CA Bourges, ch. civ., 5 septembre 2005, n° 04-015854
BOURGES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
JP Linard (SARL)
Défendeur :
Mouret
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gaudet (faisant fonction)
Conseillers :
Mmes Le Meunier-Poels, Boutet
Avoués :
Mes Leroy des Barres, Guillaumin
Avocats :
Mes Pillet, Milet
LA COUR,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant facture du 22 août 2000, Madame Mouret a acheté à la SARL JP Linard un pulvérisateur d'occasion de marque Technoma, pour un prix hors taxe de 20 000 F.
Par courrier du 10 novembre 2000, elle a informé la SARL JP Linard de ce que la pompe de l'engin était hors service, ainsi que la plupart des jets, et a sollicité la mise en jeu de son assurance.
Par assignation du 26 janvier 2001, elle a sollicité en référé l'organisation d'une expertise qui a été ordonnée par le Président du Tribunal d'instance de Sancerre le 13 mars 2001.
L'expert désigné en remplacement le 29 mai 2001, Monsieur Idée, a déposé son rapport le 12 décembre 2003. Il concluait que les dysfonctionnements constatés rendent le pulvérisateur impropre à son usage par la vétusté de ses différents organes de pulvérisation et motorisation, que le remplacement de la pompe défectueuse et la reprise des différents organes de pulvérisation et motorisation représentent la somme de 7 012,42 euro toutes taxes comprises, que le matériel vendu avait donc un vice caché que la SARL JP Linard n'a pas contôlé ou a ignoré pour assurer la vente ;
Madame Mouret a fait assigner la SARL JP Linard par acte du 31 décembre 2003 devant le Tribunal d'instance de Sancerre, sollicitant la condamnation du vendeur à lui payer 7 012,42 euro outre article 700 et dépens et se réservant de réclamer ultérieurement son préjudice d'exploitation.
La SARL JP Linard a conclu au débouté de Madame Mouret.
VISAS
Vu le jugement rendu le 13 juillet 2004, qui a:
- déclaré que le pulvérisateur vendu était bien affecté d'un vice caché le rendant impropre à sa destination;
- dit n'y avoir lieu à prise en charge par la SARL JP Linard de la réparation de la pompe de pulvérisation;
- condamné la SARL JP Linard à payer à Madame Mouret la somme de 2 096,73 euro au titre de la remise en état de l'appareil;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire;
- condamné la SARL JP Linard à payer 500 euro à Madame Mouret par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamné la SARL JP Linard aux dépens;
Vu les dernières conclusions en date du 3 décembre 2004 de la SARL JP Linard demandant à la cour de débouter Madame Mouret de l'ensemble de ses prétentions, subsidiairement, d'ordonner une mesure de contre-expertise, en tout état de cause de lui allouer 3 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions en date du 14 janvier 2005 de Madame Mouret demandant à la cour de confirmer le jugement déféré sur le fondement des articles 1116 et suivants et 1641 et suivants du Code civil, et de lui allouer 3 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
SUR QUOI, LA COUR
Attendu que devant la cour, le litige ne porte que sur la condamnation à paiement de 2 096,73 euro, prononcée par le premier juge au titre du remplacement de la pompe du pulvérisateur, les autres travaux de remise en état ayant été exclus par le jugement déféré comme ne relevant pas d'un vice caché, et Madame Mouret n'ayant pas fait d'appel incident;
Attendu que la SARL JP Linard note qu'il n'est pas démontré que la pompe présentée à l'expert ait été celle montée sur le pulvérisateur vendu; qu'elle conteste l'existence d'un lien de causalité entre les défauts constatés sur les pièces détachées de la pompe examinée et l'usure normale de la pompe, et soutient que la preuve d'une panne ou d'un vice imputable à l'engin vendu n'est pas rapportée;
Attendu que Madame Mouret invoque la garantie du vice caché à laquelle la SARL JP Linard, professionnelle, ne saurait échapper, alors qu'elle-même, agricultrice, est incompétente en électromécanique ; qu'elle prétend trouver dans le rapport d'expertise judiciaire les constatations et analyses permettant d'établir l'état défectueux de la pompe dû à sa vétusté; qu'elle recherche également la responsabilité de la SARL JP Linard sur le fondement du dol, soutenant que le vendeur a dissimulé l'état véritable de l'appareil pour parvenir à la vente, proposant par publicité un "très beau pulvérisateur";
Attendu qu'en vertu de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine; que, dans ce cas, l'article 1644 permet à l'acheteur de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix;
Attendu qu'il appartient à Madame Mouret, demanderesse à la garantie, d'établir d'abord l'existence d'un vice coché affectant la pompe du pulvérisateur au moment de la livraison de l'appareil;
Attendu qu'il n'est pas contesté que l'appareil n'a pas fait l'objet d'une démonstration de fonctionnement au moment de la livraison, le 22 août 2000, ni même au moment de la commande le 3 juillet précédent;
Attendu toutefois que la SARL JP Linard soutient avoir livré un appareil dont elle avait contrôlé l'état de marche, et notamment celui de la pompe ; que cette affirmation est confortée par l'attestation de Monsieur Decouchant, précédent propriétaire du pulvérisateur, qui déclare avoir fait reprendre l'appareil en parfait état de marche sauf soudures à effectuer sur le support de rampe (annexe 10 du rapport); que Monsieur Jouanin, chef d'atelier à la SARL JP Linard, certifie que le pulvérisateur a été contrôlé en atelier et était en parfait état de marche (annexe 8 du rapport); qu'un état de préfacturation du service après-vente de la SARL JP Linard montre diverses interventions sur le pulvérisateur en juin, juillet et août 2000, dont un contrôle général et des essais à l'eau (avec la mention rien à signaler) (annexe 11 du rapport) ; que ces éléments sérieux et concordants permettent de retenir que le pulvérisateur a été contrôlé par le vendeur et livré en état de marche, avec une pompe fonctionnant nécessairement pour que les essais à l'eau aient été concluants;
Attendu qu'il n'est pas démenti que lors de la livraison le 22 août 2000, l'appareil a été démonté pour être transporté par Madame Mouret dans un fourgon et sur une remorque pour effectuer la distance d'Henrichemont (Cher) à Saint-Christol (Var); qu'il a été remonté par la propriétaire et son mari ; que lors d'une utilisation en octobre 2000, dont aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer que c'était la première depuis la vente, le pulvérisateur a présenté une panne, dont Monsieur Laurent, mécanicien de la société Blanc Rochebois appelée en dépannage, atteste qu'elle était due à la pompe (annexe 13 du rapport) ;
Attendu qu'il ressort des photos de la pompe démontée présentées par l'expert, mais surtout du témoignage de Monsieur Laurent (annexe 13 du rapport), de Monsieur Grumper, inspecteur technique de Tecnoma (annexe 18 du rapport) et du devis de remise en état de la pompe établi le 31 octobre 2000 à la suite de cette panne (annexe 4 du rapport), que cette panne a mis en évidence "une bielle hors service plus les ... de piston", que "sur l'un des pistons guide, le filetage par un effet inconnu a cassé: la tige avec son joint de piston se trouvant libre s'est mise à flotter dans le cylindre, la pompe n'a plus fonctionné", et que seul le remplacement d'un piston et d'un axe a été prévu au devis;
Attendu qu'aucun élément ne permet de dire que la détérioration d'un piston était acquise lors de la livraison du pulvérisateur ; que les contrôles positifs effectués par la SARL JP Linard semblent montrer le contraire;
Attendu que la preuve n'est pas non plus rapportée que la cassure du filetage à l'origine de la défection de la pompe est la conséquence d'une usure anormale pour un matériel de treize ans d'age ; que l'expert judiciaire qui incrimine dans ses conclusions la vétusté des pièces internes de la pompe, ne donne aucune indication sur le caractère anormal de cette usure, qu'il se borne à reprendre les constatations faites par l'ingénieur qualité responsable service après-vente de Tecnoma, qui pourtant spécifie que "l'ensemble des pièces déposées ne permet aucun commentaire particulier, l'examen physique avant et après remontage de la pompe étant nécessaire.... aucun élément ne permet de doter la fabrication de la pompe ni des entretiens réalisés, ni de l'utilisation" (annexe 12 du rapport) : qu'enfin, l'inspecteur technique de Tecnoma présent lors de la réunion d'expertise du 26 mars 2002, a spécifié dans son bordereau d'intervention (annexe 18 du rapport) "rien d'anormal au niveau des jeux de fonctionnement, les jeux constatés sont des jeux d'usure (normaux)";
Attendu qu'en conséquence, la preuve n'est pas rapportée de ce qu'au moment de la livraison du pulvérisateur Tecnoma à Madame Mouret le 22 août 2000, la pompe de l'appareil était atteinte d'un vice caché consistant soit en un piston défectueux, soit en un état d'usure anormal expliquant la défectuosité d'un piston quelques mois plus tard ; que Madame Mouret doit être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 1641 du Code civil;
Attendu que sa demande ne peut non plus prospérer sur le fondement du dol, alors qu'il ne résulte pas des éléments exposés ci-dessus que la SARL JP Linard ait eu connaissance avant la livraison d'un vice affectant le pulvérisateur, et ait eu recours à des manœuvres ou des mensonges pour tromper l'acheteuse et la déterminer à contracter;
Attendu que le jugement déféré doit être infirmé et Madame Mouret déboutée de sa demande;
Attendu que Madame Mouret, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire; que la SARL JP Linard, qui n'a pas pris la précaution de faire fonctionner le pulvérisateur devant Madame Mouret lors de la vente, ouvrant ainsi la possibilité du litige, conservera la charge de ses frais irrépétibles;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit l'appel ; Au fond, le dit justifié ; Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement déféré ; Statuant à nouveau, Déboute Madame Mouret de sa demande en paiement de 2 096,73 euro dirigée contre la SARL JP Linard au titre de la remise en état du pulvérisateur ; Déboute la SARL JP Linard de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Madame Mouret aux dépens de première instance et d'appel qui comprennent les frais de l'expertise judiciaire, et alloue à Maître Le Roy des Barres, avoué, le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.