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Décisions

CA Riom, ch. com., 16 mars 2005, n° 04-01121

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Point de Suspension (SARL)

Défendeur :

Chambre syndicale des commerces de l'habillement textiles nouveautés accessoires du Puy-de-Dôme et Région

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Despierres

Conseillers :

M. Fossier, Mme Gendre

Avoués :

Me Rahon, Mottet

Avocats :

Mes Benazerah, Dumont-Vayssade, Grange, Selarl Roesch Franck Cretier

TGI Clermont-Ferrand, du 17 mars 2004

17 mars 2004

La Chambre syndicale des commerces de l'habillement textiles nouveautés accessoires du Puy-de-Dôme et Région a assigné la SARL Point de Suspension devant le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand par acte du 12 février 2003, pour voir juger que des agissements de cette dernière constituaient une opération de soldes déguisée postérieure à la période légale déterminée par arrêté préfectoral.

La chambre syndicale demandait en réparation la condamnation de la comprise à lui payer une somme de 15 245 euro ainsi que 762,25 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 17 mars 2004, dont la SARL Point de Suspension est appelante, le tribunal a fait droit à la demande, constaté que l'opération était bien une opération de soldes, fait droit à la demande de dommages et intérêts et condamné la SARL Point de Suspension à payer à la Chambre syndicale une indemnité de 762 euro.

Le tribunal a ordonné l'exécution provisoire.

La SARL Point de Suspension conteste avoir opéré des soldes ; en effet une opération de soldes nécessite que soient remplies trois conditions:

- un objectif (écoulement des stocks)

- un support (publicité)

- un moyen (réduction du prix);

En l'espèce il n'y a pas eu de publicité;

Concernant les réductions de prix, 4 affichettes avaient été oubliées en vitrine, l'huissier n'a même pas cru bon de rentrer dans le magasin pour vérifier ce qu'il en était à l'intérieur et il n'a pas vu le mot "soldes" dans la vitrine;

L'huissier n'a pas constaté une accélération et une volonté d'écouler le stock;

Il s'est rendu sur les lieux le 21 février alors que selon ses dires les soldes se terminaient le 21; il était normal que les prix barrés figurent sur les articles cependant il dit s'être rendu à nouveau les 22 et 23 février et rien ne permet de vérifier si les photos ont bien été prises à ces deux dernières dates. Les photos ont été prises quand le magasin était fermé.

Enfin le magasin a deux façades et l'huissier ne s'est rendu que sur une seule, il a constaté que seule une partie de prix était barrée.

Le tribunal a totalement occulté le journal de caisse qui établit qu'ont eu lieu seulement deux ventes avec remises.

Subsidiairement l'assignation a été délivrée deux ans plus tard et cette assignation tardive montre bien le peu d'éléments qu'a la chambre syndicale à l'encontre de la SARL Point de Suspension; en conséquence les dommages et intérêts devront être réduits à leur plus simple expression.

La SARL Point de Suspension sollicite 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La chambre syndicale rappelle que les opérations de promotion sont licites et peuvent avoir lieu toute l'année si elles ne sont pas assimilables à des soldes; en l'espèce l'opération litigieuse réalisée quelques jours après la fin des soldes est une opération de soldes déguisée; en effet les articles visés étaient de la gamme automne-hiver, les articles étaient accompagnés de publicité par affichettes qui annonçaient une réduction de prix; il s'agissait bien d'écouler les articles de la gamme automne-hiver;

Les agissements ainsi relevés portent atteinte au jeu normal de la concurrence et causent un préjudice aux commerçants respectueux de la légalité; la condamnation à des dommages et intérêts est donc parfaitement justifiée et il convient d'octroyer une somme complémentaire de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du 2 décembre 2004.

Sur quoi, LA COUR,

Attendu que les faits reposent sur le constat de Maître Dantil, huissier de justice;

Attendu que celui-ci a constaté le dernier jour des soldes soit le 21 février 2001 que l'une des vitrines comportait des articles dont la quasi-totalité était à prix barrés, notamment : sac 345 au lieu de 690, pantalon 455 au lieu de 910, pull 295 au lieu de 590, manteaux 6 195 au lieu de 13 390, qu'ainsi ces articles étaient présentés avec des prix barrés à 50 % de leur prix d'origine;

Attendu qu'il a constaté une situation inchangée les 22 et 23 février;

Attendu d'autre part que les photographies montrent que les étiquettes sont de toute évidence apposées sur des articles d'hiver;

Attendu qu'il est sans importance que les photographies aient été prises le 21, le 22 ou le 23 février puisque l'huissier a constaté les 22 et 23 que la situation était inchangée, que dès lors cette mention portée par un huissier de justice dont il convient de rappeler qu'il est assermenté, prouve que les articles d'hiver dans la vitrine photographiée étaient toujours à prix réduit les deux jours suivant la clôture des soldes;

Attendu que de même il est sans intérêt que les photographies aient été prises alors que le magasin était fermé;

Attendu de même que le fait que l'huissier ait photographié seulement une des vitrines n'a pas d'intérêt, les autres vitrines pouvant présenter la nouvelle collection, qu'au demeurant le fait qu'une partie des articles soit vendue à prix réduit suffit à caractériser l'opération de soldes;

Attendu qu'en l'espèce le constat d'huissier établit que des affichettes sont restées sur des vêtements de la saison écoulée vendus à moitié prix, que cet affichage de dernier jour des soldes se poursuivant au-delà établit que l'opération a duré au-delà de la durée autorisée, qu'il s'agit en fait de la même opération de soldes, et donc dans le but d'achever l'écoulement du stock;

Attendu qu'à cet égard le journal de caisse, au demeurant pratiquement illisible, versé aux débats n'a aucun intérêt puisque ce qui caractérise l'opération, c'est l'objectif, ainsi que le rappelle parfaitement la SARL Point de Suspension dans ses conclusions, et non le fait que des articles aient été ou non vendus, les ventes ayant pu d'autre part porter largement sur les articles de la nouvelle collection;

Attendu d'autre part que la condition de publicité est parfaitement remplie puisque les étiquettes de rabais figurent sur des articles en vitrine et donc visibles, qu'à cet égard la SARL Point de Suspension ne peut se fonder sur le fait que le mot "soldes" ne figurait pas, puisque par hypothèse il s'agit de soldes déguisées ;

Attendu ainsi que les faits relevés par l'huissier caractérisent la volonté d'écoulement du stock par le moyen des rabais, annoncés par les affichettes en vitrine;

Attendu que cette opération dans la continuité des soldes ne peut être présentée comme une opération promotionnelle et constitue bien des soldes au-delà du délai fixé par l'arrêté préfectoral;

Attendu qu'ainsi le premier juge a parfaitement tiré des faits de la cause les conséquences juridiques, qu'il a d'autre part donné une appréciation exacte du préjudice subi, la Chambre représentant les intérêts des commerçants qui, restant dans la légalité, subissent un préjudice commercial et moral du fait d'agissements portant atteinte au jeu normal de la concurrence, que les dommages et intérêts seront donc confirmés dans leur principe et leur montant;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de confirmer intégralement la décision entreprise en ajoutant à la charge de l'appelante une indemnité de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que la SARL Point de Suspension supportera les dépens;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 mars 2004 par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. Y ajoutant, condamne la SARL Point de Suspension à porter et payer à la Chambre syndicale des commerces de l'habillement textiles nouveautés accessoires du Puy-de-Dôme et Région une indemnité de 800 euro (huit cents euro) pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel ; La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.