CA Colmar, 3e ch. civ. A, 27 juin 2005, n° 04-00620
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
El Moussati
Défendeur :
Beuf Yassine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Waltz
Conseillers :
Mmes Schirer, Mazarin
Avocats :
Mes Ehret, Bueb
LA COUR,
Selon bon de commande du 27 janvier 2000, Monsieur El Moussati a acheté à Fribourg en Allemagne, à Monsieur Yassine, marchand de véhicules d'occasion, un véhicule automobile Chrysler Voyager immatriculé WT-L 131; il aurait selon lui pris possession de ce véhicule en avril 2000; il l'a revendu le 10 juin 2002 pour 4 800,00 euro à Monsieur Beuf.
Par jugement an date du 5 mars 2003, le Tribunal d'instance de Mulhouse a prononcé la résolution de la vente pour vices cachés et condamné Monsieur El Moussati à rembourser à Monsieur Beuf la somme de 4 800,00 euro ainsi que la somme de 196,00 euro pour frais de carte grise et à lui payer en outre la somme de 600,00 euro par application de l'article 700 du NCPC.
Monsieur El Moussati a interjeté appel de ce jugement.
Il fait valoir au soutien de son appel:
- qu'il conteste les conclusions de l'expert,
- que l'expertise retenue par le premier juge n'est pas contradictoire, faite à la demande de la compagnie d'assurance de Monsieur Beuf dans l'intérêt de celui-ci qu'elle ne lui est pas opposable;
- qu'aucun vice caché existant au moment de la vente n'est prouvé;
- qu'il n'a effectué que 45 000 km avec son véhicule;
- qu'en tout état de cause, le premier juge aurait dû ordonner à l'acheteur de lui restituer le véhicule;
- que la demande adverse relative a un montant de 94,64 euro pour Florival Autos, plus 306,00 euro pour l'expert, plus 2 307,80 euro pour des frais de gardiennage ne peut qu'être rejetée en application de l'article 1646 du Code civil;
- qu'en cas de condamnation, il entend se retourner contre son propre acheteur qu'il appelle en garantie.
Il conclut:
En la forme, déclarer l'appel régulier et recevable.
- Au fond, infirmer le jugement du tribunal d'instance de Thann du 5 mars 2003.
Statuant à nouveau:
débouter le demandeur et intimé de toutes ses fins et conclusions an le condamnant aux entiers frais et dépens, plus un montant de 1 500,00 euro au titre de l'article 700 du NCPC,
Subsidiairement, en cas de confirmation du jugement entrepris, ordonner que Monsieur Beuf restitue à Monsieur El Moussati le véhicule automobile Chrysler Voyager, objet de la présente procédure,
Sur l'appel incident et la demande additionnelle:
déclarer les conclusions prises de ce chef mal fondées,
en débouter l'intimé, mettre les frais à sa charge,
Sur l'appel en garantie:
condamner Monsieur Yassine à décharger Monsieur EL Moussati de toutes condamnations an principal, intérêts et frais prononcées à son encontre,
le condamner en outre à payer à Monsieur El Moussati un montant de 1 500,00 euro à titre de dommages-intérêts,
le condamner aux entiers frais et dépens, y compris un montant de 1 500,00 euro au titre de l'article 700 du NCPC,
donner acte à Monsieur El Moussati de ce qu'il tient le véhicule à la disposition de Monsieur Yassine lorsque celui-ci lui aura été rendu par Monsieur Beuf.
Monsieur Frédéric Beuf fait valoir:
- que les vices cachés existaient au moment de la vente ainsi que cela résulte de l'expertise de Monsieur Chiavelli;
- que la résolution de la vente entraîne de plein droit l'obligation de restituer le véhicule, à charge pour Monsieur El Moussati d'en prendre possession, ce qu'il n'a pas fait, de sorte que le véhicule est resté entreposé aux frais de l'acheteur;
- qu'il réclame les frais de dépannage s'élevant à 94,64 euro, les frais d'expertise qui a coûté 306,00 euro ainsi que les frais de gardiennage s'élevant à 2 307,80 euro.
Il conclut:
déclarer Monsieur El Moussati mal fondé en son appel,
le rejeter,
déclarer Monsieur Beuf recevable et fondé en son appel incident et en ses conclusions additionnelles, outre les montants alloués par le premier juge, condamner Monsieur El Moussati à payer à Monsieur Beuf la somme de 2 708,44 euro avec les intérêts de droit à partir du jour de la signification de l'arrêt à intervenir,
confirmer le jugement pour le surplus,
statuer ce que de droit sur l'appel en garantie,
condamner Monsieur El Moussati aux entiers dépens et à payer au concluant pour la procédure d'appel Sa somme de 1 500,00 euro en vertu de l'article 700 du NCPC.
Monsieur Yassine, régulièrement assigné selon la convention internationale applicable, n'a pas constitué' avocat.
SUR CE
Attendu que l'appel interjeté dans les formes et délais légaux est recevable ;
Attendu que dès le 15 juillet 2002, alors que le véhicule avait été acheté par Monsieur Beuf le 10 juin 2002, celui-ci adressait un courrier à Monsieur El Moussati pour lui faire part de ce que son garagiste l'avait averti que le turbo était cassé et que la pompe à eau était sur le point de casser aussi an lui demandant s'il acceptait de participer financièrement aux réparations ; qu'en l'absence de réponse, il a saisi son assureur du problème
Attendu que Monsieur Vincent Chiavelli, chargé d'une mission d'expertise privée par l'assureur de protection juridique de Monsieur Beuf, a convoqué aux opérations d'expertise tant Monsieur BEUF que Monsieur El Moussati, lequel ne s'est toutefois pas présenté sans faire valoir aucun motif;
Qu'il a par la suite été débattu de cette expertise de manière contradictoire tant au cours de la procédure de première instance qu'en appel;
Que Monsieur El Moussati qui la conteste ne la contredit pas utilement;
Attendu an effet que l'expert a relevé, dans un rapport an date du 18 septembre 2002, qu'il existe une fuite au niveau de la pompe à eau ainsi qu'une fuite d'huile au niveau du joint anti-fuite sortie vilebrequin, que le turbo comporte un point dur au niveau de l'axe de la turbine et qu'il est hors service:
Que l'expert a relevé également que le kilométrage réel du véhicule ne correspond pas à celui affiché au compteur, que le contrôle du kilométrage selon le modulateur, avec le testeur DRBII, indique 134 486 à 134 586 miles soit 215 177 à 215 337km;
Que l'expert a précisé en outre que, selon l'ordinateur central Chrysler, le 7 octobre 1996 le véhicule totalisait déjà 98 803 km et que depuis presque six ans se sont écoulés ; que par ailleurs trois campagnes de rappels par le constructeur n'ont pas été effectuées à savoir un rappel pour modification airbag, un rappel pour remplacer le frein à main, un rappel pour la modification de la serrure de hayon;
Attendu que Monsieur El Moussati ne justifie pas du kilométrage du véhicule lors de l'achat à son vendeur an Allemagne ; qu'il a vendu ce véhicule le 10 juin 2002 an présentant un rapport de contrôle technique faisant état d'un kilométrage de 144 579 km;
Que le fait que le rapport de contrôle technique du 13 avril 2000 faisait état d'un kilométrage au compteur de 98 691 km est sans emport dès lors qu'il est établi que le 7 octobre 1996 le véhicule totalisait déjà un kilométrage de 98 803 km ; que l'expert ayant relevé que le kilométrage figurant au compteur est erroné, l'indication d'un kilométrage de 144579 lors du contrôle technique du 23mai 2002 est également sans emport;
Attendu surtout que l'expert a expressément mentionné que les désordres présentés par le véhicule existaient déjà au moment de la transaction et que l'acheteur ne pouvait pas les déceler sur simple essai;
Qu'il s'évince de son rapport que tant le turbo que la courroie de la pompe à eau nécessitent réparation pour permettre l'usage du véhicule;
Que Monsieur El Moussati ne démontre pas que contrairement aux conclusions de l'expert, Monsieur Beuf aurait d'une quelconque manière détérioré le turbo ou la pompe à eau ou qu'il s'agissait des conséquences d'une usure normale ce que n'a pas retenu l'expert;
Que dès lors le premier juge a, à bon droit, ordonné la résolution de la vente
Attendu qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que Monsieur El Moussati serait un professionnel de la vente ; qu'il n'est pas démontré qu'il connaissait les vices de la chose; qu'en application de l'article 1646 si le vendeur ignorait le vice de la chose il ne sera tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente;
Que les frais occasionnés par la vente s'entendent des dépenses directement occasionnées par la conclusion du contrat;
Que le premier juge a par conséquent alloué à juste titre à Monsieur Beuf la somme de 196,00 euro représentant les frais de carte grise à l'exclusion des frais de réparation et d'expertise ou de tout autre montant;
Attendu que si la résolution de la vente entraîne pour l'acheteur l'obligation de restituer le véhicule et pour le vendeur l'obligation de restituer le prix, force est de constater que le jugement dont appel n'a pas précisé toutefois qu'il appartenait à Monsieur El Moussati d'en prendre possession ou de le chercher en un lieu donné ; que Monsieur Beuf ne l'a à aucun moment sommé de reprendre le véhicule ; que dans ces conditions il ne saurait être fait droit à sa demande relative aux frais de gardiennage;
Attendu que la décision dont appel sera donc confirmée et l'appel incident et la demande additionnelle de Monsieur Beuf rejetés;
Sur l'appel en garantie
Attendu que Monsieur Yassine n'ayant pas été assigné à personne, il sera statué à son égard par défaut;
Attendu que le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action an garantie des vices cachés contre le vendeur originaire;
Que la garantie du vendeur ne peut toutefois être retenue que si les vices existaient déjà lors de la vente;
Or attendu qu'en l'espèce le véhicule a été livré à Monsieur El Moussati en avril 2000 et qu'il l'a revendu à Monsieur Beuf en juin 2002 ; que rien ne permet de tenir pour acquis que les vices existaient déjà lorsque le véhicule a été vendu par Monsieur Yassine à Monsieur El Moussati, alors que plus de deux ans se sont écoulés entre la première et la deuxième vente ; que le contrat de vente ne précise aucun kilométrage et que le kilométrage mentionné au compteur à cette date n'est pas connu;
Que l'appel an garantie ne saurait ainsi prospérer
Attendu que l'issue du litige conduit à condamner Monsieur El Moussati, qui a vendu à Monsieur Beuf un véhicule atteint de vices cachés, aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 500,00 euro par application de l'article 700 du NCPC, l'équité le commandant.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare recevable en la forme tant l'appel principal que l'appel incident et la demande additionnelle; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Déboute Monsieur Beuf de sa demande additionnelle; Déboute Monsieur El Moussati de son appel en garantie dirigé contre Monsieur Yassine; Condamne Monsieur El Moussati aux entiers dépens d'appel; Le Condamne à payer à Monsieur Beuf la somme de 500,00_ (cinq cents euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.