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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 20 septembre 2005, n° 04-00471

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Moller

Défendeur :

Riboli (Epoux)
Benoit (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Helip, Lamant

Avoués :

SCP Sorel-Dessart-Sorel, SCP Malet

Avocats :

Me Monestier, Bonadei

TI Toulouse, du 18 déc. 2003

18 décembre 2003

LA COUR,

Le 20 novembre 2000, Martin Moller achetait un véhicule Citroën AX d'occasion dans les locaux de la SARL Car Vo. Cette voiture tombait en panne le 24 décembre 2000.

Le 16 mai 2001, Moller assignait la société Car Vo devant le juge d'instance de Toulouse statuant en référé afin de voir ordonner une expertise technique du véhicule. La société intimée appelait en cause le 28 septembre 2001 Laurent Riboli qui avait reçu Moller et procédé à la vente.

Par ordonnance du 26 octobre 2001, le juge d'instance commettait Monsieur Jacques Eteve, ingénieur, pour réaliser l'expertise technique sollicitée.

L'expert déposait un rapport daté du 15 avril 2002 dans lequel il concluait que les désordres affectant le véhicule étaient dus à une mauvaise circulation de l'eau dans le système de refroidissement, ce qui avait entraîné une surchauffe du moteur. Il indiquait en outre que ce défaut avait provoqué deux pannes de la voiture, lesquelles avaient eu lieu les 15 juillet et 17 novembre 2000. Le 23 janvier 2003, Moller assignait devant le tribunal d'instance en garantie des vices cachés la société Car Vo et Riboli.

Puis, Car Vo ayant été déclarée en liquidation judiciaire le 6octobre 2002, il appelait en cause Maître Benoit, mandataire liquidateur.

Par un premier jugement en date du 15 juillet 2003, le tribunal d'instance, constatant que le propriétaire du véhicule n'était autre que la concubine de Riboli, Madame Hélène Molines épouse Nusset, invitait le demandeur à mettre en cause cette personne.

Moller assignait donc Madame Molines le 12 août 2003. Par ailleurs, il déclarait sa créance auprès du mandataire liquidateur, mais celle-ci était rejetée pour cause de forclusion.

Constatant qu'il ne disposait plus de recours contre la société Car Vo, Moller réclamait alors la condamnation solidaire de Riboli et de Madame Molines (qui entre temps s'étaient mariés) au remboursement du prix de la voiture, 2 866,04 euro, et au paiement de 2 200 euro de dommages-intérêts, ainsi que 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ces demandes étant fondées sur les articles 1641 et suivants du Code civil en ce qui concerne l'épouse et sur les articles 1984 et suivants du même Code, et subsidiairement sur l'article 1382 dudit Code en ce qui concerne le mari.

Par jugement du 18 décembre 2003, le tribunal d'instance, considérant que le demandeur avait exercé l'action estimatoire, condamnait Madame Mollnes épouse Riboli à lui payer 1 500 euro de dommages intérêts et 800 euro pour frais irrépétibles, mais déboutait Moller de ses demandes dirigées contre Riboli.

Par déclaration du 30 janvier 2004, Moller relevait appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai non critiqués.

L'appelant fait valoir qu'il résulte de l'expertise que la voiture Citroën AX est affectée d'un vice caché.

Il réclame le remboursement du prix du véhicule, exerce de ce fait l'action en résolution de la vente en non l'action estimatoire, comme l'a jugé par erreur le tribunal d'instance.

Cette demande est dirigée contre Madame Riboli, précédente propriétaire de la voiture, et contre Riboli, qui a agi en qualité de mandataire de sa compagne.

Il conclut donc à la condamnation solidaire des intimés à lui payer:

- 2 866,04 euro, montant du prix de vente du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2001, date de la mise en demeure,

- 2 200 euro de dommages intérêts, étant précisé que la coût du gardiennage de la voiture s'est élevé à 861,12 euro pour la période du 28 décembre 2000 au 15 janvier 2004,

- 800 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Ces demandes étant fondées comme an première instance sur les articles 1641 et suivants du Code civil en ce qui concerne l'épouse et sur les articles 1984 et suivants et subsidiairement sur l'article 1382 du même Code en ce qui concerne le mari.

Les époux Riboli s'opposent aux prétentions adverses.

En premier lieu, ils soutiennent que la demande de résolution de la vente présentée par Moller est irrecevable parce qu'en première instance il avait exercé l'action estimatoire et qu'en conséquence, conformément aux dispositions de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, il ne peut soumettre des demandes nouvelles à la juridiction d'appel.

Subsidiairement, au fond, Riboli conclut à sa mise hors de cause an faisant valoir qu'il n'a jamais été propriétaire de la voiture ni salarié de Car Vo ni vendeur "à quelque titre que ce soit".

Madame Riboli expose qu'après la deuxième panne elle a fait réparer le véhicule puis l'a laissé en dépôt-vente au garage Car Vo. Ces réparations ayant été réalisées par des professionnels de la mécanique, l'intimée soutient qu'elle ignorait, au jour de revente de la voiture, que celle-ci demeurait affectée d'un vice caché.

Madame Riboli considère d'ailleurs que les problèmes de surchauffe présentés par la Citroën ne constituaient pas un tel vice puisque le carnet d'entretien mentionnait le remplacement de la pompe à eau, ce dont Moller avait au connaissance lorsqu'il a fait l'acquisition de ce véhicule.

Enfin, l'intimée soutient que la panne du 24 décembre 2000, due à l'usure de la voiture, était sans rapport avec les deux précédentes pannes.

Madame Riboli conclut donc à sa mise hors de cause " comme ayant vendu sa voiture en toute bonne foi ".

Les intimés forment une demande reconventionnelle contre la société Car Vo et réclament 2 600 euro de dommages intérêts. Ils ont appelé en cause Maître Benoit, ès qualités, le 29 octobre 2004. Ce dernier, bien qu'assigné à personne, n'a pas constitué avoué. La procédure a été clôturée par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 21 février 2005.

Moller a conclu et communiqué des pièces le 23 février 2005 et les époux Riboli ont à nouveau conclu le 4 mars 2005.

MOTIFS DE LA DECISION

Les parties n'invoquent aucune cause grave au sens de l'article 784 du nouveau Code de procédure civile de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture. D'ailleurs ni l'appelant, ni les intimés ne sollicitent cette révocation.

En conséquence, les conclusions et productions de pièces postérieures au 21 février 2005 doivent être déclarées irrecevables.

I. Sur la recevabilité de la demande de résolution de la vente:

En première instance comme en appel, Moller réclamait la restitution de l'intégralité du prix de la voiture, ce qui démontre son intention d'obtenir la résolution de la vente.

C'est donc par erreur que le tribunal d'instance a estimé que le demandeur exerçait l'action estimatoire.

En toute hypothèse, l'acheteur qui agit en garantie des vices cachés dispose à son choix de deux actions, rédhibitoire et estimatoire, et peut, après avoir intenté l'une d'elles, exercer l'autre tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande par une décision passée en force de chose jugée.

La demande de résolution de la vente présentée par l'appelant est donc bien recevable.

II. Sur les demandes formées par Moller contre Madame Riboli:

Le vice caché se définit comme une défectuosité grave, une anomalie ou une altération qui rend la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine.

L'expertise de Monsieur Eteve a établi que les trois pannes de la Citroen étaient dues à une surchauffe du moteur consécutive à un défaut de circulation du liquide de refroidissement. Ce véhicule présente donc bien un vice caché.

Madame Riboli n'ignorait rien des désordres affectant cette voiture puisqu'elle en était l'utilisatrice lors des pannes de juillet et de novembre 2000.

L'intimée prétend avoir fait réparer la Citroën avant de la remettre en vente. Cette affirmation a été contredite par le représentant de Car Vo dans un courrier du 8 mars 2002, annexé au rapport d'expertise (page 21) et Monsieur Eteve indique qu'il est impossible de déterminer si les réparations effectuées, au demeurant insuffisantes pour remédier aux désordres affectant le véhicule, ont bien eu lieu le 17 novembre 2000 ainsi que mentionné sur le carnet d'entretien ou à une date antérieure.

Il apparaît qu'en réalité Madame Riboli s'est débarrassée de cette voiture qui ne lui avait causé que des déboires, et ce en étant parfaitement consciente de ce que ce véhicule était hors d'état de circuler.

L'intimée ne peut donc arguer de sa bonne foi. Il convient de faire droit à la demande de résolution de la vente présentée par Moller en condamnant Madame Riboli à rembourser le prix de vente, soit 2 866,04 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2003, date de l'appel en cause de l'intimée, et en enjoignant à l'appelant de restituer la Citroën à sa précédente propriétaire.

En outre, comme Madame Riboli n'ignorait pas le vice caché, la demande de dommages intérêts présentée par l'acheteur doit être déclarée bien fondée, il y a lieu d'allouer à Moller, au titre des frais de gardiennage et des peines et tracas qu'il a subis la somme de 1 500 euro à titre de dommages intérêts.

III. Sur les demandes formées par Moller contre Riboli:

Les conditions dans lesquelles Riboli est intervenu dans la vente de la voiture ne sont pas clairement définies. On ignore s'il a agi en qualité de préposé de Car Vo ou de mandataire de sa concubine. L'hypothèse La plus probable est qu'il travaillait au noir au garage Car Vo.

En tout cas, la preuve d'un mandat n'est pas rapportée, pas plus que celle d'une faute qu'il aurait commise.

Par ailleurs, il est constant qu'il n'était pas propriétaire de la voiture,

Les demandes présentées par Moller contre cet intimé seront donc rejetées.

IV. Sur la demande reconventionnelle des époux Riboli :

Les époux Riboli n'invoquent aucun acte dommageable de la société Car Vo qui leur aurait causé un quelconque préjudice et, en tout cas, ils n'en rapportent pas la preuve.

Ils seront donc également déboutés de leur demande.

Les dépens seront mis à la charge de Madame Riboli.

Moller, qui est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas avoir exposé des frais autres que les dépens. Sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sera donc rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Toulouse du 18 décembre 2003 en ce qu'il a débouté Martin Moller de ses demandas formées contre Laurent Riboli; Le réformant pour le surplus, Prononce la résiliation de la vente du véhicule Citroën AX; Condamne Hélène Molines épouse Riboli à rembourser à Monsieur Moller 2 866,04 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2003, et à lui payer 1 500 euro de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt; Enjoint à Martin Moller de restituer le véhicule Citroën AX à Hélène Molines épouse Riboli ; Déboute les époux Riboli de leur demande de dommages intérêts formée contre Maître Benoit, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Car Vo ; Condamne Hélène Molines épouse Riboli aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme an matière d'aide juridictionnelle; Déboute Martin Moller de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.