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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 28 avril 2005, n° 04-03262

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Minniti

Défendeur :

Trois Suisses France (SCS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roussel

Conseillers :

Mmes Hirigoyen, Guieu

Avoués :

SCP Cocheme-Kraut, SCP Masurel-Thery-Laurent

Avocats :

Me Delobel-Briche, SCP Lebas Barbry, Associés

TGI Lille, du 16 avr. 2004

16 avril 2004

Vu le jugement du Tribunal de grande instance de Lille du 16 avril 2004 ayant condamné la société Trois Suisses France à remettre à Madame Minniti un chèque d'achat de 16 euro et débouté les parties de toutes autres demandes,

Vu l'appel relevé par Madame Minniti le 14 mai 2004,

Vu les dernières conclusions déposées pour l'appelante le 7 janvier 2005 tendant à voir, par réformation du jugement, vu les articles 1101 et suivants, 1371 et 1382 du Code civil,

A titre principal :

- constater l'engagement contractuel de la société Trois Suisses,

A titre subsidiaire :

- constater l'engagement volontaire de la société Trois Suisses,

A titre infiniment subsidiaire :

- dire que la société Trois Suisses a engagé sa responsabilité délictuelle envers Madame Minniti,

En tout état de cause :

- condamner la société Trois Suisses au paiement de la somme principale de 10 950 euro outre les intérêts légaux à compter de l'assignation et 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouter la société Trois Suisses de ses prétentions,

Vu les conclusions déposées pour la société Trois Suisses France demandant à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la délivrance du chèque de 16 euro,

- constater que la société Trois Suisses s'est exécutée par la remise de ce lot entre les mains de Madame Minniti,

- débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Madame Minniti à lui payer la somme de 800 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture du 25 janvier 2005 :

Rappel des données du litige :

La cour se trouve saisie du litige qui oppose Madame Minniti à la société Trois Suisses France à raison d'une loterie publicitaire organisée par cette société de vente par correspondance.

Ayant reçu au titre de sa participation audit jeu un bordereau d'attestation de gain dont elle soutient qu'il la désignait comme bénéficiaire d'une voiture ou d'un chèque d'un montant de 10 950 euro, Madame Minniti a fait assigner la société Trois Suisses en paiement de ladite somme.

Pour critiquer le jugement qui l'a déboutée de sa demande, Madame Minniti invoque l'engagement contractuel souscrit à son égard par la société Trois Suisses qui, selon elle, résulte de la correspondance transmise lui promettant personnellement et sans équivoque le gros lot sous la seule réserve qu'elle se manifeste par l'envoi de son bon de participation, le tirage étant déjà effectué, sauf à considérer que la société est obligée sur le fondement d'un quasi-contrat dès lors qu'en présence d'une annonce ne révélant aucun aléa, elle a cru en toute bonne foi le gain acquis.

En appui de son argumentation présentée à titre infiniment subsidiaire, elle dénonce la faute de la société Trois Suisses qui entretient volontairement de faux espoirs chez ses clients et l'a ainsi abusée, son préjudice étant constituée notamment par les frais d'auto-école qu'elle a exposés dans l'attente de son gain.

La société Trois Suisses conteste avoir pris un quelconque engagement sinon celui de remettre un chèque de 16 euro comme il ressort sans équivoque du document transmis sans mention nominative.

Elle observe qu'aucun des fondements invoqués n'est opérant et que Madame Minniti qui a été remplie de ses droits au titre de la loterie fait preuve de mauvaise foi.

Motifs :

L'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer.

En l'espèce, non seulement l'avis de gain adressé à Madame Minniti n'est pas personnalisé, le nom de la destinataire n'y figurant nulle part, mais à la lecture du document, celle-ci avait nécessairement connaissance de la nature aléatoire du jeu de loterie.

En effet, sous l'intitulé "Grand tirage chèque ou voiture - Tirage déjà effectué", le "bordereau d'attestation de gain" comporte un message ainsi libellé :

"Vous avez gagné - c'est sûr - un chèque ou une Peugeot 206 d'une valeur de 10 950 euro soit 71 827 F".

La mention manuscrite suivante figure en marge :

"Toutes mes félicitations ! C'est certain, vous avez gagné".

A la suite de ce message, on peut lire :

"Pour recevoir l'un des chèques mis en jeu quel qu'il soit et d'un montant minimum de 16 euro ou prendre livraison de votre nouvelle voiture, renvoyez ce document dans l'enveloppe retour ci-jointe...

Puis, en bas de page, on trouve un bon de participation à remplir par le destinataire qui "atteste avoir été désigné(e) gagnant(e) d'un prix un chèque* ou une voiture et souhaite le recevoir dans les plus brefs délais", l'astérisque faisant renvoi à cette précision "Inventaire des chèques mis en jeu au dos."

Le destinataire était donc assuré de gagner un chèque de 16 euro, l'attribution des chèques de montant supérieur et de la voiture étant, à l'évidence, soumise à un aléa étant observé que la société Les Trois Suisses justifie par le procès-verbal de constat de Maître Szypula, huissier de justice, en date du 11 juin 2003, de l'attribution des deux chèques de 152,45 euro et de la Peugeot 206 aux gagnants désignés par le tirage.

La demande s'avère ainsi mal fondée sur le terrain du quasi-contrat comme sur tout autre fondement.

Le jugement mérite donc confirmation sauf à donner acte à la société Trois Suisses de la remise à Madame Minniti du chèque de 16 euro en exécution du jugement.

Ne démontrant pas une faute de Madame Minniti de nature à faire dégénérer en abus son droit de recours, la société Trois Suisses doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

L'équité ne commande pas d'indemniser la société Trois Suisses de ses frais irrépétibles.

Au regard de la solution du litige, il n'y a pas lieu de faire application à Madame Minniti des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Donne acte à la société Trois Suisses France de ce qu'elle a remis à Madame Minniti le chèque de 16 euro en exécution du jugement entrepris ; Déboute les parties de toutes autres demandes ; Condamne Madame Minniti aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Masurel Thery Laurent, avoués associés, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.