CA Paris, 5e ch. A, 9 novembre 2005, n° 04-09221
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Baliston France (SARL)
Défendeur :
Gentil
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Lagourgue-Olivier, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocat :
Me Busato
Athlète de haut niveau dans la discipline du Taekwondo, Pascal Gentil a signé le 27 avril 1999 avec la société Baliston elle-même fabricant d'équipements sportifs destinés aux sports de combat, et pour une durée déterminée de deux ans, un contrat aux termes duquel la société s'engageait à fournir au sportif un certain nombre d'équipements et de moyens et à lui verser une rémunération annuelle de 10 000 F HT outre des primes en cas d'obtention de médaille aux Jeux Olympiques de Sydney, Pascal Gentil s'engageant en contrepartie à assurer la promotion de la marque Baliston en l'associant directement à son image à l'occasion de divers évènements et manifestations. Vainqueur de la Coupe du Monde à Lyon en avril 2000, Pascal Gentil a obtenu une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney en septembre 2000.
Reprochant à Pascal Gentil d'avoir unilatéralement résilié cette convention le 4 mai 2000 pour s'engager avec la société Européenne du Kimono Sofrakim exerçant des activités concurrentes, la société Baliston les a assignés devant le Tribunal grande instance de Créteil, en paiement solidaire de 1 000 000 euro de dommages intérêts.
Par jugement contradictoire du 17 février 2004, le tribunal saisi a :
- déclaré injustifiée la rupture du contrat du 27 avril 1999 intervenue à l'initiative de Pascal Gentil,
- mis la société Européenne du Kimono Sofrakim hors de cause,
- débouté la société Baliston France de toutes ses demandes,
- débouté Pascal Gentil de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société Baliston France à payer à la société Européenne du Kimono Sofrakim 1 000 euro pour ses frais irrépétibles, et aux dépens.
Régulièrement appelante à l'encontre de Pascal Gentil, la société Baliston France prie la cour, par conclusions déposées le 30 septembre 2004, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré injustifiée la rupture du contrat du 27 avril 1999 intervenue à l'initiative de Pascal Gentil,
- infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
- condamner Pascal Gentil à lui verser 1 000 000 euro de dommages intérêts, outre 8 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions enregistrées le 28 juillet 2005, Pascal Gentil, intimé, demande à la cour de
- donner acte aux parties de la résiliation intervenue à son initiative,
- la déclarer fondée,
- réformer en conséquence le jugement sur ce point,
- dire et juger que le préjudice allégué par la société Baliston n'est aucunement démontré,
- en conséquence, débouter la société Baliston de toutes ses prétentions à ce titre et confirmer le jugement déféré sur ce point,
- condamner la société Baliston à lui payer 1 000 euro pour ses frais irrépétibles et aux dépens.
Sur ce,
Sur la résiliation du contrat
Considérant qu'il résulte de l'article 1134 du Code civil qu'un contrat à durée déterminée doit être exécuté jusqu'à son terme, sa rupture unilatérale anticipée engageant la responsabilité de son auteur et l'exposant au versement de dommages intérêts ; que selon l'article 1184 du même Code, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfera pas à son engagement, et celui qui entend se prévaloir de cette inexécution ne peut résilier la convention, à ses risques et périls, qu'après une mise en demeure adressée à son cocontractant, restée infructueuse, d'exécuter ses obligations ;
Considérant que la convention conclue le 27 avril 1999 entre Pascal Gentil et la société Baliston pour une durée déterminée de deux ans à compter de sa signature, prévoit à son article 10 une obligation d'exclusivité consentie par l'athlète, qui " s'engage à ne conclure aucune autre convention similaire, tendant à la promotion d'une autre marque sportive, pendant la durée de la convention ", sans toutefois prévoir aucune clause résolutoire de plein droit ;
Considérant que si, par courrier du 2 mars 2000, Pascal Gentil indiquait à la société Baliston n'avoir pas obtenu, malgré un précédent courrier du 18 octobre 1999 non versé aux débats " les améliorations concrètes indispensables sur le matériel fourni, ni dans les délais, ni dans les quantités, ni dans la qualité adaptée à la compétition au plus haut niveau (...) ", ajoutait qu'il lui paraissait " désormais acquis que nous ne pouvons plus travailler ensemble car nos prestations réciproques ne sont plus au même niveau d'excellence (...) " et lui demandait " que nous cessions réciproquement et à l'amiable notre contrat (...) ", retournant fin mars 2000 à la société Baliston un chèque émis par cette dernière en raison de " la terminaison à l'amiable, le 16 avril 2000, de [leur] convention ", les termes particulièrement vagues du premier de ces deux courriers ne sauraient constituer une mise en demeure contenant une interpellation suffisante à l'autre partie d'exécuter ses obligations ; que l'absence de réponse de la société Baliston à ce souhait de " terminaison à l'amiable " n'a pu valoir renonciation de sa part aux engagements pris par son cocontractant, étant observé que le chèque qu'elle a adressé à l'appelant par courrier du 27 mars 2000, en exécution de leur convention, démontre précisément le contraire ; que la " disproportion " des engagements pris de part et d'autre, dénoncée par le conseil de l'appelant dans un courrier RAR du 4 mai 2000, n'est pas étayée ; qu'il suit que ce courrier, notifiant à la société Baliston la rupture du contrat, constitue une résiliation unilatérale de ce contrat aux torts exclusifs de Pascal Gentil ;
Sur le préjudice
Considérant que la société Baliston déclare que le préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat " est au moins égal au montant des rémunérations versées et au coût des équipements fournis ", et fait valoir qu'elle a été privée d'une publicité importante et flatteuse qu'aurait dû lui apporter la victoire remportée par l'athlète aux JO ;
Mais considérant que l'appelante ne produit aucun élément relatif à son activité commerciale, ni aucune pièce permettant de chiffrer le coût des équipements fournis à l'athlète ; qu'il est constant que l'intéressé lui a retourné ses versements à partir de la rupture de leurs relations ; que la société Baliston justifie toutefois, par les articles de presse et les photographies qu'elle produit, de ce que Pascal Gentil portait les couleurs d'un autre équipementier lors de la compétition olympique, ce fait qui constitue une violation caractérisée de la clause d'exclusivité, l'ayant à l'évidence privée des retombées médiatiques dont elle était en droit de bénéficier, au moins pour la période contractuelle de sept mois restant à courir ;
Que la cour, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, fixera à 25 000 euro le préjudice subi par l'intimée du fait de la rupture anticipée du contrat ;
Considérant qu'il convient d'infirmer partiellement le jugement ;
Qu'il est équitable que la société Baliston soit indemnisée de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, dans les conditions fixées ci-après ;
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, dans la limite des appels ; Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme ; Au fond, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Baliston de sa demande de dommages intérêts, a rejeté la demande de la société Baliston au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ; Et statuant à nouveau de ces seuls chefs ; Condamne Pascal Gentil à lui payer 25 000 euro de dommages-intérêts à la société Baliston ; Déboute Pascal Gentil de toutes ses demandes et la société Baliston du surplus des siennes ; Condamne Pascal Gentil à verser à la société Baliston 2 000 euro pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct pour la SCP Lagourgue-Olivier, avoués.