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Décisions

CJCE, 21 février 1984, n° 239-82

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Allied Corporation (Sté), Levy Morelle (ès qual.), Demufert (SA), Transcontinental Fertilizer Company (Sté), Kaiser Aluminium and Chemical Corporation (Sté)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Mes d'Hondt, Van der Mensbrugghe, Lebrun, Mahieu, Hooper, Bentley, Jacob

CJCE n° 239-82

21 février 1984

LA COUR

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 septembre 1982, la société de droit de l'état de New Jersey (USA) Allied corporation, établie à Morristown (ci-après Allied), la société anonyme de droit Belge Demufert, établie à Bruxelles, actuellement en état de faillite (ci-après Demufert), et la société de droit de l'état de Pennsylvanie (USA) Transcontinental Fertilizer Company, établie à Philadelphie (ci-après Transcontinental), ont introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation du règlement n° 1976-82 de la Commission, du 19 juillet 1982, instituant un droit 'antidumping' provisoire sur certaines importations d'engrais chimiques originaires des États-Unis d'Amérique (JO L 214, p. 7), et du règlement n° 2302-82 de la Commission, du 18 août 1982, modifiant le règlement précité (JO L 246, p. 5), pris en vertu du règlement n° 3017-79 du Conseil, du 20 décembre 1979, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de 'dumping' ou de subventions (JO L 339, p. 1), ainsi qu'à la condamnation de la Commission au paiement de dommages-intérêts.

2 Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 octobre 1982, la société de droit de l'état de Delaware (USA) Kaiser Aluminium and Chemical Corporation, établie à Wilmington (ci-après Kaiser), a introduit un recours ayant le même objet. Les recours ont été joints aux fins de la procédure et de l'arrêt par ordonnance du 15 décembre 1982.

Cadre réglementaire et objet des recours

3 Il y a lieu de rappeler qu'à la suite d'une plainte introduite par l'organisation représentative de l'industrie européenne des engrais azotes et phosphates, la Commission a ouvert, en 1980, une procédure d'enquête relative aux importations de certains engrais chimiques originaires des États-Unis d'Amérique et institue, par son règlement n° 2182-80 (JO L 212, p. 43), un droit antidumping provisoire sur les produits en question.

4 Par décision 81-35, du 9 février 1981 (JO L 39, p. 35), la Commission a accepté les engagements souscrits, dans le cadre de la procédure antidumping, par les requérantes Allied, Transcontinental et Kaiser, de relever leurs prix à un niveau suffisant pour éliminer les marges de dumping, établies à 6,5 % pour les deux premières nommées et à 5 % pour Kaiser. Par le règlement n° 349-81, du même jour (JO L 39, p. 4), le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur l'engrais composé d'urée et de nitrate d'ammonium en solution relevant de la sous-position ex 31.02 C du tarif douanier commun et correspondant au code Nimexe Ex 31.02-90, originaire des États-Unis d'Amérique, le taux de ce droit étant fixé à 6,5 % de la valeur en douane. Au vingt-troisième considérant de ce règlement, il est constaté que Allied, Kaiser et Transcontinental se sont engagées volontairement à relever leurs prix jusqu'à un niveau suffisant pour éliminer les marges de dumping et que la Commission a accepté ces engagements. En conséquence, l'article 2 du règlement déclare inapplicable le droit antidumping aux engrais exportés par certaines entreprises américaines, dont les sociétés Allied, Kaiser et Transcontinental.

5 Il apparait du dossier qu'à la suite de demandes de réexamen présentées, d'une part, par un 'important exportateur américain' et la société Demufert, d'autre part, par l'organisation représentative des industries européennes, la Commission a publié, le 16 juillet 1982, un avis de réexamen concernant le droit antidumping définitif institué sur les importations de certains engrais chimiques originaires des États-Unis d'Amérique (JO C 179, p. 4).

6 Allied et Transcontinental ayant résilié leurs engagements à la même époque, par lettres datées respectivement du 7 juin et du 2 juillet 1982, la Commission a, par le règlement n° 1976-82, institué un droit antidumping provisoire sur les engrais exportés par Allied et Transcontinental, au taux de 6,5 % de la valeur en douane. A la suite de la résiliation de l'engagement de Kaiser, par télex du 23 juillet 1982, la Commission a, par le règlement n° 2302-82, modifié le règlement précité de manière à confirmer la perception d'un droit antidumping de 6,5 % sur les exportations d'Allied et de Transcontinental et à fixer un droit de 5 % à charge des exportations de Kaiser. Ce sont ces deux règlements qui forment l'objet du litige.

Sur la recevabilité

7 La Commission soulève une exception d'irrecevabilité à l'encontre du recours introduit par la société Demufert. Elle fait valoir que cette requérante, en sa qualité d'importatrice indépendante, n'est pas recevable, compte tenu des dispositions de l'article 173, alinéa 2, du traité, à demander l'annulation des deux actes réglementaires dont la validité est contestée. Selon la Commission, l'imposition du droit antidumping résultant des règlements litigieux - qui, pour leur part, ne seraient qu'un complément du règlement n° 349-81 instituant un droit antidumping définitif - ne concernent Demufert qu'en raison de sa qualité objective d'importateur. Comme telle, conformément à la jurisprudence constante de la Cour (voir, en dernier lieu, l'arrêt du 6.10.1982, Alusuisse Italia, affaire 307-81 Recueil p. 3463, alinéa 9), cette requérante ne serait donc pas concernée directement et individuellement, ainsi qu'il est exigé par l'article 173, alinéa 2.

8 Pour les autres requérantes, la Commission se borne à émettre des doutes en ce qui concerne la recevabilité des recours. D'une part, elle admet le fait que les entreprises en question sont très spécifiquement visées tant dans le règlement n° 349-81 que dans les règlements attaqués, pris à la suite de la résiliation d'engagements qu'elles avaient individuellement contractés ; elle admet aussi qu'en tant que producteurs et exportateurs, ces entreprises ne sont pas assurées de trouver une protection judiciaire dans les États membres de la communauté, seul le fait de l'importation donnant lieu à la perception du droit antidumping, de manière que les requérantes ne pourraient introduire un recours que par l'intermédiaire des importateurs de leurs produits. D'autre part, la Commission retient cependant que les règlements contestés n'ont pas d'autre effet que de placer les requérantes, à la suite de la résiliation de leurs engagements, sous le régime General du règlement n° 349-81, dont le caractère réglementaire serait incontestable en ce qu'il concerne toutes les importations du produit en cause originaires des États-Unis d'Amérique. Du point de vue de l'économie des voies de recours, il serait indésirable d'ouvrir une voie de droit parallèle aux recours éventuellement introduits devant les juridictions nationales contre la perception du droit antidumping à la suite de plaintes d'importateurs. Enfin, la Commission attire l'attention sur les conséquences 'inhabituelles' qu'entrainerait l'admission des recours, puisqu'une telle manière d'agir aurait pour effet de reconnaitre aux mesures antidumping un double caractère, les mêmes actes étant à qualifier de 'décisions' à l'égard de certaines entreprises et de 'règlements' à l'égard de toutes les autres.

9 Au cours de la procédure orale, la Commission, après avoir, encore une fois, marqué son opposition à la recevabilité de la requête de Demufert, a fait connaitre qu'en fin de compte, elle penchait en faveur de la recevabilité du recours direct pour les entreprises des pays tiers et, en tout cas, pour les entreprises requérantes au motif qu'elles ont été expressément mentionnées dans la motivation et dans les dispositions des actes litigieux. La Commission estime qu'une telle façon d'agir aurait un effet favorable sur les intérêts des entreprises de la communauté dans les pays tiers en cas de procédures antidumping à leur égard, spécialement aux États-Unis d'Amérique, où les voies de recours seraient largement ouvertes aux entreprises des pays tiers. La Commission estime que, dans un souci de réciprocité, il conviendrait de reconnaitre des garanties semblables dans le cadre du système juridictionnel de la communauté.

10 Les questions de recevabilité soulevées par la Commission doivent être résolues à la lumière du système institué par le règlement n° 3017-79 et, plus particulièrement, de la nature des mesures antidumping prévues par celui-ci, au regard des dispositions de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE.

11 Aux termes de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 3017-79, 'les droits antidumping ou compensateurs, qu'ils soient applicables à titre provisoire ou définitif, sont institués par voie de règlement'. S'il est vrai qu'au regard des critères de l'article 173, alinéa 2, ces mesures ont effectivement, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'elles s'appliquent à la généralité des operateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions concernent directement et individuellement ceux des producteurs et exportateurs auxquels sont imputées les pratiques de dumping. En effet, il résulte de l'article 2 du règlement n° 3017-79 que les droits antidumping ne peuvent être institués qu'en fonction de constatations résultant d'enquêtes sur les prix de production et les prix d'exportation d'entreprises individualisées.

12 Il apparait ainsi que les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner directement et individuellement celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil où concernées par les enquêtes préparatoires.

13 Ainsi que la Commission l'a exposé avec raison, la reconnaissance d'un droit de recours à des entreprises ainsi qualifiées, conformément aux principes de l'article 173, alinéa 2, ne risque pas de créer des doubles emplois en matière de voies de recours, étant donné qu'un recours devant les juridictions nationales n'est ouvert qu'à la suite de la perception du droit antidumping, acquitte normalement par un importateur résidant dans la communauté. Une contrariété de décisions n'est pas à craindre en cette matière, étant donné qu'en vertu du mécanisme des recours préjudiciels de l'article 177 du traité CEE, la Cour de justice seule est appelé à se prononcer de manière finale sur la validité des actes réglementaires contestés.

14 Il s'ensuit que les recours introduits par Allied, Kaiser et Transcontinental sont recevables. En effet, ces trois entreprises ont pris un engagement en vertu de l'article 10 du règlement n° 3017-79, elles ont été, à ce titre, visées individuellement par l'article 2 du règlement n° 349-81 et, à la suite de la résiliation de leurs engagements, leur situation particulière a fait l'objet des deux règlements contestés par le recours.

15 Par contre, la situation est différente pour ce qui est de la société Demufert, en ce qu'il s'agit d'un importateur établi dans l'un des États membres, qui ne se trouve visé par aucun des actes sujets à recours. Comme tel, cette requérante n'est donc concernée par les effets des règlements litigieux qu'en tant qu'elle relève, objectivement, du champ d'application des normes fixées par ceux-ci. La circonstance, non contestée, que Demufert a agi, en fait, comme agent d'importation des produits de la société Allied ne modifie pas cette conclusion. En effet, à la différence de la situation envisagée par la Cour dans son arrêt du 29 mars 1979 (NTN Toyo Bearing Company Ltd E.A., affaire 113-77, Recueil p. 1185, attendu 9), l'existence du dumping a été établie, en l'occurrence, ainsi qu'il est indiqué au dixième considérant du règlement n° 349-81, en fonction du prix d'exportation des producteurs américains et non en fonction du prix de revente pratiqué par les importateurs européens, de manière que la société Demufert, à la différence des producteurs et exportateurs, n'a pas été concernée directement par les constatations relatives à l'existence d'une pratique de dumping. Il y a lieu de relever que, dans la mesure où elle a été astreinte au paiement de droits antidumping, la requérante dispose d'une voie de recours devant la juridiction nationale compétente dans le cadre de laquelle elle peut faire valoir ses moyens à l'encontre de la validité des règlements litigieux.

16 Il en résulte que le recours de Demufert doit être déclaré irrecevable.

Sur le fond

17 Les requérantes font valoir deux ordres de moyens pour contester la validité des règlements qui ont soumis l'importation de leurs produits à des droits antidumping. D'une part, elles estiment que les règlements contestés manquent de motivation à divers égards. D'autre part, elles considèrent que la Commission a omis de prendre en considération le fait que, depuis l'institution des droits antidumping par le règlement n° 349-81, la situation aurait changé sous différents aspects et que la Commission aurait donc admis à tort la persistance d'un effet de dumping.

Quant au moyen tiré d'un manque de motivation

18 Les requérantes font valoir qu'à la suite de la résiliation, par elles, de leurs engagements, la Commission aurait fixé à leur charge, par les règlements n° 1976-82 et 2302-82, un droit antidumping sur base d'une motivation purement formelle, sans s'être livrée à une nouvelle enquête pour établir que la perception de ce droit était justifiée à leur égard. Elles relèvent en particulier que, dans le préambule du règlement n° 2302-82, la Commission déclare que les produits de la société Kaiser, importés après la résiliation de son engagement, l'auraient 'vraisemblablement ' été à des prix inferieurs à ceux convenus dans l'engagement et fixés, par conséquent, à des niveaux de dumping.

19 Cette contestation doit être appréciée à la lumière des exigences formulées par l'article 10, paragraphe 6, du règlement n° 3017-79, dont il convient de rappeler le texte :

'Lorsqu'un engagement a été dénoncé ou lorsque la Commission a des raisons de croire qu'il a été violé et qu'une nouvelle enquêtes s'impose, elle informe sans délai les États membres et rouvre la procédure. En outre, lorsque les intérêts de la communauté appellent une telle action, elle applique, au besoin, immédiatement des mesures provisoires en utilisant les informations disponibles'.

20 Cette disposition doit être interprétée à la lumière du quinzième alinéa du préambule, aux termes duquel 'il est nécessaire que le processus de décision de la communauté permette une action rapide et efficace, notamment au moyen de mesures arrêtées par la Commission, telles que l'imposition de droits provisoires'.

21 Il résulte de la disposition citée qu'au cas où un engagement a été dénoncer, la Commission doit appliquer, dans les plus brefs délais, des mesures provisoires lorsqu'elle estime une telle action commandée par les intérêts de la communauté. En précisant que de telles mesures sont instituées par la Commission 'en utilisant les informations disponibles', le règlement donne à reconnaitre qu'une nouvelle enquête n'est pas demandée à la Commission, mais que celle-ci doit normalement statuer en fonction des données recueillies à l'époque où ont été souscrits les engagements qui ont été, entre-temps, résiliés. La souscription même d'un engagement permettant de supposer l'existence effective d'un dumping, on ne saurait exiger de la Commission l'ouverture d'une nouvelle enquête au moment où un tel engagement est résilié. Dans une telle situation, l'extension, aux entreprises en cause, des dispositions qui leur auraient été applicables en dehors de tout engagement apparait comme l'action normale de la Commission.

22 Si une entreprise, au moment de résilier son engagement, estime qu'il existe des raisons de reconsidérer sa situation et de l'exempter de la perception de tout droit antidumping malgré la résiliation, il lui appartient de soumettre à la Commission les éléments de conviction appropriés.

23 Or, il n'apparait pas du dossier qu'à cette époque, les requérantes aient apporté des preuves nouvelles à la Commission. On ne saurait, dès lors, reprocher à celle-ci d'avoir pris en considération les intérêts de la communauté et réapprécié sommairement la situation lorsqu'elle a étendu aux requérantes les droits antidumping tels qu'ils apparaissent justifiés au cours de l'enquêté qui est à l'origine du règlement n° 349-81.

24 Quant à l'utilisation du terme 'vraisemblablement' dans le préambule du règlement n° 2302-81 à l'égard de la société Kaiser, il suffit de faire remarquer que, s'agissant d'un droit provisoire, la Commission pouvait, compte tenu des faits établis antérieurement, se contenter de prendre en considération la possibilité d'importations pour établir un droit correspondant à la marge de dumping antérieurement établie, en vue d'empêcher des ventes à des prix anormalement bas.

25 Il en résulte que ces moyens doivent être rejetés.

Quant aux faits nouveaux mis en avant par les requérantes

26 Les requérantes font valoir que postérieurement au règlement n° 349-81 seraient intervenus un certain nombre de faits nouveaux que la Commission aurait omis de prendre en considération lorsqu'elle a arrêté les mesures litigieuses. Elles font état, à ce sujet, de trois ordres de circonstances :

A) Un ensemble de décisions prises, le 7 décembre 1981, par le ministre français de l'Économie et des Finances, à la suite d'un avis de la Commission de la concurrence relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de la production et de la commercialisation des engrais (Bulletin officiel de la Concurrence et de la Consommation, n° 23, du 12 décembre 1981), dont il résulterait qu'il existait, à l'époques considérée, une entente en matière de prix sur le marché français des engrais. Au surplus, la requérante Kaiser invoque les mesures de blocage de prix prises le 14 juin 1982 par le Gouvernement français. Les requérantes estiment que, dans ces conditions, les prix de vente des engrais sur le marché français auraient été fausses, de manière qu'il ne serait plus possible d'établir l'existence d'un effet de dumping ;

B) L'appréciation constante du dollar sur le marché des changes, qui aurait entrainé un renchérissement continu des importations américaines sur le marché européen ;

C) Le fléchissement, à l'époque considérée, des importations d'engrais liquides sur le marché européen. La société Kaiser, en particulier, fait remarquer que ses importations auraient totalement cessé.

27 Cette argumentation appelle une première observation de caractère général. Selon l'article 2 du règlement n° 3017-79, l'existence d'une marge de dumping s'établit au moyen d'une comparaison entre le prix à l'exportation vers la communauté et la 'valeur normale' du produit en cause, c'est-à-dire, en premier lieu, le prix payé pour le produit similaire destiné à la consommation dans le pays d'origine. Les requérantes n'ont apporté aucun élément qui permettrait de penser que la marge de dumping, ainsi définie, aurait subi des variations depuis la mise en vigueur du droit antidumping définitif par le règlement n° 349-81. En particulier, il y a lieu de faire remarquer que, tous les prix servant à calculer la marge de dumping étant, en l'espèce, exprimés en dollars, les fluctuations de cette monnaie par rapport aux monnaies européennes sont sans influence sur la détermination de la marge de dumping. Il apparait ainsi que les 'faits nouveau' mis en avant par les requérantes ne peuvent avoir un intérêt que pour la détermination du 'préjudice', au sens de l'article 4 du règlement n° 3017-79, cause aux producteurs européens.

28 En ce qui concerne les mesures prises par le Gouvernement français, la Commission a apporté des arguments convaincants pour démontrer qu'elles ont été sans influence décisive pour l'appréciation de l'existence d'un préjudice pour l'industrie européenne. Sans contester le fait que le marché français constitue le débouche le plus important pour les importations en question dans la communauté, la Commission fait valoir qu'elle a établi l'existence d'un préjudice à la suite d'investigations indépendantes de celles des autorités françaises. Elle relève que les avis de la Commission de la concurrence et les décisions corrélatives du ministre français de l'Économie et des Finances concernent l'ensemble du marché des engrais, et non le marché spécifique sur lequel l'effet du dumping a été constaté, et qu'elles se rapportent à une période temporelle qui ne coïncide que partiellement avec la période sur laquelle ont porté les investigations qui sont à l'origine des mesures contestées.

29 Quant à la hausse du cours du dollar et à l'évolution des importations, la Commission attire l'attention sur le fait que, s'il est vrai que le volume des importations d'engrais azotes en solution d'origine américaine dans la communauté à fléchi en 1981-1982, les importations ont connu un accroissement considérable au cours du premier trimestre de 1982, malgré le renchérissement du dollar. Il faut en déduire que ce facteur n'as pas eu pour effet de neutraliser le préjudice causé aux producteurs européens.

30 Les arguments mis en avant par les requérantes ne sont pas de nature à établir que la Commission aurait commis des erreurs manifestes dans l'appréciation de l'existence, pour l'industrie européenne, d'un préjudice à la suite de la pratique de dumping, établi sur base des critères fixés par l'article 2 du règlement n° 3017-79. L'examen des faits allégués par les requérantes permet donc de conclure que la Commission pouvait considérer à bon droit qu'à la suite de la dénonciation des engagements des requérantes, l'intérêt de la communauté exigeait des mesures provisoires immédiates, en vue d'éviter un préjudice aux producteurs de la communauté.

31 Ces moyens doivent donc être également rejetés.

32 Il apparait de tout ce qui précède que le recours des requérantes Allied, Transcontinental et Kaiser doit être rejeté comme non fondé. Par voie de conséquence, les recours en indemnité, liés au recours en annulation, sont dépourvus d'objet et doivent être également rejetés.

Sur les dépens

33 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Déclare et arrête :

1) les recours sont rejetés comme irrecevable en ce qui concerne le requérant M. Michel Levy Morelle, agissant en sa qualité de curateur de la faillite de la société Demufert, et comme non fondés en ce qui concerne les sociétés Allied corporation, Transcontinental Fertilizer Company et Kaiser Aluminium and Chemical Corporation.

2) les requérantes sont condamnées aux dépens.