Cass. com., 12 juillet 2005, n° 04-13.272
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Allianz (Sté)
Défendeur :
Ratier-Figeac (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
LA COUR : - Attendu selon l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 26 janvier 2004), que, chargée en sous-traitance par la société Aérospatiale, devenue Eurocopter, de la révision du mât-rotor d'un hélicoptère "Alouette II", la société Ratier-Figeac (la société SRF) a mis en place par erreur un écrou destiné à un modèle "Alouette III", ce qui a causé la chute de l'appareil en cours de vol et le décès de ses occupants ; que le tribunal correctionnel a condamné trois salariés de la société SRF du chef d'homicides involontaires, puis statué sur les intérêts civils ; que l'assureur de cette société, la société Allianz marine et aviation France (la société Allianz), a poursuivi contre la société Eurocopter et l'assureur de celle-ci, le groupement d'intérêt économique La Réunion aérienne, le remboursement des indemnités versées par ses soins ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Allianz fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en retenant une faute de la société SRF, alors, selon le moyen : 1°) que la cour d'appel se réfère de manière imprécise au jugement rendu par le tribunal correctionnel le 1er février 1999, en sorte qu'il n'est pas possible de savoir si elle a entendu faire application des règles de la chose jugée ou si elle a entendu motiver sa propre décision par référence à celle du tribunal correctionnel ; qu'en ne précisant pas le fondement de la responsabilité qu'elle a retenue à l'encontre de la société SRF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu mettre en œuvre les règles de la chose jugée, elle ne pouvait le faire que dans la limite de ce qu'avait décidé le juge pénal, à savoir la condamnation pour homicide involontaire de trois des salariés de la société SRF ; qu'en se fondant sur l'autorité de chose jugée attachée à la décision pénale qui ne se prononçait pas sur la responsabilité de la société SRF pour imputer à cette dernière une faute civile, la cour d'appel aurait violé les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait entendu motiver sa propre décision par référence à celle du tribunal correctionnel rendue le 1er février 1999, elle aurait dû à tout le moins en reproduire les motifs dans sa propre décision ; qu'en se bornant à citer certaines pages de ce jugement sans en rappeler le contenu, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) qu'en toute hypothèse, si l'aléa peut engendrer la perte certaine d'une chance qui caractérise un préjudice réparable, le lien de causalité doit, dans tous les cas, être établi avec certitude, qu'en énonçant que les fautes reprochées à la société SRF avaient une forte probabilité d'éviter l'accident, les juges du fond n'ont pas caractérisé un lien de causalité certain entre ces fautes et le dommage, violant ainsi l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'infirmant le jugement qui avait retenu la faute prouvée de la société SRF, et décidant que cette dernière avait failli à son obligation contractuelle de résultat, la cour d'appel a par là même écarté les motifs des premiers juges, et caractérisé la faute contestée en constatant l'inexécution d'une obligation de cette nature ; que le moyen, qui s'attaque en ses trois premières branches à des motifs surabondants, et en sa quatrième à des motifs non adoptés, ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que pour écarter toute faute de la société Eurocopter, l'arrêt retient que les écrous destinés à l'Alouette II portaient une référence différente de ceux de l'Alouette III, certes peu lisible, mais qui n'aurait pas dû échapper à une entreprise spécialisée comme la société SRF ;
Attendu qu'en se bornant à examiner le comportement du sous-traitant, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la société Allianz, si le fabricant de l'appareil n'était pas en faute pour n'avoir pas mis en œuvre un dispositif propre à supprimer tout risque de confusion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a écarté toute faute de la société Eurocopter, l'arrêt rendu le 26 janvier 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie, quant à ce, devant la Cour d'appel de Versailles.