Cass. crim., 23 juin 1977, n° 76-91.732
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mongin
Rapporteur :
M. Vergne
Avocat général :
M. Aymond
Avocat :
Me Calon
LA COUR : - Cassation partielle sur le pourvoi formé par le Procureur général près la Cour d'appel de Bordeaux, contre un arrêt de cette cour d'appel (chambre des appels correctionnels) du 26 mai 1976, qui dans une procédure suivie contre X (Albert) pour falsification de vin, tromperie et fabrication irrégulière de dilutions alcooliques, a prononcé une relaxe partielle et qui, pour, le surplus, a ordonné avant dire droit une expertise la cour, vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la cour de cassation en date du 22 juin 1976 ordonnant la transmission immédiate des pièces du pourvoi et de la procédure à ladite chambre conformément aux dispositions des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale ;
Vu la requête du Procureur général et le mémoire produit en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 129 du Code du vin, 18 du règlement Cee n° 816-70, 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, en ce que l'arrêt attaque a prononcé la relaxe en ce qui concerne un lot de vins au motif que la chaptalisation reprochée au prévenu avait été autorisée par arrête du 24 septembre 1971 en ce qui concerne les vins de la récolte considérée ;
Alors que le prévenu n'avait pas préalablement souscrit la déclaration qui seule pouvait rendre cette chaptalisation régulière ;
Attendu que pour relaxer X Albert des chefs de falsification et tromperie pour enrichissement alcoolique d'un lot de 10500 litres de vin détenu dans ses chais pour être commercialisé sous le nom de bordeaux rouge et qui avait fait l'objet d'un prélèvement sous le n° 246 par les agents du service de la répression des fraudes, les juges du fond énoncent que l'enrichissement de 1,3 degré, constaté par les experts était inférieur au maximum de 2 degrés prévu pour la région bordelaise par la règlementation du Conseil des communautés européennes lorsque, comme dans le cas de l'espèce, une addition de sucre a été autorisée ;
Attendu qu'en cet état, le moyen qui repose sur des circonstances non soumises aux juges du fond et qui est mélangé de fait et de droit, ne saurait être présenté pour la première fois devant la cour de cassation ; Qu'il suit de la que le moyen n'est pas recevable ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 8, 129 du Code du vin, 18 du règlement Cee n° 816-70, 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, en ce que l'arrêt attaqué a ordonné une expertise au cours de laquelle l'extrait sec devra être calculé en utilisant la méthode densimétrique ;
Alors que l'application de l'article 8 du Code du vin supposé que l'analyse a été faite suivant la méthode de l'évaporation à 100° et qu'ainsi la décision à intervenir - quelle qu'elle soit - ne peut avoir de base légale ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que dans les poursuites exercées des chefs de falsification et tromperie contre X Albert, pour enrichissement alcoolique d'un lot de 5700 litres de vin rouge ayant fait l'objet d'un prélèvement dans ses chais sous le n° 245, l'analyse effectuée par le laboratoire du service de la répression des fraudes a fait apparaître une valeur du rapport alcool-extrait égale à 6,4 correspondant à un enrichissement minimum de 2,9 degrés obtenu par addition de sucre ;
Qu'il est ensuite énoncé qu'une expertise contradictoire appliquant la méthode légale dite du rapport de l'alcool à l'extrait sec réduit à 100 degrés a conclu a un enrichissement de 2,6 degrés, le rapport entre l'alcool et l'extrait sec se trouvant ainsi toujours supérieur à 4,6 ;
Attendu que pour ordonner avant dire droit une expertise contradictoire basée sur la méthode dite densimétrique, les juges du fond relèvent notamment que cette méthode est préconisée par les règlements de la Communauté européenne et que le prévenu doit être admis à combattre la présomption de fraude existant à son égard, alors surtout que la technique de l'extrait sec à 100 degrés, qui sert toujours de base à la présomption de l'article 8 du Code du vin, fait l'objet de sérieuses critiques dans les milieux scientifiques en raison de l'incertitude de ses résultats ;
Attendu qu'en cet état, et abstraction faite de motifs erronés mais surabondants la cour d'appel en décidant une mesure d'instruction dont rien d'ailleurs ne permet d'affirmer avant qu'elle n'ait eu lieu si les constatations qui en résulteront seront de nature, ou non, à infirmer la présomption édictée par l'article 8 du Code du vin dans les conditions qu'il prévoit, n'a, en aucune façon, encouru le grief formule au moyen ; d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 8, 129, du Code du vin, 18 du règlement Cee n° 816-70, 1er et suivants de la loi du 1er août 1905 ;
En ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe dans un autre cas, au motif que l'enrichissement alcoolique résultant du sucrage de la vendange, supérieur à la norme communautaire, était inférieur à la norme française ;
Alors que la règlementation communautaire s'impose au juge national ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 189, alinéa 2, du traité de Rome du 25 mars 1957, 1er-4b, du règlement du conseil n° 816-70 en date du 28 avril 1970, ainsi que celles du paragraphe 7 de son du 28 avril 1970, ainsi que le paragraphe 7 de l'annexe II de ce dernier texte ;
Attendu que le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, qui a été régulièrement ratifié et publié en France, dispose en son article 189, alinéa 2, que les règlements du conseil ont une portée générale, sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout état membre ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 1er-4b, du règlement du conseil n° 816-70 en date du 28 avril 1970, ainsi que celles du paragraphe 7 de son annexe II, que, sous réserve des exceptions prévues aux articles 18 et 19 dudit règlement, le vin est le produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foules ou non, ou de moût de raisins, qu'il s'en déduit qu'une boisson qui ne correspondrait pas aux prescriptions de ces textes ne peut être détenu dans les cas ou elle est autorisée, toute augmentation du titre alcoométrique naturel au-delà des limites imposées constitue l'infraction prévue et réprimée par les articles 1er et 3 de la loi du 1er août 1905 ;
Attendu que selon l'article 18-1 du même règlement communautaire n° 816-70, l'augmentation du titre alcoométrique naturel du vin ne peut en aucun cas dépasser une limite fixée pour chaque zone viticole et que pour la zone viticole C 1, comprenant notamment les vignobles du sud-ouest de la France, cette limite est fixée a 2 degrés ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que pour justifier la relaxe de X Albert, prévenu de falsification et tromperie pour enrichissement alcoolique d'un lot de 11 100 litres de vin ayant fait l'objet, le 16 mars 1972, d'un prélèvement sous le n° 247, alors que la marchandise se trouvait dans ses chais, pour être commercialisé avec une dénomination de bordeaux rouge, les juges du fond, après avoir constaté que l'enrichissement était de 2,4 degrés, ont estimé qu'un doute devait bénéficier au prévenu en raison du fait que cet enrichissement était certes, supérieur à la norme communautaire - 2 degrés - mais inférieur à la norme française - 2,5 degrés mais attendu que la cour d'appel n'a pu ainsi statuer sans violer les textes ci-dessus visés applicables à la date des faits ; d'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 26 mai 1976, mais seulement en ce qui concerne les dispositions ayant statue sur les chefs de prévention visant les 11 100 litres de vin qui ont fait l'objet d'un prélèvement sous le n° 247, toutes autres dispositions demeurant expressément maintenues ; Et pour être statue à nouveau conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Toulouse.