CA Bordeaux, 3e ch. corr., 3 juin 2005, n° 04-01234
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Miori
Conseiller :
M. Louiset
Avocat :
Me Pastor
Rappel de la procédure
Par actes en date du 12 juillet 2004 reçus au Secrétariat-Greffe du Tribunal de grande instance de Bordeaux, le prévenu X Jean-Pierre et le Ministère public ont relevé appel d'un jugement contradictoire, rendu par ledit Tribunal le 9 juillet 2004, à l'encontre de X Jean-Pierre poursuivi comme prévenu d'avoir à Bordeaux, sur notre ressort juridictionnel, courant décembre 2002 et notamment le 16 décembre 2002 et depuis temps n'emportant pas prescription, réalisé des opérations de vente accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant par une réduction des prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock, opérations s'assimilant à des soldes en dehors des périodes préfectorales autorisées en Gironde du 8 janvier 2003 au 18 février 2003.
Infraction prévue par les articles L. 310-5 AL.1 3, L. 310-3 §1 du Code de commerce, l'article 11 du Décret 96-1097 du 16/12/1996 et réprimée par l'article L. 310-5 du Code de commerce.
LE TRIBUNAL
A déclaré le prévenu coupable des faits reprochés ; en répression l'a condamné à une peine d'amende de 4 000 euro.
Sur ces appels et selon citation de Monsieur le Procureur Général, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 18 mars 2005, la cour étant composée de Monsieur Miori, Président, Monsieur Louiset, Conseiller et Monsieur Guillout, Vice-Président placé, assistée de Mademoiselle Pages, Greffier.
A ladite audience, le prévenu n 'a pas comparu mais a été régulièrement représenté par son conseil;
Monsieur Guillout, Vice-Président placé, a fait le rapport oral de l'affaire ;
Monsieur le Substitut de Monsieur le Procureur Général a été entendu en ses réquisitions;
Maître Pastor, Avocat, a présenté les moyens d'appel et de défense du prévenu et pour lui a eu la parole le dernier;
Sur quoi,
Le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise en délibéré à l'audience publique du 3 juin 2005.
A ladite audience, Monsieur Le Président a donné lecture de la décision suivante en application des articles 485 et 486 du Code de procédure pénale:
Attendu que l'appel principal interjeté par Jean-Pierre X selon déclaration du 12 juillet 2004, suivi le même jour de l'appel incident du Ministère Public, d'un jugement contradictoire prononcé le 9 juillet 2004 par le Tribunal correctionnel de Bordeaux, sont réguliers en la forme et exercés dans le délai de la loi ; que Monsieur X n'a pas comparu mais a été régulièrement représenté par son avocat qui a déposé des conclusions de relaxe en soutenant que les éléments constitutifs de l'infraction prévus par l'article L. 310-3 du Code de commerce ne sont pas réunis ; que Le Ministère public a requis la confirmation du jugement entrepris;
Sur quoi,
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et du débat que Monsieur X est prévenu d'avoir à Bordeaux, courant du mois de décembre 2002, et notamment le 16 décembre 2002, réalisé des opérations de vente accompagnées ou précédées de publicité et annonces comme tendant par une réduction des prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock, opérations s'assimilant à des soldes en dehors des périodes préfectorales autorisées en Gironde, du 8 janvier 2003 au 18 février 2003;
Attendu que les poursuites ont été engagées sur le fondement de l'article L. 310-3-1 du Code de commerce à la suite du procès-verbal établi le 16 décembre 2002 à 15 heures par un inspecteur des services déconcentrés de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui s'est rendu dans la boutique de prêt-à-porter féminin " Anne d'Alban ", sise 6 rue du Temple à Bordeaux, et exploitée par la SARL Intuitions dont Monsieur X est le gérant, après qu'un concurrent eut porté à la connaissance de l'administration la diffusion de cartons d'invitation concernant les boutiques " Anne d'Alban " et " Bazar De Lacroix ", en dénonçant le préjudice commercial consécutif à cette opération de soldes déguisées;
Attendu que cet inspecteur a constaté que le chiffre d'affaires du magasin " Bazar De Lacroix " s'est accru de façon substantielle au cours de la semaine du 12 au 22 décembre 2002, en comparaison de celui réalisé la semaine précédente alors que l'opération commerciale mise en place par les deux boutiques se caractérisait par une vente précédée de publicité avec l'envoi de 2 318 cartons d'invitation à l'effet d'annoncer l'opération ; que de même, le procès-verbal énonce que les arguments publicitaires utilisés sont sans équivoque quant à l'intention de réaliser un écoulement accéléré du stock comparable à celui des soldes d'hiver avant la date retenue par le département de la Gironde, soit le 8 janvier 2003 selon l'arrêté préfectoral du 23 décembre 2002;
Attendu que pour contester l'infraction, Monsieur X dans sa déclaration du 16 décembre à l'inspecteur verbalisateur et à l'occasion de son audition par la police le 17 octobre 2003, a soutenu qu'il ne s'agissait pas de solde mais d'une remise à la clientèle privilégiée sur présentation du carton à l'effet de relancer les ventes, avec des retombées minimes, dès lors que seulement 10 % de la clientèle est en possession d'un carton d'invitation, outre un rabais pratiqué de 30 % inférieur à celui de 50 % pratiqué à l'occasion des soldes ; que dans les conclusions développées à l'audience, il est invoqué l'absence des trois éléments matériels de l'infraction exigés sous la forme d'une publicité, d'une réduction de prix et de la volonté de poursuivre un écoulement accéléré des marchandises en stock;
Attendu que de même Monsieur X conteste l'élément intentionnel de l'infraction en faisant valoir que la pratique d'opérations dites promotionnelles est courante dans le commerce bordelais et que le principe reste la liberté des prix et du commerce;
Attendu que l'examen des deux séries de cartes de publicités, adressées respectivement par la boutique " Anne d'Alban " (1 800 cartons) et " Bazar De Lacroix " (700 cartons) permet de constater que les destinataires sont invités à profiter, sur présentation du carton, à une offre exceptionnelle sous la forme d'une remise de 30 %, avant les soldes officielles, sur les collections prêt à porter et chaussures;
Attendu que l'envoi de ces cartons, y compris à une clientèle ciblée, constitue une publicité au sens de l'article L. 310-3 1 précité ; qu'en outre, cette publicité, alors que la société s'est abstenue d'employer le mot solde en raison des dates fixées par l'arrêté préfectoral et qu'un commerçant ne peut ignorer, a pour effet de suggérer aux consommateurs une opération d'écoulement accéléré du stock prédéterminé et non renouvelable de marchandise par l'effet d'une réduction importante du prix, peu important que cette réduction soit inférieure à celle pratiquée lors des soldes, et qui prive, dès lors, de légitimité l'envoi de cartes de fidélité dans le cadre d'une opération promotionnelle comme le soutient Monsieur X;
Attendu qu'en conséquence c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré coupable ce dernier des faits de la prévention et, par une juste appréciation des faits de la cause l'ont condamné à une peine d'amende de 4 000 euro.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare les appels recevables, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt euro dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code général des impôts.