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Décisions

Cass. crim., 21 janvier 2003, n° 02-83.640

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Frechede

Avocats :

SCP Boré, Xavier, Boré, Mes Odent, Blondel

Dijon, ch. corr., du 25 avr. 2002

25 avril 2002

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : X Jean, Y Yves, le Syndicat national des industriels de la nutrition animale, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 25 avril 2002, qui a condamné le premier à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 euro d'amende pour falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux de nature à nuire à leur santé et détournement d'objets placés sous main de justice, le second à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 euro d'amende pour détention de produits propres à effectuer la falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, nuisibles à leur santé, a ordonné des mesures de confiscation et de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi formé par Jean X ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur les autres pourvois ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Yves Y, pris de la violation des articles L. 213-4 du Code de la consommation, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves Y coupable de détention de produits propres à effectuer la falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, nuisibles à leur santé, et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs propres que "(...) la cour fait sienne les motifs du jugement dont il résulte que l'intéressé doit être relaxé pour le délit de falsification qui lui est reproché, mais qu'il est coupable du délit de détention de produits propres à effectuer la falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, nuisibles à leur santé, qui lui est imputé" ;

"et aux motifs adoptés du jugement que "l'expertise du contenu de ces flacons effectuée par le laboratoire des dosages hormonaux de Nantes a démontré qu'ils contenaient tous des hormones stéroïdiennes ou leurs esters, ces produits ayant des propriétés anabolisantes et étant d'usage interdit ; que, devant les enquêteurs, Yves Y a déclaré ignorer la présence de ces 7 flacons dans son étable ; qu'au magistrat instructeur, il a affirmé qu'ils ne lui appartenaient pas et qu'il avait été piégé ; qu'il a maintenu cette version des faits à la barre du tribunal ; mais attendu que cette argumentation ne saurait être maintenue" ;

"alors que l'article L. 213-4 du Code de la consommation exige, pour établir la culpabilité d'un prévenu poursuivi pour détention de substances prohibées, sa connaissance des caractères falsifié, corrompu ou toxique de ces substances ; que, même dans l'hypothèse où le prévenu aurait connu l'existence des flacons retrouvés dans son étable, ce qu'il contestait, la cour d'appel, faute d'établir qu'il savait, avant le résultat des analyses du laboratoire ordonnées lors de l'instruction, que les produits contenus dans les flacons étaient interdits à l'usage, a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour le Syndicat national des industriels de la nutrition animale, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'article 2 de la loi du 5 août 1908, de l'article L. 411-11 du Code du travail, des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a débouté le Syndicat national des industriels de la nutrition animale de sa constitution de partie civile ;

"aux motifs que "les agissements des prévenus ont causé un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif (...) des professionnels axés sur la production de viande de bovins et des exploitants agricoles en général en les faisant apparaître comme malhonnêtes, en jetant la suspicion sur leurs produits et en créant une concurrence déloyale vis-à-vis de ceux qui respectent la réglementation (...) ; le Syndicat national des industriels de la nutrition animale qui représente les professionnels de l'industrie des aliments du bétail ne justifie pas qu'il ait été porté atteinte à l'intérêt collectif qu'il défend" ;

"1°) alors que l'article 2 de la loi du 5 août 1908 permet aux syndicats formés pour la défense des intérêts généraux de l'agriculture ou du commerce des produits agricoles, produits médicamenteux ou marchandises quelconques d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans les poursuites pour fraude et falsification ; que le Syndicat national des industriels de la nutrition animale a pour objet la défense des professionnels de la nutrition animale ; qu'en déboutant néanmoins le Syndicat de sa constitution de partie civile tout en déclarant Jean X et Philippe Antoine coupables de falsification, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "2°) alors que le Syndicat national des industriels de la nutrition animale faisait valoir dans ses écritures d'appel que les pratiques reprochées aux prévenus étaient de nature à jeter un trouble dans l'esprit du consommateur et donc à porter directement atteinte aux professionnels de la nutrition animale pris dans leur ensemble et que ces derniers ne pouvaient que pâtir de la confusion entretenue entre les produits qu'ils commercialisent et les substances frauduleusement utilisées ; qu'en déboutant le Syndicat de sa constitution de partie civile au motif qu'il ne justifiait pas qu'il ait été porté atteinte à l'intérêt collectif des professionnels de l'industrie des aliments du bétail qu'il défend, tout en relevant que les agissements des prévenus avaient causé un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des professionnels axés sur la production de viande animale en jetant la suspicion sur les produits et sans rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si au-delà des producteurs de viande, l'utilisation de substances frauduleuses n'avait pas créé la même suspicion sur les professions de la nutrition animale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; "3°) alors que tout justiciable a droit à une procédure contradictoire ; que l'obligation d'inviter les parties à présenter leurs observations s'impose comme préalable au relevé d'office de tout moyen même de pur droit ou d'ordre public ; que la cour d'appel a relevé que seul l'intérêt à agir de l'association CLCV était contesté en l'espèce ; qu'en relevant d'office l'absence d'irrecevabilité de la constitution de partie civile du Syndicat national des industriels de la nutrition animale, sans l'avoir invité, au préalable, à présenter ses observations, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour débouter le Syndicat national des industriels de la nutrition animale de ses demandes, les juges relèvent que ce syndicat, qui représente les professionnels de l'industrie des aliments du bétail, ne justifie pas qu'il ait été porté atteinte à l'intérêt collectif qu'il défend ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation proposé pour Yves Y, pris de la violation des articles 111-3 du Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de détention de produits propres à effectuer la falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, nuisibles à leur santé, et l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 40 000 francs d'amende (6 000 euro) ;

"alors que le principe de la légalité des peines fait obstacle à l'application d'une peine plus forte que celle prévue par la loi en matière délictuelle ; qu'en condamnant le prévenu à des peines d'amende et de prison excédant le maximum des peines encourues, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 111-3 du Code pénal, ensemble l'article L. 213-4 du Code de la consommation ;

Attendu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré Yves Y coupable de "détention de produits propres à effectuer la falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, nuisibles à leur santé", l'arrêt attaqué le condamne à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 euro d'amende ;

Mais attendu que l'aggravation de peine prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 213-4 du Code de la consommation n'est applicable que si l'infraction porte sur une substance alimentaire falsifiée ou corrompue ou sur une substance médicamenteuse falsifiée, nuisible à la santé de l'homme ou de l'animal ; que, dès lors, en prononçant une peine excédant le maximum prévu au premier alinéa du même article, la cour d'appel a méconnu les texte et principe ci-dessus rappelés ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit ;

Par ces motifs, I - Sur les pourvois de Jean X et du Syndicat national des industriels de la nutrition animale : les rejette ; II - Sur le pourvoi d'Yves Y : Casse et annule, en ses seules dispositions relatives à la peine, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Dijon, en date du 25 avril 2002, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Fixe à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 4 500 euro d'amende les peines prononcées contre Yves Y ; Dit n'y avoir lieu à application, au profit de l'Union des sociétés coopératives agricoles GECSEL, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.