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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 19 septembre 2005, n° 04-02674

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Automobiles Peugeot (SA)

Défendeur :

Brice, Verstraete Multi Mecanique (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roussel

Conseillers :

Mmes Hirigoyen, Gujeu

Avoués :

SCP Levasseur-Castille-Levasseur, SCP Masurel-Thery-Laurent, SCP Carlier-Regnier

Avocats :

Mes Courquin, Spetebroot, Odou

TGI Hazebrouck, du 7 janv. 2004

7 janvier 2004

LA COUR,

Par jugement rendu le 7 janvier 2004, le Tribunal de grande instance d'Hazebrouck a :

- déclaré la société Verstraete Multi Mécanique et la société Automobiles Peugeot responsables des dommages subis par Monsieur Frédéric Brice,

- condamné la société Verstraete Multi Mécanique à payer à Monsieur Frédéric Brice la somme de 8 761,70 euro,

- condamné la société Automobiles Peugeot à garantir la société Verstraete Multi Mécanique des condamnations mises à sa charge,

- ordonné l'exécution provisoire.

- condamné la société Verstraete Multi Mécanique à payer à Monsieur Frédéric Brice la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- condamné la société Verstraete Multi Mécanique aux dépens.

La SA Automobiles Peugeot a relevé appel de cette décision. Il est fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions des parties devant la cour à leurs dernières conclusions déposées le:

- 29 novembre 2004 par Monsieur Frédéric Brice ;

- 1er décembre 2004 par la société Verstraete Multi Mécanique ;

- 14 mars 2005 par la SA Automobiles Peugeot.

Rappel des données du litige

Le 20 décembre 1997, Monsieur Frédéric Brice a acquis auprès de la société Verstraete Multi Mécanique un véhicule neuf de marque Peugeot de type 306 XS DT au prix de 89 000 F.

Suite à une panne intervenue sur autoroute, le 6 avril 2000, en raison d'une rupture de bielle ayant entraîné l'éventration du bloc moteur, Monsieur Frédéric Brice a obtenu par ordonnance de référé rendue le 8 juin 2000 la désignation de Monsieur Kubiak en qualité d'expert.

Celui-ci a déposé son rapport le 21 mai 2001.

Par exploit en date du 1er août 2001, Monsieur Frédéric Brice a fait assigner devant le Tribunal de grande instance la société Verstraete Multi Mécanique afin devoir prononcer la résolution de la vente par application de l'article 1641 du Code civil et d'obtenir des dommages et intérêts.

Par exploit en date du 19 janvier 2002, la société Verstraete Multi Mécanique a appelé en garantie la SA Automobiles Peugeot.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions.

Sur les demandes de Monsieur Frédéric Brice

Monsieur Frédéric Brice sollicite à titre principal la résolution de la vente à lui consentie par la société Verstraete Multi Mécanique et la condamnation in solidum de la société Verstraete Multi Mécanique et de la SA Automobiles Peugeot à leur payer 7 950,73 euro à titre de dommages et intérêts.

Subsidiairement, si la cour écartait l'action rédhibitoire, il demande de fixer à 7 870,55 euro le coût des réfections.

La société Verstraete Multi Mécanique et la SA Automobiles Peugeot s'opposent à ces demandes en exposant que la preuve de l'existence d'un vice caché au moment de la vente n'est pas rapportée.

Il ressort des éléments de la cause et notamment du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule acheté neuf le 20 décembre 1997 par Monsieur Frédéric Brice a fait l'objet le 6 avril 2000 d'une brusque rupture de bielle, avec éventration du bloc moteur, alors qu'il ne présentait que 50 000 kilomètres au compteur et qu'il circulait sur l'autoroute en 5e vitesse, à environ 130 kilomètres heure.

Toute défaillance de Monsieur Frédéric Brice en relation avec cette panne est à exclure dès lors que:

- les factures produites attestent que le véhicule avait fait l'objet d'un entretien régulier, avec vidange du carter d'huile et remplacement du filtre à air,

- le prélèvement d'huile effectué par l'expert a permis d'établir que l'huile moteur avait eu une utilisation de l'ordre de 10 000 kilomètres avec, bonne filtration de l'air d'admission, que les traces d'eau relevées provenaient du liquide de refroidissement, tombé dans le carter suite à la rupture du bloc moteur, et qu'en conséquence la qualité de l'huile ne pouvait être à l'origine de la panne,

- aucun rajout trop important d'huile n'est caractérisé,

- aucun autre désordre n'a été relevé suite à la panne.

Au vu de ces considérations, il ne peut qu'être retenu, conformément aux conclusions de l'expert, que la rupture de bielle est due à un défaut de construction, toute autre cause étant exclue.

Ce vice de construction est, de plus, corroboré par plusieurs articles de presse spécialisée, produits par Monsieur Frédéric Brice, mentionnant pour des véhicules similaires de 1997 et 1998 des casses de bielles subies par de nombreux propriétaires entre 47 000 et 120 000 kilomètres, nécessitant le remplacement du moteur.

S'agissant d'un vice de construction, celui-ci existait, nécessairement tant au moment de la vente par la société Verstraete Multi Mécanique à Monsieur Frédéric Brice qu'au moment de la vente par le constructeur au premier acheteur, un garage hollandais.

Il est constant que compte tenu de l'importance de la panne, l'acheteur ne l'aurait pas acquis en toute connaissance de cause.

En application de l'article 1644 du Code civil et alors que Monsieur Frédéric Brice sollicite à titre principal la résolution de la vente, il convient de faire droit à cette demande, étant relevé que l'importance de la panne rend légitime les doutes de Monsieur Frédéric Brice sur la fiabilité future du véhicule.

La société Verstraete Multi Mécanique devra en conséquence rembourser à Monsieur Frédéric Brice le prix de vente soit 89 000 F soit 13 567,96 euro et Monsieur Frédéric Brice restituer le véhicule.

La vente étant effectuée par un vendeur professionnel, celui-ci est présumé connaître les vices l'affectant et est donc tenu à réparer le préjudice subi par l'acquéreur.

Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice résultant pour Monsieur Frédéric Brice du vice de construction en relation avec le trouble de jouissance (2 000 euro), les frais de dépannage (73,93 euro) et le gardiennage (1 048,70 et 1 828,10 euro) ; Monsieur Frédéric Brice ne justifie pas du surplus de ses prétentions de ce chef.

Il convient donc de lui allouer de ce chef la somme de 4 950,73 euro,

Cette somme sera mise à la charge in solidum de la société Verstraete Multi Mécanique et de la SA Automobile Peugeot, celle-ci étant intervenue comme fabricant et vendeur à un garage hollandais et le sous-acquéreur étant recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire, également professionnel.

Sur l'appel en garantie formé par la société Verstraete Multi Mécanique contre la SA Automobile Peugeot

L'existence d'un vice de construction est caractérisé par les considérations sus-visées et la SA Automobiles Peugeot ne peut valablement invoquer le caractère hypothétique du vice affectant le véhicule neuf lors des ventes successives;

Peu importe donc la non-application en l'espèce des articles 1386-1 et 5 du Code civil qui ne concernent pas, en application de l'article 1386-2, la réparation du dommage résultant de l'atteinte au produit défectueux lui-même.

L'expiration du délai de garantie du constructeur d'un an s'avère inopérante en l'espèce alors que s'agissant d'un défaut caché de la chose vendue, la garantie issue des articles 1641 et suivants est applicable au professionnel, présumé connaître le vice dès lors que l'action a été engagée dans un bref délai après la découverte du vice et la mise en cause de la société Verstraete Multi Mécanique.

Le fait qu'il n'existe pas de lien contractuel direct entre la SA Automobiles Peugeot et la société Verstraete Multi Mécanique ne prive pas cette dernière de son droit d'action directe contre le fabricant vendeur, l'action étant transmise au sous-acquéreur.

Au vu de ces considérations, il convient de faire droit à l'appel en garantie formé par la société Verstraete Multi Mécanique et de condamner la SA Automobiles Peugeot à la garantir de la condamnation à dommages et intérêts prononcée à sort encontre.

En ce qui concerne le remboursement du prix et la restitution du véhicule, conséquence de la résolution de la vente intervenue entre la société Verstraete Multi Mécanique et Monsieur Frédéric Brice, aucune condamnation ne peut être prononcée contre la SA Automobiles Peugeot qui n'a pas bénéficié du prix versé par Monsieur Frédéric Brice et à l'encontre de laquelle aucune demande en résolution de vente n'est formée.

Sur les autres demandes

Les premiers juges ont fait une juste application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire une nouvelle application de ce texte en appel.

Les dépens de première instance et d'appel engagés par Monsieur Frédéric Brice seront supportes par moitié par les sociétés Verstraete Multi Mécanique et Automobiles Peugeot, lesquelles supporteront, en outre leurs propres dépens et les frais d'expertise.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par voie de réformation partielle: - Prononce la résolution de la vente du véhicule Peugeot 306 XS DT intervenue le 20 décembre 1997 entre la société Verstraete Multi Mécanique et Monsieur Frédéric Brice; - Condamne, en conséquence, la société Verstraete Multi Mécanique à rembourser à Monsieur Frédéric Brice le prix soit 89 000 F soit 13 567,96 euro (treize mille cinq cent soixante sept euro et quatre vingt seize centimes,); - Ordonne la restitution par Monsieur Frédéric Brice à la société Verstraete Multi Mécanique du véhicule; - Condamne in solidum la société Verstraete Multi Mécanique et la SA Automobiles Peugeot à payer à Monsieur Frédéric Brice la somme de 4 950, 73 euro (quatre mille neuf cent cinquante euro et soixante treize centimes) à titre de dommages et intérêts ; - Reçoit l'appel en garantie formé par la société Verstraete Multi Mécanique contre la SA Automobiles Peugeot et condamne cette dernière à garantir la société Verstraete Multi Mécanique de la condamnation à la somme de 4 950, 73 euro (quatre mille neuf cent cinquante euro et soixante treize centimes) ; Confirme le jugement déféré en ce qui concerne l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - Déboute les parties du surplus de leurs demandes; - condamne les sociétés Verstraete Multi Mécanique et SA Automobiles Peugeot à supporter chacune par moitié les dépens de première instance et d'appel engagés par Monsieur Frédéric Brice dont distraction au profil de la SCP Masurel-Thery-Laurent conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; - Laisse à la charge de chacune de ces sociétés leurs propres dépens de première instance et d'appel, ainsi que les frais d'expertise.

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