CA Douai, 6e ch. corr., 10 novembre 2005, n° 04-02602
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Association Union Régionale des PME-PMI du Nord/Pas-de-Calais, Chambre Départementale Habillement Vendée , Chambre Syndicale de l'Habillement de Marseille et Région, Chambre Syndicale Départementale de l'Habillement de l'Aude, Chambre Syndicale des Commerces de l'Habillement, Nouveauté et Accessoires Région Parisienne, Chambre Syndicale des Détaillants du Textile et de l'Habillement du Nord de la France, Fédération Nationale de l'Habillement Nouveauté et Accessoires, Syndicat Nantais du Commerce de la Nouveauté et des Spécialités qui s'y rattachent
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marie
Avocat général :
M. Brunel
Conseillers :
MM. Lemaire, Deleneuville
Avocat :
Me Doueb
Décision :
Vu toutes les pièces du dossier,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
Rappel de la procédure :
La société X était poursuivie devant le Tribunal de grande instance de Lille pour avoir:
à Roubaix, dans le département du Nord et sur l'ensemble du territoire national, du 13 au 23 juin 2000, réalisé des soldes en dehors des périodes prévues par arrêté préfectoral, faits prévus et réprimés par les articles 28 et 31 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, codifiés aux articles L. 3310-3, L. 310-5, L. 310-6, 11 du décret n° 96-1097 du 16 décembre 1996, 121-2, 131-38 et 131-39 du Code pénal,
à Roubaix, dans l'arrondissement judiciaire de Lille, courant décembre 2000, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, réalisé, sous couvert d'une opération baptisée " réductions monstres sur les prix ", des soldes en dehors des périodes autorisées, faits prévus et réprimés par les articles L. 310-5, L. 310-3, 11 du décret 96-10978 du 16 décembre 1996.
Par jugement du 5 décembre 2003, elle était condamnée à une amende délictuelle de 75 000 euro et à indemniser les parties civiles.
Les appels
Ont interjeté appel :
La société X le 8 décembre 2005,
L'Association Union Rrégionale des PMI du Nord/Pas-de-Calais, partie civile, le 10 décembre 2003,
Le Ministère public le 11 décembre 2003.
La Fédération nationale de l'habillement, nouveauté et accessoires, la Chambre syndicale des commerces de l'habillement, nouveauté et accessoires de la région parisienne, la Chambre départementale habillement Vendée, la Chambre syndicale départementale de l'habillement de l'Aude, la Chambre syndicale de l'habillement de Marseille et région, le Syndicat nantais du commerce de la nouveauté et des spécialités qui s'y rattachent, demandent à la cour, par voie de conclusions conjointes de confirmer le jugement entrepris et de payer à chacune d'elles la somme de 2 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
A l'appui de leurs demandes, les parties civiles font valoir :
Que la société X a annoncé des réductions de prix variant de 15 à 70 % portant sur des articles figurant sur le catalogue printemps-été 2000 à savoir essentiellement des articles d'habillement et des articles textiles présentant une saisonnalité marquée, des meubles et des articles d'équipement hi-fi son, à compter du 13 juin 2000 jusqu'au 30 septembre 2000 ;
Qu'elle a également annoncé des réductions de prix variant de 15 à 65 % sur des articles figurant sur le catalogue automne-hiver 2000-2001, à savoir essentiellement des articles d'habillement et des articles textiles, des meubles et des articles d'équipement ;
Que les conditions de la vente en solde à savoir une vente accompagnée ou précédée de publicités annonçant des réductions de prix, visant à l'écoulement accéléré d'un stock prédéterminé et non renouvelable de marchandises étaient réunies ;
Que la qualification de soldes hors périodes autorisées s'impose d'autant plus en l'espèce que l'opération publicitaire organisée par la société X annonce des réductions de prix chiffrées portant sur plus de 16 000 références, et ce, à la veille de la période légale des soldes ;
Que l'importance des taux de réduction pratiqués, la quantité des articles concernés par les réductions et les mentions publicitaires répétitives, incitant les clients à commander "immédiatement" démontrent la volonté explicite de la société X de procéder à un écoulement accéléré de ses stocks ;
Que ces offres portaient sur un stock prédéterminé et non renouvelable (des articles figurent comme épuisés sur le site Internet et des commandes n'ont pu être honorées) ;
Que la société X soutient qu'elle ne gère qu'un stock vivant alors qu'elle diffuse deux catalogues par an et qu'elle propose à la vente deux collections différentes au cours d'une même année ;
Que d'ailleurs, la société X qui non seulement n'a pas démontré que les articles " épuisés ", suite au succès des opérations litigieuses auraient été réassortis, a, tout au contraire, indiqué à ses clients que l'opération " réductions monstres sur les prix " constituaient des soldes, qui, en tant que telles, excluaient tout réassortiment ;
Que l'article L. 310-3 du Code de commerce vise " toutes les ventes qui tendent simplement à l'écoulement accéléré des stocks ", sans qu'il soit besoin de procéder à un examen approfondi de l'évolution des stocks au cours des périodes litigieuses, ni à l'analyse de l'évolution du chiffre d'affaires réalisé pour vérifier si ces opérations avaient effectivement permis de diminuer les stocks de façon significative, ainsi que l'ont justement relevés les premiers juges.
La société X représentée par son avocat, demande à la cour, par voie de conclusions de :
prononcer sa relaxe,
déclarer irrecevables les constitutions de partie civile de la Chambre syndicale des commerces de l'habillement, nouveauté et accessoires de la région parisienne, la Chambre départementale habillement Vendée, la Chambre syndicale départementale de l'habillement de l'Aude, la Chambre syndicale de l'habillement de Marseille et région, le Syndicat nantais du commerce de la nouveauté et des spécialités qui s'y rattachent.
A l'appui de ses demandes, elle fait valoir :
Que l'opération " réductions monstres sur les prix " est une opération promotionnelle, technique ayant pour objectif d'inciter des clients, attirés par la publicité, à acheter un produit et que le critère de distinction entre la vente en soldes et la vente promotionnelle, est que la vente en soldes a pour objectif l'écoulement d'un stock prédéterminé, alors que l'opération promotionnelle a pour objectif l'expansion et le développement des ventes;
Que l'opération porte sur des marchandises restant disponibles, sans réduction de prix, après ladite opération, selon les références du catalogue général X;
Qu'elle ne s'adresse pas à l'ensemble de la clientèle de la société X, mais uniquement à un échantillon de clients, les plus fidèles;
Que le contenu de la publicité et le libellé de l'annonce publicitaire, ne comportent en l'espèce aucune idée de liquidation ou de vente accélérée;
Que l'opération ne concerne pas toutes les marchandises de X, mais ne porte que sur certaines références identifiées, selon les tailles et les coloris ; qu'il s'agit là d'une différence essentielle entre la pratique des soldes et la pratique de la price-list ;
Qu'il existait des possibilités de réassortiment en cas de rupture momentanée de stock;
Qu'elle a un fichier de 20 000 000 de clients et que le document publicitaire a été envoyé seulement à 6 500 000 clients;
Rappel des faits
Sur la première page du document envoyé par X, s'agissant de l'opération afférente au catalogue printemps-été 2000, il est fait mention, en gros caractères, de réductions monstres sur les prix et de pourcentages de réduction de prix importants - 40 %, - 50 %, - 60 %, - 70 % et il est aussi indiqué que " tout doit disparaître ".
Sur la deuxième page du document, outre la mention de réductions monstres, il est indiqué : " dépêchez-vous " tout doit disparaître.
La cinquième précise : " dépêchez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde ".
Un certain nombre de pages faisait état de la nécessité de faire très vite.
Ce document était envoyé à 6 500 000 clientes le 13 juin 2000. La période des soldes était fixée dans chaque département par le Préfet entre le 24 juin et le 22 juillet 2000.
La seconde opération concernait le catalogue automne-hiver 2000-2001. Elle était valable jusqu'au 31 mars 2001 et avait débuté en janvier 2001.
La première page du document, faisait mention, en gros caractères, de réductions monstres sur les prix et de pourcentages de réductions de prix importants - 40 %, - 50 %, - 60 %, - 65 %. Il était également fait mention de prix sacrifiés.
Il était indiqué, au-dessus des articles présentés dans les pages 2 à 7, qu'il y avait des centaines d'articles "femme" à moitié prix.
Il était répondu, par la responsable du service relation client, à une cliente qui avait commandé une armoire que l'article était épuisé, étant précisé : "l'offre promotionnelle " réduction monstres " est lancée dans le but de liquider le stock, il s'agit là de soldes. Les soldes répondent à des critères précis, dont le fait de ne pouvoir faire rentrer du stock en vue de ces soldes. L'armoire reprise dans le catalogue état est sous une référence différente. Il s'agit là de nouveaux stocks acquis, pour une autre saison, souvent à des prix différents et parfois même auprès d'autres fournisseurs".
Sur ce,
Sur l'action publique
Attendu qu'il était pratiqué une importante réduction de prix sur des articles qui n'allaient pas figurer dans le nouveau catalogue ; que certains d'entre eux appartenaient à des collections de vêtements qui seraient passés de mode ou auraient été hors saison et qu'il fallait donc écouler;
Attendu que X a reconnu elle-même que les articles variaient d'un catalogue à l'autre, ce qui démontre qu'elle a des stocks qu'elle entend épuiser;
Que l'opération avait bien pour but de faire disparaître son stock de marchandises avant le lancement d'un nouveau catalogue contrairement à ce que prétend la société X ;
Qu'elle n'avait certes annoncé cette opération qu'à une partie de sa clientèle, mais que la notion de soldes n'exige pas que l'offre soit portée à la connaissance de la totalité de la clientèle;
Qu'enfin ces opérations ont été lancées à proximité de la période des soldes;
Que par suite, l'infraction visée à la prévention est caractérisée dans tous ses éléments et que le jugement entrepris doit être confirmé, tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine prononcée, qui sanctionne exactement les agissements de la société X, qui a perturbé l'ordre public économique ;
Sur l'action civile
Attendu que le catalogue de la société X étant diffusé dans la France entière, toutes les parties civiles ont subi un préjudice direct résultant des agissements de celle-ci ; qu'en effet, la société X distribue des vêtements portant des marques diffusées par des revendeurs représentés par les syndicats qui se sont constitués partie civile;
Que les chambres départementales ont subi chacune un préjudice distinct de celui éprouvé par la Fédération nationale de l'habillement;
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a accueilli leurs demandes ;
Que leur préjudice a été exactement apprécié par le tribunal eu égard aux éléments qui lui ont été fournis et notamment aux parts de marché que la société X reconnaît elle-même avoir, à savoir 11 % du marché total de l'habillement ; que le jugement doit également être confirmé sur le montant des dommages-intérêts alloués;
Que les parties civiles sont bien fondées à réclamer le remboursement des frais irrépétibles qu'elles ont exposés et qu'il y sera fait droit ainsi que précisé au dispositif;
Par ces motifs LA COUR ; Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Société Anonyme "X" ; contradictoire à l'égard de l'association union régionale des PMI du Nord/Pas-de-Calais, la Fédération nationale de l'habillement, nouveauté et accessoires, la Chambre syndicale des commerces de l'habillement, nouveauté et accessoires de la région parisienne, la Chambre syndicale des détaillants du textile et de l'habillement du Nord de la France, la Chambre départementale habillement Vendée, la Chambre syndicale départementale de l'habillement de l'Aude, la Chambre syndicale de l'habillement de Marseille et région, le Syndicat nantais du commerce de la nouveauté et des spécialités ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions tant pénales que civiles; Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable le condamné.