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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 31 mars 2005, n° 04-00510

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Willemse France (SARL)

Défendeur :

Michallon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents de chambre :

Mme Roussel, Mmes Laplane, Guieu

Avoués :

Me Quignon, SCP Levasseur-Castille

Avocat :

Me Mervaille

TI Tourcoing, du 17 déc. 2003

17 décembre 2003

Procédure et prétentions des parties

Par jugement du 17 décembre 2003 auquel référence expresse est faite quant à l'exposé du litige, des prétentions et moyens des parties, le Tribunal d'instance de Tourcoing a :

- ordonné à la SARL Willemse de remettre à Monsieur Marius Michallon le complément de l'ensemble informatique senior figurant sur le bon de commande adressé à ce dernier et constitué d'une unité centrale informatique, d'un écran d'ordinateur, d'une imprimante, d'un scanner, d'une " webcam ", d'un appareil photographique, d'une souris et d'un téléphone, ce sous astreinte de 20 euro par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;

- condamné la SARL Willemse à payer à Monsieur Marius Michallon la somme de 500 euro à titre de dommages-intérêts et la somme de 500 euro à titre d'indemnité procédurale;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision;

- débouté les parties su surplus de leurs prétentions.

La SARL Willemse France qui a relevé appel du jugement, demande à la cour dans ses conclusions récapitulatives du 27 septembre 2004, vu les arrêts du 6 septembre 2002, vu les articles 1371, 1147 et 1382 du Code civil, vu la théorie de l'engagement unilatéral de volonté, vu la théorie de l'apparence, de le réformer et de :

¤ débouter Monsieur Marius Michallon de toutes ses demandes ;

¤ le condamner au paiement de la somme de 3 336,89 euro en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire outre les intérêts au taux légal à compter du 11 février 2004.

Monsieur Marius Michallon conclut le 2 septembre 2004 à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et formant appel incident, à la condamnation de la SARL Willemse à lui verser une somme supplémentaire de 100 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusive et une indemnité procédurale supplémentaire de 1 000 euro.

Motifs

La SARL Willemse soutient que la jurisprudence relative aux loteries publicitaires n'est pas applicable à l'opération " visant à récompenser ses meilleurs clients " organisée du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2001 dans la mesure où elle ne comporte aucun tirage au sort et où les critères d'attribution des cadeaux sont liés à l'importance et à la date de réalisation du chiffre d'affaires.

Monsieur Marius Michallon réplique que la notion de tirage au sort doit être prise dans une acception large et que dans l'opération litigieuse à caractère gratuit, le hasard réside dans le fait que l'organisateur de la loterie ne sait pas lors de l'organisation qui se verra attribuer le gros lot et que les participants ignorent quel lot ils vont se voir attribuer.

Dans la présentation de l'opération intitulée " Sélection Fidélité ", la SARL Willemse a pris soin d'attirer l'attention de ses clients sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une loterie par deux encarts ainsi rédigés : "Très important! Il ne s'agit pas d'un tirage au sort". Cependant, le caractère aléatoire de l'opération est établi par ses modalités de mise en œuvre elles-mêmes. L'article 5 précise en effet in fine :

" A la réception des documents, les destinataires ne peuvent tirer aucune conclusion sur le cadeau qui leur est attribué. (...). La liste des clients à qui ont été attribués les principaux cadeaux a été déposée chez Maître Berna, huissier de justice à Tourcoing, juste avant l'opération." Et l'article 7 :

" La liste des personnes à qui seront finalement attribués les principaux cadeaux sera disponible sur simple demande écrite (...) "

Il ressort de la comparaison des deux listes produites par la SARL Willemse (pièces 9-10-11) que:

- sur les dix attributaires de la liste initiale sélectionnés en raison du montant de leurs commandes arrêté au 27 avril 2001 et de la date de leur dernière commande, seule une cliente a participé à l'opération et figure à ce titre sur la liste définitive avec le même cadeau;

- sur la liste définitive qui ne mentionne ni la date de la dernière commande ni le montant de leurs achats, neuf autres personnes ayant participé à l'opération ont remplacé les non participants.

En conséquence, il existait deux sources d'aléa: la participation ou non à l'opération des destinataires des documents; la date du dernier achat des participants, premier critère d'attribution des cadeaux avant le montant du chiffre d'affaires.

Comme indiqué par le premier juge, il appartenait donc à la SARL Willemse de mettre l'existence de cet aléa en évidence. Bien au contraire, cet aspect de l'opération a été gommé non seulement par les deux encarts susvisés faisant croire à la clientèle qu'il n'y avait aucune part de hasard dans la récompense de leur fidélité, mais encore par la présentation ambiguë des documents :

# Le premier se présente comme une feuille double aux couleurs vives qui comporte

+ au centre de la première page la vignette indiquant le nombre de points fidélité obtenus par le client,

+ en seconde et troisième pages, les cadeaux offerts,

+ en quatrième page, le bon de commande sur lequel doit être collée la vignette pour recevoir l' " ensemble informatique ";

# le second intitulé " Document Personnel " est une feuille simple qui comporte:

+ au recto un texte rédigé en termes plus ou moins gras dont quatre expressions ont été sur lignées en jaune vif; " félicitations - 1740 points - des ensembles - de 15 329 F ";

+ au verso, l'annonce d'un cadeau supplémentaire en partie centrale et aux couleurs vives, puis sur les deux cinquièmes de bas de page, un extrait des modalités d'attribution des cadeaux imprimé en caractères fins, majuscules et sans espace, de sorte que leur lecture et a fortiori leur compréhension en sont quasiment impossibles.

Sur le plan visuel, tout concourt à créer la confusion chez un client moyennement attentif ou averti et à faire naître dans son esprit la certitude qu'à raison des points fidélité obtenus, il est attributaire du cadeau annoncé en première page et photographié au verso à savoir pour Monsieur Marius Michallon (titulaire de 1740 points fidélité) " un ensemble Informatique Senior " composé d'une unité centrale, d'un écran avec clavier et souris, d'un scanner, d'une imprimante, d'un appareil photographique numérique, d'une " webcam ", d'un téléphone portable et de deux calculettes.

En effet :

• comme noté par le premier juge, les deux flèches rouges pointent d'une part la mention " vous allez recevoir un ensemble Informatique Senior ", d'autre part la photographie de tous ces objets réunis sous l'appellation "Ensembles Informatique Senior valeur totale : 15 329 F";

• en première page, deux encarts citent le nom de deux clients avec la formule "Grâce à ses X points M. X recevra un ensemble ..";

• les trois photographies des ensembles "Informatique Senior" "Informatique Junior" et "Lecture" sont surmontées d'une pancarte précisant le nombre de points fidélité requis "à partir de 1 500 points fidélité" pour le premier;

• au milieu des trois photographies, se trouve un encart précisant "les trois ensembles complets ainsi que chacun des ensembles qui les composent seront remis intégralement et gratuitement", formule reprise en bas du document personnel;

• l'usage de la couleur jaune accentue l'impression de l'attribution d'un ensemble informatique complet en insistant sur le nombre de points et la valeur globale, détournant le lecteur de se pencher sur les interlignes.

En l'absence de photographies distinctes des sous-ensembles, le client ne pouvait supposer - à moins de se livrer à une exégèse longue et fastidieuse - que le pluriel renvoyait non pas à chacun des ensembles photographiés mais aux sous ensembles détaillés dans les modalités d'attribution, et encore moins imaginer qu'il recevrait deux calculettes à titre d'ensemble informatique.

Certes la mention inscrite à côté de la vignette : "reportez-vous aux modalités d'attribution dans la lettre jointe" invitait le destinataire de l'opération à s'y référer, mais d'une part l'invitation immédiatement subséquente à coller la vignette sur le bon de commande avait quelque chance de le détourner de chercher plus ample information, d'autre part leur caractère quasi-illisible ne pouvait qu'achever de l'en dissuader.

En conséquence, la SARL Willemse qui a annoncé à Monsieur Marius Michallon l'attribution d'un cadeau sans l'informer de son caractère aléatoire s'est obligée par ce fait purement volontaire à le délivrer. La décision sera confirmée.

Etant observé que la SARL Willemse a exécuté le jugement déféré, Monsieur Marius Michallon ni ne démontre le caractère abusif du recours qu'elle a formé, ni ne justifie d'un préjudice autre que celui dont il a obtenu réparation en première instance. Nulle raison d'équité ne commande qu'il soit indemnisé de ses frais irrépétibles en appel.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute Monsieur Marius Michallon du surplus de ses demandes formées en appel, Condamne la SARL Willemse aux dépens d'appel, Autorise la SCP Levasseur-Castille-Levasseur à les recouvrer directement en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.