CA Colmar, 2e ch. civ. A, 19 mai 2005, n° 04-01805
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Biotonic (SA)
Défendeur :
Heinrich
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents de chambre :
M. Werl, Mme Krieger-Bour
Conseiller :
Mme Vieilledent
Avocats :
Mes Ackermann & Harnist, Makowski, Muller
Procédure et prétentions des parties:
Par acte signifié le 23 juin 2003, Monsieur Raymond Heinrich a fait assigner la SA Biotonic à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre civile, pour entendre condamner la défenderesse, au visa des articles 1382 du Code civil, L. 121-1, L. 121-36 et 37 du Code de la consommation, au paiement de la somme de 9 750 euro, en réparation du préjudice subi, outre 1 500 euro au titre du préjudice moral, et 700 euro d'indemnité de procédure.
In limine litis, la SA Biotonic a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie, au profit du Tribunal de grande instance de Grasse et sollicité la condamnation de Monsieur Raymond Heinrich aux dépens et au versement d'un montant de 1 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ordonnance du 16 mars 2004, le juge de la mise en état a rejeté cette exception. Il a rappelé que la demande était expressément fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil et qu'en matière délictuelle, l'article 46 du nouveau Code de procédure civile offre la possibilité de choisir la juridiction du ressort dans lequel le dommage est subi. Monsieur Raymond Heinrich étant domicilié à Schirrhein, le premier juge en a déduit que le Tribunal de grande instance de Strasbourg était compétent pour connaître de sa demande.
Suivant déclaration enregistrée au greffe le 5 avril 2004, la SA Biotonic a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions d'appel du 21 mai 2004, l'appelante demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de constater l'incompétence territoriale du Tribunal de grande instance de Strasbourg au profit de celui de Grasse et de condamner Monsieur Raymond Heinrich aux dépens ainsi qu'au paiement d'un montant de 1 500 euro à titre d'indemnité de procédure.
L'appelante fait valoir que son siège social est à Mougins, soit dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grasse, que dès lors, cette juridiction est compétente pour connaître du litige (article 42 du nouveau Code de procédure civile).
La SA Biotonic soutient qu'il est indifférent que le demandeur ait fondé sa demande sur la responsabilité délictuelle dès lors que la juridiction considère que les dispositions de l'article 1371 du Code civil sont seules applicables lorsqu'il s'agit de statuer sur la responsabilité d'organisateurs de loteries publicitaires. Dès lors l'option ouverte par l'article 46 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile en matière contractuelle n'est pas applicable, les dispositions de ce texte étant d'interprétation stricte et ne pouvant être étendues aux quasi-contrats.
En l'état de ses conclusions déposées le 30 septembre 2004, l'intimé demande à la cour, au visa de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile:
- de déclarer le Tribunal de grande instance de Strasbourg compétent;
- de débouter l'appelante de ses prétentions;
- de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions;
- de condamner la société Biotonic aux dépens et au paiement d'un montant de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Raymond Heinrich rappelle que sa demande de réparation a été introduite sur le fondement de la responsabilité délictuelle, en sorte qu'il est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 46 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile.
Subsidiairement, il soutient que même sur le fondement du quasi-contrat, il serait autorisé à invoquer les dispositions de l'article 46 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile. Il fait valoir sur ce point qu'une commande a été passée et qu'une livraison a eu lieu (levure de bière) en sorte que le règlement de la somme de 9 750 euro ne serait que l'accessoire de cette livraison.
Motifs
Il est constaté que par arrêt du 6 septembre 2002, la chambre mixte de la Cour de cassation a expressément écarté le fondement délictuel de l'action en responsabilité intentée contre l'organisateur d'une loterie, a soulevé d'office l'article 1371 du Code civil et dit que "l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa, s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer".
En l'espèce, c'est la même argumentation qui est soulevée par Monsieur Raymond Heinrich en sorte que le premier juge - et la cour à sa suite - ne sont pas liés par les qualifications du demandeur et qu'il leur revient au contraire de rétablir le fondement juridique approprié aux faits de la cause et aux prétentions des parties, soit en l'occurrence celui de l'article 1371 du Code civil;
Or l'article 46 du nouveau Code de procédure civile ne vise pas la matière des quasi-contrats, mais seulement, la matière contractuelle, délictuelle, mixte, d'aliments ou de contribution aux charges du mariage.
De plus, le litige ne concerne pas la livraison de la marchandise commandée (levure de bière) ou l'exécution d'une prestation de service, mais la remise d'une somme d'argent qui a précisément été refusée à Monsieur Raymond Heinrich.
Il y a lieu dès lors, de faire application de la règle de compétence de principe, à savoir le tribunal du domicile du défendeur.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise et de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Grasse, les dispositions de l'article 79 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile n'étant pas applicables lorsque la cour est saisie par voie de contredit.
Il appartient à Monsieur Raymond Heinrich qui succombe de supporter les dépens de l'incident et de l'instance d'appel. En revanche l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la SA Biotonic.
Par ces motifs, Constate que la recevabilité non plus de la régularité formelle de l'appel ne sont contestes, Infirme l'ordonnance entreprise, Et statuant à nouveau : Déclare le Tribunal de grande instance de Strasbourg territorialement incompétent, Renvoie l'affaire et les parties devant le Tribunal de grande instance de Grasse, Condamne Monsieur Raymond Heinrich aux dépens de l'incident et de l'instance d'appel, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.