CA Aix-en-Provence, 2e ch. com., 14 octobre 2003, n° 00-03944
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Télématec (SA), Pastel (SARL)
Défendeur :
Métrobus Publicité (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blin (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Ermeneux-Ermeneux-Champly-Levaique
Avocats :
Mes Wassilieff-Viard, Gasparri-Lombard, Sautelet
Exposé du litige
Selon contrat du 1er octobre 1988, la société Télématec a confié à la société Omerta la promotion de trois services télématiques RT, RTJ et Natacha. La société Omerta s'est engagée à y consacrer un budget publicitaire de cinq millions de francs hors taxes pour une année, la société Télématec s'engageant pour sa part à lui réserver un pourcentage allant de 60 % à 73 % de son chiffre d'affaires en fonction du volume des heures de connexion opérée par la clientèle.
Selon contrat du 14 octobre 1988, la société Omerta agissant en qualité de mandataire ducroire" de la société Télématec a convenu d'une campagne publicitaire avec la société Métrobus Publicité pour les périodes du 30 novembre au 13 décembre 1988 et du 21 décembre 1988 au 3 janvier 1989 pour une somme de 305 865,30 F.
Enfin selon contrat du 28 octobre 1988, la société Omerta agissant en qualité de "mandataire ducroire" de la société Connexion souscrivait un second contrat publicitaire avec la société Métrobus Publicité pour un prix forfaitaire de 176 470 F hors taxes.
La société Omerta ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 27 avril 1989 la société Métrobus Publicité a déclaré le 1er juin 1989 au liquidateur les sommes de 369 662,70 F et de 92 415,67 F correspondant aux factures impayées et au montant de la clause pénale figurant à ses contrats puis a mis en demeure les sociétés Télématec et Pastel Editeur de les régler. En l'absence de tout règlement, la Métrobus Publicité les a alors assignées devant le Tribunal de commerce de Paris, qui par jugement contradictoire du 13 janvier 1997 s'est déclaré territorialement incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille. Par jugement contradictoire du 17 janvier 2000, ce tribunal a :
- débouté la société Métrobus Publicité de toutes ses demandes à l'encontre de la SARL Pastel Editeur;
- condamné la société Télématec à payer à la société Métrobus Publicité la somme principale de 320 865 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 novembre 1992 et celle de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les sociétés Télématec et Pastel Editeur en ont relevé appel selon déclaration du 2 février 2000 et invoquent principalement dans leurs conclusions récapitulatives du 25 avril 2003 la péremption d'instance au motif que la société Métrobus Publicité n'a effectué aucune diligence entre le jugement rendu le 13 janvier 1997 par le Tribunal de commerce de Paris et le 1er mars 1999, date à laquelle elle a communiqué ses conclusions en reprise d'instance.
Au fond elles prétendent que le Tribunal de commerce de Paris a jugé que les contrats invoqués par la société Métrobus Publicité leur étaient inopposables et qu'en vertu de l'article 95 du nouveau Code de procédure civile, cette décision a acquis l'autorité de la chose jugée.
Subsidiairement, la SARL Pastel Editeur conclut à la confirmation du jugement déféré aux motifs des premiers juges retenant qu'aucun document ne permet de justifier les relations contractuelles ou financières ayant pu exister entre elle et les autres parties à la procédure.
La société Télématec soutient également à titre subsidiaire que :
- le contrat qu'elle a souscrit avec la société Omerta n'est pas un mandat puisque cette dernière assumait seule la charge financière de la promotion et que d'ailleurs la société Métrobus Publicité ne lui a adressé aucune facture;
- la société Métrobus Publicité ne peut pas plus se prévaloir d'un mandat apparent alors qu'elle n'a effectué aucune vérification sur le mandant et les pouvoirs du mandataire prétendu ;
- les usages exigent des annonceurs la signature de lettres accréditives, la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin ayant par ailleurs imposé la rédaction d'un mandat écrit ;
- la société Omerta a ainsi agi en qualité de commissionnaire.
La société Télématec conclut à l'infirmation du jugement et au paiement par la société Métrobus Publicité des sommes de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts au regard de l'attitude procédurière de l'intimée et de 3 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle sollicite aussi le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.
Dans ses conclusions du 20 juin 2002, la société Métrobus Publicité conteste tout d'abord toute péremption de l'instance en indiquant qu'elle a sollicité le 13 mai 1998 avec paiement de la provision, la remise au rôle de la procédure devant le Tribunal de commerce de Marseille et qu'elle a communiqué à nouveau ses pièces le 9 novembre 1998 au conseil constitué par les appelantes. Elle soutient ensuite que l'article 95 du nouveau Code de procédure civile n'a pas vocation à s'appliquer, le Tribunal de commerce de Paris n'ayant pas statué au fond.
En réplique à l'argumentaire de la société Télématec, la société Métrobus Publicité fait valoir que:
- la société Omerta s'est présentée comme mandataire de la société Métrobus Publicité et les affiches réalisées visaient bien un service télématique lui appartenant;
- la société Télématec ne dénie pas que la campagne publicitaire ait été effectuée;
- la société Pastel Editeur propriétaire du service Natacha l'a concédé à la société Télématec qui en a confié la publicité à la société Omerta;
- l'envoi des factures au mandataire est indifférent et ce d'autant qu'il se portait garant de l'annonceur;
- la société Métrobus Publicité n'a commis aucune négligence, l'appelante ne pouvant invoquer la loi Sapin postérieure aux contrats litigieux - le contrat intervenu le 1er octobre 1988 entre les sociétés Télématec et Omerta justifie bien de la qualité à agir de cette dernière et à engager la société Télématec ;
- la clause pénale doit être appliquée et ce d'autant que la société Métrobus Publicité a dû subir une longue procédure de quatorze années pour obtenir paiement de sa créance.
La société Métrobus Publicité conclut ainsi au paiement solidaire par les appelantes des sommes de 46 628,82 euro et 11 657,17 euro à titre principal et de 7 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue en cet état de la procédure le 2 septembre 2003.
Discussion
Sur la procédure :
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. En l'absence de moyen constitutif de fin de non-recevoir susceptible d'être relevé d'office, l'appel sera déclaré recevable.
Le jugement d'incompétence du Tribunal de commerce de Paris est intervenu le 13 janvier 1997 et la société Métrobus Publicité a fait réinscrire l'affaire au rôle du Tribunal de commerce de Marseille le 13 mai 1998 en payant la provision de greffe. Elle justifie aussi d'un envoi de ses pièces et de la jurisprudence dont elle entendait faire état au conseil des appelantes. Ces diligences sont incontestablement de nature à faire progresser l'instance vers sa solution et dès lors que le délai de deux années visé à l'article 386 du nouveau Code de procédure civile n'a pas été atteint en l'espèce, c'est à tort que les appelantes concluent à une péremption de l'instance.
L'article 95 du même Code n'a pas plus vocation à s'appliquer puisqu'il ressort de la simple lecture des motifs du jugement du 13 janvier 1997 que le Tribunal de commerce de Paris n'a statué que sur l'application de la clause de compétence territoriale revendiquée par la société Métrobus Publicité et n'a aucunement examiné - même partiellement - le fond du litige.
La demande en paiement est donc bien recevable.
Sur la demande formulée à l'encontre de la société Pastel Editeur
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges aucun document n'est produit aux débats permettant d'apprécier les relations contractuelles ou d'affaires qui auraient pu lier la société Pastel Editeur à la société Métrobus Publicité. De surcroît la cour a relevé que le contrat qu'entend lui opposer la société Métrobus Publicité a été signé pour le compte d'une société "Connexion" dont on ignore tout et qu'il vise un service "Minitel Roxane" qui ne figure aucunement dans les services télématiques objet du contrat de publicité souscrit par la société Omerta le 1er octobre 1988.
Le jugement ayant rejeté cette demande sera confirmé de ce chef.
Sur la demande formulée à l'encontre de la société Télématec :
En produisant le contrat précité par lequel elle a confié à la société Omerta la promotion de trois services télématiques, la société Télématec reconnaît explicitement que celle-ci pouvait agir pour son compte.
En effet :
- la société Omerta s'est présentée comme mandataire ducroire de la société Télématec, et à défaut de contrat écrit préalable, ce mandat a au moins le caractère de l'apparence pour la société Métrobus Publicité;
- elle a organisé une campagne publicitaire ayant bien pour objet l'activité de la société Télématec;
- nul ne conteste que cette campagne ait été effectuée et ait donné satisfaction à son bénéficiaire puisque la société Télématec ne produit aucun courrier de protestation qu'elle aurait pu adresser éventuellement à son co-contractant Omerta;
- elle ne justifie même pas qu'elle l'ait rémunéré pour sa prestation ;
- l'envoi des factures au "mandataire apparent" n'est pas de nature à remettre en cause les usages non contestés en matière de publicité selon lesquels l'agence de publicité agit au nom de l'annonceur;
- la société Télématec ne peut en tout cas invoquer des dispositions législatives, telles la loi Sapin de 1993, intervenues postérieurement à la souscription des contrats litigieux au regard du principe constant selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif.
C'est aussi en vain que l'appelante prétend que la société Métrobus Publicité aurait agi avec légèreté et ne pourrait, à ce titre, prétendre en une croyance légitime la dispensant de vérifier les pouvoirs du mandataire prétendu puisque la publicité - ainsi qu'il a été dit ci-dessus - visait bien la société Télématec et qu'aucune difficulté n'était intervenue dans l'exécution du contrat la liant avec la société Omerta. La société Métrobus Publicité n'avait dès lors aucun motif devant la conduire à se rapprocher de la société Télématec.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Télématec au paiement des factures dont le montant n'a fait l'objet d'aucune critique.
Sur la clause pénale
La société Métrobus Publicité fait justement valoir que celle-ci a été ramenée à la somme de 15 000 F alors que s'agissant d'une stipulation contractuelle, elle doit suivre le sort de l'ensemble des clauses du contrat qui s'applique en son entier. La cour relève aussi que le tribunal n'a pas expliqué en quoi cette clause serait excessive, la société Métrobus Publicité plaidant à bon escient qu'elle a été contrainte d'engager une longue procédure de quatorze ans avant d'obtenir le paiement de sa créance dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.
Ce dernier sera infirmé de ce chef.
Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit la cour à écarter l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Déboutée de son recours, la société Télématec supportera les dépens.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel, Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2000 par le Tribunal de commerce de Marseille sauf en ce qui concerne la somme de 320 865 F soit 48 915,55 euro allouée à la société Métrobus Publicité; Y ajoutant : Condamne la société Télématec à lui payer les sommes de : - 58 285,99 euro à titre principal; - 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens et autorise la SCP Ermeneux-Ermeneux-Champly-Levaique, avoués associés à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.