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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 8 septembre 2005, n° 02-02398

NANCY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Biotonic (SA)

Défendeur :

Marin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Merle

Conseillers :

MM. Magnin, Ruff

Avoués :

SCP Chardon-Navrez, SCP Merlinge Bach-Wassermann

Avocat :

me Reichert-Ripplinger

TI Saint-Dié, 23 juill. 2002

23 juillet 2002

Faits et procédure

Par acte en date du 23 juillet 2001, M. Patrick Marin assignait la SA Biotonic devant le Tribunal d'instance de Saint-Dié-des-Vosges afin que cette juridiction condamne la défenderesse à lui payer une somme de 48 000 F à titre de dommages et intérêts sur la base de l'article 1382 du Code civil.

Au soutien de son action en responsabilité, le demandeur faisait valoir que la partie adverse avait faussement fait croire à Mme Patrick Marin qu'elle gagnerait sur simple demande de sa part un capital de 100 000 F et qu'une telle manière de procéder était constitutive d'une faute de nature quasi-délictuelle ; que sa déception ayant été très grande une fois qu'il avait appris que l'allocation de la somme de 100 000 F n'était nullement automatique et que de ce fait le gain escompté ne lui avait pas été procuré, il pouvait légitimement solliciter des dommages et intérêts conséquents en réparation de son préjudice moral.

Par jugement en date du 23 juillet 2002, le tribunal donnait partiellement gain de cause à M. Marin en considérant que même s'il avait fait l'erreur de ne pas lire in extenso les documents publicitaires que la SA Biotonic avait envoyés à son foyer, le demandeur à l'action ne devait pas être débouté des fins de ses prétentions ; qu'en effet, la SA Biotonic avait adressé au ménage Marin des documents volontairement ambigus. Tenant compte tant du défaut d'attention de M. Marin à la "littérature" qui lui était adressée par des agissements dolosifs de la SA Biotonic, le tribunal condamnait cette dernière à payer à son adversaire la somme de 1 525 euro à titre de dommages et intérêts.

La SA Biotonic a régulièrement relevé appel de la décision résumée ci-dessus dont elle sollicite l'infirmation totale par conclusions enregistrées au greffe le 6 janvier 2004.

Au soutien de son recours, l'appelante expose que le ménage Marin était destinataire d'un courrier comportant un jeu publicitaire dont les règles étaient parfaitement claires ; que jamais elle n'avait pris l'engagement ferme de remettre à Mme Patrick Marin, et a fortiori à M. Marin, la somme de 100 000 F ; que le rejet des demandes émises par la partie adverse s'impose donc.

M. Marin a conclu en ce qui le concerne à la confirmation du jugement entrepris en son principe. Dans ses écritures du 18 septembre 2003, l'intimé indique qu'il pouvait légitimement croire que sa femme bénéficierait à coup sûr de l'allocation de la somme de 100 000 F et que dans ces conditions des dommages et intérêts lui ont été justement accordés par le premier juge ; que le montant de ceux-ci aurait dû néanmoins être fixé à la somme de 7 300 euro ainsi qu'il le mentionnait à la barre de la juridiction d'instance par référence aux écrites de son conseil ; que la SA Biotonic doit donc être condamnée par voie d'appel incident à lui payer la somme considérée.

Sur quoi,

Vu le dossier et les pièces régulièrement versées aux débats.

Attendu que les appels dont la cour est saisie sont recevables et réguliers en la forme;

Attendu que comme l'a justement indiqué le premier juge dans la décision critiquée par les parties, il ne fait aucun doute que s'il avait pris la peine de lire la documentation qu'il recevait M. Marin n'aurait pu se méprendre sur sa nature, qui était celle d'un simple jeu publicitaire destiné à faciliter la commercialisation des produits de la SA Biotonic;

Qu'a priori, M. Marin doit donc être considéré comme l'artisan de son dommage puisque s'étant bercé d'illusions qu'il eût pu dissiper avec un minimum d'attention;

Et attendu que de l'avis de la cour les termes employés par la SA Biotonic dans le cadre de son jeu publicitaire n'étaient pas non plus de nature à induire en erreur un consommateur moyen sur les "promesses" dont il se voyait gratifié;

Qu'au vu des documents qu'il recevait, M. Marin aurait pu ou dû se douter que l'allocation à Mme Marin d'une somme de 100 000 F ne serait nullement automatique et revêtait de ce fait un caractère aléatoire;

Attendu dès lors qu'il ne saurait être question d'imputer à la SA Biotonic une quelconque faute susceptible d'être venue en concours avec l'imprudence de la victime pour générer le préjudice moral dont celle- ci se prévaut;

Que le tribunal ayant donc eu tort de condamner l'appelante principale à payer à son adversaire des dommages et intérêts, il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de rejeter les prétentions émises par M. Marin à l'encontre de la partie adverse;

Attendu que la partie qui succombe a la charge des dépens;

Attendu qu'en envoyant aux consommateurs sa publicité la SA Biotonic s'exposait toutefois au risque de procédures judiciaires engagées par des personnes trop crédules;

Que dans ces conditions l'équité ne commande l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de personne;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit la société Biotonic et M. Patrick Marin en leur appel du jugement prononcé le 23 juillet 2002 par le Tribunal d'instance de Saint Dié des Vosges, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Rejette les prétentions émises par M. Patrick Marin à l'encontre de la SA Biotonic. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en la cause. Condamne M. Patrick Marin au paiement des dépens d'appel et Autorise la SCP d'avoués Chardon & Navrez à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.