CA Aix-en-Provence, 18e ch., 16 décembre 2003, n° 01-06080
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Casabuena
Défendeur :
Aseca-Orfac (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Szalay
Conseillers :
Mmes Jacquemin, Elleouet-Giudicelli
Avocats :
Mes Pourrez, Bonnemain
Faits procédure et moyens des parties
Madame Casabuena a été embauchée par la société Aseca à partir du mois de mars 1996 en qualité de secrétaire standardiste.
Elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement par courrier du 10 janvier 2000 et licenciée pour faute grave le 21 janvier 2000.
Elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Fréjus de la contestation de son licenciement.
Par décision du 23 février 2001 le conseil a dit que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à lui payer le montant du préavis et des congés payés sur préavis ainsi qu'une indemnité légale de licenciement.
La cour est saisie de l'appel que Madame Casabuena a relevé de cette décision
Elle a présenté des explications et soutenu des moyens auxquels il sera répondu pour faire juger que son licenciement est dénué de motif réel et sérieux.
Ses demandes devant la cour consécutives à ce licenciement sont les suivantes ;
-559,56 euro au titre du salaire de la mise à pied ainsi que 55,95 euro de congés payés afférents
-2583,50 euro au titre du préavis et 258,35 euro de congés payés afférents
-565,47 euro à titre d'indemnité légale de licenciement
-1291,75 euro à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure
-10 333,99 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
Remise sous astreinte de l'attestation ASSEDIC ainsi que du bulletin de salaire rectifié du mois de janvier 2000
Elle formule par ailleurs une demande nouvelle pour faire constater que la clause de non-concurrence qui était inscrite à son contrat de travail est illicite et réclamer le paiement de 15 501,03 euro à titre de dommages et intérêts
Elle sollicite enfin le paiement de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
La SARL Aseca a demandé la confirmation du jugement
S'agissant de la demande en nullité de la clause de non-concurrence formée en appel elle soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle porte sur une obligation éteinte par l'arrivée du terme depuis janvier 2001
Subsidiairement, elle conclut au débouté de la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts, cette dernière ne démontrant pas avoir respecté la clause
Elle réclame enfin sa condamnation au paiement d'une somme de sept cent euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Motifs de l'arrêt
Le dossier ne révèle pas d'éléments conduisant la cour à relever d'office l'irrecevabilité de l'appel
1° Sur le licenciement
La salariée soulève d'abord une irrégularité de procédure qui n'a pas été retenue par le premier juge qui doit être confirmé sur ce point.
En effet ne constitue pas une irrégularité de procédure, source d'un préjudice indemnisable, le fait que l'employeur ait mentionné par erreur dans la lettre de convocation à l'entretien préalable que la salariée pouvait se faire assister par une personne de l'entreprise ou par un conseiller extérieur inscrit sur la liste établie par la préfecture du Var, alors que seule la deuxième information devait être donnée, dès lors que Madame Casabuena s'est présentée seule et sans faire aucune réserve à l'entretien.
Celle-ci a ensuite été licenciée pour des faits d'indiscipline qualifiés de faute grave ainsi énoncés dans la lettre de licenciement :
"...Par courrier RAR du 16. 12. 1999 nous vous avons indiqué que nous ne pouvions accepter les dates de congés payés que vous avez tenté de nous imposer oralement au dernier moment et en tout cas moins de 15 jours avant votre départ. Nous vous avons demandé d'être présente à votre poste le 03. 01. 2000 au matin
"Vous n'avez pas tenu compte de nos instructions et êtes revenue le 11. 01. 2000 au matin sans autre explication pour votre absence injustifiée que votre volonté délibérée de mettre l'entreprise devant le fait accompli de vos vacances préprogrammées
"...Ce grief se double des faits pour lesquels nous vous avions mis en garde par un premier avertissement en date du 26. 11. 1999, et dont vous n'avez pas tenu compte puisque, jusqu'à la veille de votre mise à pied et plus particulièrement le vendredi 14. 01. 2000 vous êtes encore arrivée retard à votre travail 8H45 au lieu de 8H30...
" Votre esprit d'indiscipline se manifeste également quant à la tenue des feuilles de caisse que vous refusez d'établir et de la caisse. Elle même que vous refusez de fermer en dépit de la note de service que nous avons établi le 06. 12. 1999..."
" Enfin vous avez également reconnu que vous utilisiez votre temps de travail et le matériel informatique de l'entreprise pour correspondre avec votre fils via internet ce qui constitue un acte d'indélicatesse que nous éviterons de qualifier autrement..."
Devant la cour l'employeur qui demande confirmation du jugement sur le licenciement, abandonne la qualification de faute grave qu'il avait invoquée
Il convient d'examiner si les fautes reprochées à Madame Casabuena sont établies et constitutives d'un motif réel et sérieux de licenciement, ce qu'elle conteste
1° la prise des congés payés
Il résulte d'une note de service du 14 janvier 1998 dont Madame Casabuena avait connaissance puisqu'elle l'a signée que les salariés devaient formuler par écrit toute demande de congés exceptionnels et congés payés et ce dans un délai minimum de 15 jours. L'employeur devant répondre à toute demande dans le même délai
Aucune demande écrite n'a été formulée par Madame Casabuena
Il résulte par contre de la lettre adressée à la salariée le 16 décembre 1999 et réceptionnée par cette dernière le 20 décembre 1999, que l'employeur avait bien reçu le 3 décembre 1999 une demande verbale de congés pour la période du 22 décembre au 10 janvier 2000, à laquelle il a répondu en limitant le délai de congés réclamé à la période du 22 décembre 1999 au 3 janvier au matin, et en expliquant les raisons qui motivaient cette réduction de congés.
Les délais ayant été respectés de part et d'autre et la salariée ayant eu de toute façon connaissance avant son départ de la date à laquelle elle devait reprendre son travail, il y a manifestement de sa part en ne se présentant pas à cette date à son poste de travail (et ce malgré la lettre écrite le 4 janvier 2000), une volonté de passer outre la réponse de son employeur et de maintenir les congés qu'elle avait prévus
Ce grief doit donc être retenu
2° Les retards
Madame Casabuena ne les conteste pas. Elle les relativise seulement
Ils se sont cependant répétés et ont fait l'objet d'un avertissement préalable
C'est donc à juste titre que ce grief a été retenu par le premier juge
3° La tenue et la fermeture de la caisse
Il est établi que la facturation et l'encaissement des clients faisaient partie des fonctions d'une secrétaire standardiste
Madame Casabuena l'avait d'ailleurs toujours fait. Elle a seulement expliqué qu'elle ne voulait pas prendre la responsabilité de conserver la clé de la caisse quand elle fermait celle-ci
Il convenait dans ces conditions qu'elle exécute sa tâche et laisse la clé dans le bureau de l'entreprise, ce qu'elle ne faisait pas
4° la correspondance par e mail avec son fils
Ce fait n'est pas contesté mais ne peut être retenu comme une faute à l'encontre de la salariée justifiant son licenciement, celle-ci ayant droit même sur les lieux de son travail au respect de l'intimité de sa vie privé et de sa correspondance
A l'examen des éléments ci dessus, il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les fautes retenues à l'encontre de Madame Casabuena constituaient un motif réel et sérieux de licenciement
En l'absence de faute grave Madame Casabuena est fondée à obtenir, outre les indemnités accordées par le conseil, le paiement du salaire qui a été retenu à la suite de la mise à pied à titre conservatoire qui lui a été notifié en même temps que sa convocation à l'entretien préalable
2° Sur l'indemnisation de la clause de non-concurrence
Madame Casabuena était soumise dans son contrat de travail à une clause de non-concurrence qui est manifestement illicite puisque non-assortie d'une contrepartie financière
Elle est recevable à soulever l'illicéité de cette clause par une demande nouvelle principale recevable en appel
Pour autant Madame Casabuena ne peut être indemnisée que si elle justifie avoir du respecter cette clause et donc subir un préjudice, ce qu'elle ne fait pas.
Elle a en effet retrouvé un travail deux jours après son licenciement auprès de la société Almathee Lingua, qu'elle a poursuivi bien que son ancien employeur ait porté à la connaissance de son nouvel employeur l'existence de la clause de non-concurrence (cf. courrier du 24 janvier 2000)
Elle n'a donc subi aucun préjudice
La société Aseca supportera la charge des dépens
Madame Casabuena conservera par contre celle de ses frais non répétibles d'appel
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale, Reçoit l'appel, Confirme le jugement sur le licenciement, Y ajoutant condamne la société Aseca à payer à Madame Casabuena la somme de cinq cent cinquante neuf euro et 56 centimes brut au titre du salaire retenu de la mise à pied outre 55,95 euro de congés payés afférents, Statuant sur la demande nouvelle, Constate que la clause de non-concurrence est illicite, Déboute Madame Casabuena de sa demande d'indemnisation faute de préjudice, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Aseca aux entiers dépens de la procédure.