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Décisions

Cass. 1re civ., 15 novembre 2005, n° 03-20.597

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Rapporteur :

M. Gallet

Avocat général :

M. Sarcelet

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

TGI Paris, 1re ch., 1re sect., du 11 mar…

11 mars 1998

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 3 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981, ensemble l'article 1110 du Code civil ; - Attendu que, selon le premier de ces textes, à moins qu'elle ne soit accompagnée d'une réserve expresse sur l'authenticité, l'indication qu'une œuvre ou un objet porte la signature ou l'estampille d'un artiste entraîne la garantie que l'artiste mentionné en est effectivement l'auteur et qu'il en va de même lorsque le nom de l'artiste est immédiatement suivi de la désignation ou du titre de l'œuvre ; qu'au sens de ce texte, l'auteur effectif s'entend de celui qui réalise ou exécute personnellement l'œuvre ou l'objet, condition substantielle de leur authenticité dans le cadre d'une vente publique aux enchères ;

Attendu que, lors d'une vente publique organisée par M. Cornette de Saint-Cyr, commissaire-priseur, M. Brossard a été déclaré adjudicataire, pour le prix de 38 325,00 francs, d'un tableau désigné, dans le catalogue de la vente, sous les indications suivantes : "Daniel Spoerri. Mon petit déjeuner 1972, tableau piège : vaisselle et objets collés sur bois. Porte au dos un texte de l'artiste et la mention "pris en février-mars 1972, à Paris, 17e". Signé et daté au dos. 80 x 45 cm" ; qu'ayant ultérieurement appris que le tableau n'était pas de la main de Daniel Spoerri mais que, sur la proposition faite par celui-ci, aux visiteurs d'une exposition, d'exécuter un "tableau-piège", il avait été réalisé par un enfant de onze ans, à qui Daniel Spoerri avait délivré un "brevet de garantie" destiné à être collé au dos du tableau, l'acquéreur a assigné M. Cornette de Saint-Cyr en annulation de l'adjudication ;

Attendu que, pour débouter M. Brossard de sa demande, l'arrêt retient que l'exécution personnelle n'est ni la condition nécessaire ni la condition suffisante de la reconnaissance de la qualité d'auteur, et que l'authenticité de l'œuvre, unique condition déterminante de son consentement, avait été satisfaite ;

Attendu, cependant, qu'ayant constaté que l'œuvre litigieuse, vendue aux enchères publiques, avait été exécutée "en brevet" par un tiers et que la simple référence, dans le catalogue de vente, à la présence, au dos du tableau, d'un texte de l'artiste, n'était pas de nature à informer l'acquéreur sur le fait que l'œuvre n'avait pas été exécutée de la main même de Daniel Spoerri, quand les mentions du catalogue entraînaient la garantie et, partant, la croyance erronée et excusable de l'acheteur, que celui-là était effectivement l'auteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 3 du décret n° 81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d'œuvres d'art et d'objets de collection, ensemble l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour débouter M. Brossard de sa demande subsidiaire en dommages-intérêts, l'arrêt énonce que les mentions du catalogue de vente étaient exactes et suffisantes et qu'il était loisible à tout acquéreur de se reporter au texte de l'artiste figurant au dos de l'œuvre, de sorte qu'aucune faute ne saurait être reprochée au commissaire-priseur ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que, contrairement aux mentions du catalogue de vente qui entraînaient la garantie que Daniel Spoerri était effectivement l'auteur de l'œuvre litigieuse, celle-ci n'était pas de la main même de l'artiste mentionné, mais avait été exécutée "en brevet" par un tiers, alors qu'il incombe au commissaire-priseur qui procède à une vente publique aux enchères de mentionner l'auteur effectif de l'œuvre offerte à la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2003, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.

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