ou services, en l'espèce, en annonçant à la location un appartement de 32 m2 alors qu'en réalité le logement avait une superficie de 25 m2;
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a:
- Sur l'action publique:
- déclaré la SA Groupe Immobilier Y coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur par personne morale, faits commis le 27 décembre 2002, courant 2002, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 213-6 al. 1 du Code de la consommation, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-6 al. 2, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal,
- déclaré X Lionel Marie-joseph coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis le 27 décembre 2002, courant 2002, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,
Et par application de ces articles, a condamné:
- la SA Groupe Immobilier Y à une amende délictuelle de deux mille euro (2 000 euro),
- X Lionel Marie-Joseph à une amende délictuelle de mille euro (1 000 euro).
Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal, a dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles,
- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre vingt dix euro (90 euro) dont sont redevables chaque condamné,
Sur l'action civile
- déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Pelisset Delphine,
- condamné X à payer Pelisset Delphine, partie civile, la somme de mille deux cents euro (1 200 euro) à titre de dommages-intérêts,
Les appels:
Appel a été interjeté par:
- Monsieur X Lionel, le 22 avril 2005, des dispositions pénales et civiles,
- Monsieur le Procureur de la République, le 22 avril 2005 contre Monsieur X Lionel et la SA Groupe Immobilier Y,
- la SA Groupe Immobilier Y le 22 avril 2005, des dispositions pénales et civiles,
Décision:
Rendue contradictoirement à l'encontre des prévenus et à l'égard de la partie civile, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Statuant sur les appels des prévenus et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (31e chambre) le 14 avril 2005 ;
SA Groupe Immobilier Y, personne morale représentée par son représentant légal, Lionel X, et Lionel X, tous les deux prévenus, comparaissent assistés de leur avocat; il sera statué contradictoirement 5 leur égard.
Delphine Pelisset, partie civile, comparaît ; l'arrêt sera rendu contradictoirement à son égard.
Rappel des faits et demandes:
Le 11 janvier 2003, Delphine Pelisset prenait à bail un appartement situé 252 rue de la Convention, 75015 Paris, par l'intermédiaire de l'agence immobilière Groupe Immobilier Y ; le 19 mai 2003, elle saisissait les services de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (ci-après DDCCRF) d'une plainte, en exposant qu'elle avait loué cet appartement suite à une annonce émise sur un site Internet par la société Groupe Immobilier Y qui proposait un appartement deux pièces de 32 m2 au prix de 610 euro ; ayant constaté lors de son emménagement que la surface était inférieure à celle annoncée, elle avait fait prendre des mesures par un géomètre révélant une surface de 25 m2. La DDCCRF après enquête dressait procès-verbal pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur.
En première instance, la société Groupe Immobilier Y et son Président Lionel X, ont contesté que cette infraction puisse leur être imputée.
Devant la cour Delphine Pelisset, partie civile, demande la confirmation du jugement et une somme de 50 euro au titre des frais de procédure exposés en cause d'appel.
Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré sur la culpabilité et sur la peine prononcée à l'égard de la personne morale, et demande le prononcé d'une amende sans sursis à l'encontre de la personne physique ainsi qu'une mesure de publication de la décision.
La société Groupe Immobilier Y et son président Lionel X, par voie de conclusions, sollicitent leur relaxe et le débouté de la partie civile de ses demandes ; ils s'appuient sur les calculs réalisés à leur demande par Monsieur Bardet, géomètre expert, qui fait état pour l'appartement considéré
- d'une SHON (surface hors œuvre nette) de 32,4 m2,
- d'une superficie utile de 2,1 m2
- d'une superficie de loi Carrez de 24,6 m2 ;
Ils font essentiellement valoir qu'il n'y avait ni information erronée, ni volonté de tromper et ce d'autant qu'en matière de location, il n'existe pas de texte légal définissant de quelle façon doit être calculée la surface de l'appartement ; ils rappellent que sur le document remis au moment de la location à Delphine Pelisset, était mentionnée une surface de "32 m2 environ", ils ajoutent en outre qu'il n'est pas établi que la superficie de l'appartement ait constitué pour Delphine Pelisset une qualité substantielle. Subsidiairement sur l'action civile, ils concluent au débouté de la demande à l'encontre de Lionel X personne physique.
Sur ce
Considérant, comme l'a justement relevé le tribunal, que l'absence de règle légale relative aux superficies en matière de location, ne saurait exonérer l'auteur d'une publicité relative à un bien locatif, des obligations posées par l'article L. 121-1 du Code de la consommation.
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'annonce qu'ont fait paraître la société Groupe Immobilier Y et son Directeur général, sur le site internet " A vendre A louer " courant 2002 et notamment le 27 décembre 2002, énonçait pour présenter au public l'appartement dont s'agit, une superficie de 32 m2, ce qui, selon les mesures concordantes des géomètres Monsieur Bloy et Monsieur Bardet, ne correspondait qu'à la SHON (surface hors œuvre nette), et non à la surface habitable, seule déterminante pour quelqu'un qui cherche à louer un appartement ; qu'il s'agit donc d'une indication fausse ou de nature à induire en erreur dans un message publicitaire, peu important que dans les documents postérieurs à l'annonce les prévenus aient cru bon préciser 32 m2 "environ".
Considérant qu'en matière de bail, la superficie de l'appartement, par ce qu'elle détermine pour la plus grande part le prix du loyer au m2, mais aussi par ce qu'elle influe sur les futures conditions de vie du locataire, est un élément substantiel du bien proposé, déterminant pour le choix du preneur.
Considérant que l'élément intentionnel de l'infraction est caractérisé dès lors que Lionel X a pris l'initiative de cette publicité ; qu'il lui appartenait, En sa qualité d'annonceur, de vérifier que la publicité litigieuse était exempte de tout élément susceptible d'induire en erreur le consommateur, ce qu'il a manifestement omis de faire, engageant ainsi sa responsabilité pénale ; que le délit a été commis au nom et au profit de la société Groupe Immobilier Y, dont la responsabilité pénale est ainsi également engagée.
Considérant que le délit est ainsi caractérisé en tous ses éléments; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu la culpabilité de Lionel X et de la société Groupe Immobilier Y pour les faits visés à la prévention ; que la cour confirmera donc le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité et sur les peines prononcées à l'égard de chacun des prévenus, qui constituent une juste application de la loi pénale ; y ajoutant, la cour ordonnera la publication du jugement, par extraits, en application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, dans les quotidiens "Le Monde" et " Libération ", aux frais des condamnés.
Sur l'action civile
Considérant que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour la partie civile, des agissements coupables des prévenus ; qu'il convient donc de confirmer le jugement attaqué sur le montant des dommages intérêts alloués, en précisant que ceux-ci sont dus solidairement par Lionel X et la société Groupe Immobilier Y.
Considérant que la demande d'une somme de 50 euro, formulée par Delphine Pelisset au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, est justifiée ; que la cour y fera droit.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre des prévenus et à l'égard de la partie civile, Reçoit les appels des prévenus et du Ministère public ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tant pénales que civiles, étant précisé que les dommages-intérêts sont dus solidairement par Lionel X et la société Groupe Immobilier Y. Y ajoutant, Ordonne la publication, par extraits, dans les quotidiens "le Monde" et "Libération", de la décision en application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation aux frais des condamnés, Condamne solidairement la SA Groupe Immobilier Y et Lionel X à verser à Delphine Pelisset la somme de 50 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.