Livv
Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 13 juin 2005, n° 04-04058

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cuignet

Défendeur :

3 Suisses France (SCS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roussel

Conseillers :

Mmes Hirigoyen, Guieu

Avoués :

SCP Congos-Vandendaele, SCP Masurel-Thery-Laurent

Avocats :

Me Bironneau, Lebas, Associés

TGI Lille, du 16 avr. 2004

16 avril 2004

Par jugement du 16 avril 2004 auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits, moyens et prétentions antérieurs des parties, le Tribunal de grande instance de Lille a, dans un litige opposant Monsieur Christophe Cuignet à la société 3 Suisses France :

- débouté les parties de toutes leurs demandes,

- laissé les dépens à la charge de Christophe Cuignet.

Par déclaration du 21 juin 2004, Monsieur Cuignet a relevé appel de la décision.

Vu les conclusions déposées par l'appelant le 4 mars 2005,

Vu les conclusions déposées par la SCS 3 Suisses France le 30 novembre 2004,

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2004,

L'analyse plus ample des moyens des parties sera effectuée à l'occasion de la réponse apportée à leurs écritures opérantes.

Motifs :

Rappel des données utiles du litige :

La société 3 Suisses France a organisé entre le 22 juin et le 31 décembre 2000, un jeu gratuit sans obligation d'achat, intitulé "Tirage de l'automne" "Gagnez un chèque ou une voiture".

Courant août 2000, Monsieur Cuignet a dans ce cadre, reçu un bordereau d'attestation de gain. Invité à retourner son attestation et estimant avoir été désigné gagnant d'un véhicule Peugeot 206 ou de sa contre valeur en chèque (65 353 F), il a demandé à la société 3 Suisses la remise de son prix sous forme d'un chèque de 65 353 F.

N'ayant pas obtenu satisfaction malgré une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé réception du 23 août 2000, et n'ayant reçu qu'un chèque d'une valeur de 100 F, Monsieur Cuignet a, par acte d'huissier du 1er avril 2003 fait assigner la RCS 3 Suisses pour l'entendre condamner à lut payer la somme de 9 963 euro, montant du lot qu'il estimait avoir gagné, outre 1 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La décision attaquée a été rendue dans ces conditions.

Au soutien de son appel, Monsieur Cuignet fait valoir :

- qu'il ressort explicitement du document intitulé "bordereau d'attestation de gain" du mois d'août 2000, que la société 3 Suisses France a proposé et s'est obligée à lui remettre un véhicule Peugeot 206 d'une valeur de 65 353 F ou un chèque de ce montant, qu'il a accepté cette proposition de sorte qu'en vertu de la rencontre des volontés, la société 3 Suisses s'est engagée à son égard,

- que le contenu et la portée de l'attestation de gain du mois d'août 2000 ne doivent pas être appréciés à la lueur d'envois postérieurs émanant de la société 3 Suisses.

- que le bordereau d'attestation de gain expose en effet clairement et explicitement qu'il a "gagné - c'est sûr - un chèque ou une Peugeot 206 d'une valeur de 65 353 F" de sorte que toutes les références subséquentes à "l'un des chèques mis en jeu" ou à tout autre prix telles qu'elles apparaissent dans la suite du courrier ou dans un extrait de règlement, ne peuvent qu'être rattachées au gain initialement annoncé, à savoir un gain de 65 353 F,

- qu'ainsi le libellé de l'attestation de gain est exclusif de tout aléa quant à la valeur du lot attribué à Monsieur Cuignet ; les termes correspondants aux lots n'étant séparés par aucune ponctuation, et notamment pas par une virgule.

- que la société 3 Suisses était tellement consciente de la portée de la rédaction du bordereau de gain initial d'août 2000 qu'à l'occasion de l'envoi de la deuxième attestation, elle a pris la peine de préciser que les prix en jeu étaient "une Peugeot 206 d'une valeur de 65 353 F ou un chèque",

- qu'en fin, l'attestation initiale ne contient aucune mention apparente subordonnant l'attribution du lot à un tirage.

La SCS 3 Suisses quant à elle fait valoir :

- que dans l'organisation de la loterie litigieuse, tous les participants étaient assurés de gagner un lot.

- que si le destinataire de l'attestation pouvait à la lecture de celle-ci, avoir la certitude d'avoir gagné un lot, il ne pouvait, eu égard aux termes employés, être sûr d'avoir gagné le premier lot c'est-à-dire la Peugeot 206.

- qu'il était en outre expressément précisé que le gagnant de la Peugeot 206 ne pourrait obtenir la contrepartie financière de son lot,

- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que les lots étaient annoncés avec leur valeur, l'aléa étant clairement exprimé et le règlement figurant de façon apparente dans l'ensemble des documents.

- qu'elle ne s'est enfin jamais engagée à attribuer à Monsieur Cuignet le premier lot.

Il doit être relevé que Monsieur Cuignet n'invoque pas dans ses écritures, le fondement quasi contractuel fondant son action sur les seuls articles 1101, 1134 et 1147 du Code civil, et l'existence d'un engagement contractuel pris par la société.

Il ressort des éléments de la cause que Monsieur Cuignet a été destinataire d'un "bordereau d'attestation de gain", courant avril 2000, émanant du service des gros lots de la société 3 Suisses contenant le message suivant :

"Concerne

Votre gain au jeu Tirage de l'Automne

Gagnez un chèque ou une voiture

Tirage déjà effectué

"Message

Vous avez gagné - c'est sûr - un chèque ou une Peugeot 206 d'une valeur de 65 353 F.

avec la mention "Toutes mes félicitations ! C'est certain - vous avez gagné"

signature : illisible.

Sous ces paragraphes, il est en outre précisé en termes apparents : "Pour recevoir l'un des chèques mis en jeu quel qu'il soit et d'un montant minimum de 100 F ou prendre livraison de votre nouvelle voiture, envoyez ce document...".

Sous l'intitulé "partie à remplir", il est réaffirmé que Monsieur Cuignet a été désigné gagnant d'un prix : un chèque ou une voiture".

Au dos de ce document, se trouve un extrait du règlement de ce jeu qui comporte la présentation du prix : "une Peugeot 206 d'une valeur de 65 353 F, deux chèques de 1 000 F et autant de chèques de 100 F que de réponses enregistrées. Le gagnant de la 206 Peugeot ne pourra obtenir la contre valeur financière de son lot".

Il apparaît incontestable à la seule lecture de ce bordereau, sans qu'il y ait lieu d'examiner le contenu des envois postérieurs, opérés par les 3 Suisses, que Monsieur Cuignet a gagné un prix : "chèque ou voiture", d'autant qu'il est précisé que le tirage est déjà effectué.

Il doit être observé sur ce dernier point que le verso du bordereau précise en outre, contrairement à ce que prétend Monsieur Cuignet en relevant l'absence de mention apparente subordonnant l'attribution du lot à un tirage, que "les lots ont été attribués par un pré-tirage effectué sous le contrôle de Maître Perard, huissier de justice" ; le jeu prenant fin le 31 décembre 2000.

En revanche, le bordereau ne permet pas de déduire que Monsieur Cuignet a gagné le véhicule Peugeot 206 ou sa contre-valeur de 65 353 F, au regard du règlement figurant au dos du bordereau, précisant bien qu'ont été mis en jeu, outre le véhicule, deux chèques de 1 000 F et autant de chèques d'achat de 100 F que de réponses enregistrées.

Les indications portées sur ces documents sont donc dépourvues d'ambiguïté en ce que d'une part, elles garantissent au destinataire du courrier, l'existence d'un gain tout en mettant en évidence un aléa quant à la valeur du prix gagné, la diversité des lots figurant tant au recto qu'au verso de ce document et le destinataire étant tout au plus assuré d'avoir gagné un chèque d'achat de 100 F.

Le défaut de ponctuation allégué par Monsieur Cuignet dans la phrase "un chèque ou une Peugeot 206 d'une valeur de 65 353 F" ne peut être retenu comme révélateur d'une absence d'aléa alors que cette phrase, au demeurant explicite en elle même au regard des règles grammaticales (la valeur de 65 353 F ne se rapportant qu'au seul véhicule), ne peut au surplus être détachée des autres termes repris sur le document, indiquant clairement la valeur des chèques mis en jeu et l'impossibilité pour le gagnant de la voiture, de convertir celle-ci en un chèque de 65 353 F.

Une lecture normalement attentive de ces documents permettait donc à Monsieur Cuignet de ne pas se méprendre sur la nature de ses droits. Il ne peut dès lors valablement invoquer l'engagement contractuel de la société les 3 Suisses de lui remettre un chèque d'une valeur de 65 353 F alors d'une part qu'aucune promesse en ce sens ne lui a été faite au regard des considérations susvisées ayant mis en évidence l'existence d'un aléa et surtout que d'autre part la remise de la contre-valeur du véhicule était formellement exclue par le règlement.

Le jugement ayant débouté Monsieur Cuignet de ses demandes doit dont être confirmé, étant relevé que Monsieur Cuignet a été destinataire le 3 septembre 2000 du chèque de 101 F qui lui a été attribué par tirage au sort.

La société les 3 Suisses sollicite l'allocation d'une somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Néanmoins, elle ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle prétend avoir subi, étant souligné que l'action en justice est un droit dont l'usage n'est susceptible de dégénérer en faute que s'il constitue un acte de pure chicane inspiré par la malice ou la mauvaise foi ce qui en l'espèce, n'est pas démontré.

La méprise persistante sur l'étendue de ses droits et la crédulité ne peuvent en effet être assimilées à de la mauvaise foi.

La SA les 3 Suisses doit donc être déboutée de sa demande à ce titre ; le jugement devant être confirmé.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement en l'ensemble de ses dispositions, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Cuignet aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Masurel-Thery-Laurent, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.