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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 16 juin 2005, n° 01-00243

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Altuner

Défendeur :

Schwartz (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Werl

Conseillers :

Mmes Schirer, Vieilledent

Avocats :

Mes Rosenblieh, Welschinger, Wiesel, Dubois, Schneider

TGI Strasbourg, du 14 déc. 2000

14 décembre 2000

Attendu que selon bon de commande du 24 octobre 1998, Monsieur Altuner a acquis auprès du garage SA Schwartz, concessionnaire des marques Volkswagen et Audi à Haguenau un véhicule d'occasion de marque Renault, modèle Safrane de l'année 1994, ayant parcouru 109 000 kilomètres, au prix de 88 000 F TTC, avec une garantie contractuelle de six mois;

Attendu que Monsieur Altuner assignait le 18 octobre 1999 la SA Schwartz devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg sur le fondement de la garantie des vices cachés, aux lins de résolution du contrat de vente du véhicule et restitution du prix, au motif que dès juillet 1999, alors qu'il n'avait parcouru que 11 000 kilomètres, le système de distribution du véhicule devait être entièrement changé, cette opération entraînant un surcoût de 20 000 F;

Attendu que par jugement du 14 décembre 2000, le Tribunal de grande instance de Strasbourg déboutait Monsieur Altuner de sa demande principale et la société Schwartz de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts ; que pour se prononcer ainsi, le premier juge a notamment relevé que le véhicule acquis par le demandeur n'était pas intrinsèquement défectueux et que le remplacement du système de distribution, compte tenu de son usure normale en juin 1999, était nécessaire et prévu par le constructeur, aucun vice ne préexistant à la vente ; que les conditions de l'action en garantie des vices cachés n'étaient donc pas remplies;

Attendu que par déclaration reçue au greffe le 15 janvier 2001, Monsieur Altuner a interjeté appel contre ce jugement dans des conditions de recevabilité qui apparaissent régulières;

Attendu que par arrêt avant dire droit prononcé le 30 janvier 2003, la cour a ordonné une expertise et commis Monsieur Houzelle pour y procéder, que l'expert a déposé son rapport le 3 novembre 2003;

Attendu que dans le dernier état de ses conclusions déposées le 27 février 2004, Monsieur Altuner demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau:

- A titre principal, de prononcer la résolution de la vente, de donner acte à Monsieur Altuner de ce qu'il tient le véhicule litigieux à la disposition de la société Schwartz, de condamner celle-ci à lui verser le prix de vente soit 13 415,51 euro portant intérêts au taux légal à compter de sa demande, ainsi qu'à des dommages et intérêts à chiffrer,

- A titre subsidiaire, de dire que la société Schwartz s'est rendue auteur d'une réticence dolosive ayant vicié son consentement, en conséquence d'annuler la vente et de condamner la défenderesse à lui restituer le prix ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts,

- A titre infiniment subsidiaire, de dire que la SA Schwartz a manqué à son obligation précontractuelle de conseil, puis contractuelle de garantie, et la condamner à lui payer 4 446,34 à titre de dommages et intérêts,

- En tout état de cause, de condamner la société Schwartz aux entiers dépens et à lui payer 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu qu'au soutien de son appel, Monsieur Altuner fait essentiellement valoir:

- que le véhicule était affecté d'un vice de fabrication ou de conception du moteur qui était nécessairement préexistant à la vente,

- que ce vice présente les caractéristiques d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil,

- qu'il ne peut être imputé au demandeur une mauvaise maîtrise de la conduite du véhicule,

- qu'en tout état de cause, le garage Schwartz a vendu le véhicule à Monsieur Altuner sans informer celui-ci de la nécessité, qu'il savait, de remplacer la courroie de distribution;

Attendu que dans le dernier état de ses conclusions déposées le 9 septembre 2004, la SA Schwartz demande à la cour de rejeter l'appel, de confirmer le jugement entrepris et de condamner Monsieur Altuner aux entiers frais et dépens ainsi qu'à lui verser 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle fait valoir que:

- jusqu'en juillet 1999, Monsieur Altuner ne s'est jamais plaint auprès d'elle d'une défaillance du moteur,

- que les conclusions de Monsieur Untereiner, expert mandaté par le demandeur, sont fantaisistes,

- que les opérations d'entretien préconisées ne peuvent être considérées comme une panne ou un vice,

- le rapport de l'expert judiciaire, Monsieur Houzelle, attribue le désordre affectant la pignonnerie de distribution à un rétrogradage intempestif du conducteur, autrement dit à une erreur de conduite de Monsieur Altuner;

Vu l'ordonnance de clôture du 17 décembre 2004;

Vu les conclusions susvisées, l'ensemble de la procédure et les pièces produites par les parties;

EN CET ETAT:

Attendu que Monsieur Altuner demande successivement la résolution de la vente en conséquence de la garantie des vices cachés à laquelle est tenue la SA Schwartz par application de l'article 1641 du Code civil, l'annulation de la vente pour vice de son consentement en raison de la réticence dolosive qu'il impute à la défenderesse et ce sur le fondement des articles 1109 et 1116 du même code, et enfin des dommages et intérêts en raison du préjudice causé par les manquements de la SA Schwartz à son obligation précontractuelle de conseil et contractuelle de garantie;

Attendu que le premier juge, au vu des éléments dont il disposait et notamment de l'expertise non judiciaire de Monsieur Untereiner, a écarté l'existence d'un vice caché en retenant que le remplacement des pignons et courroies de distribution correspondait à l'usure normale du véhicule à la date de l'examen de l'expert fin juin 1999, aucun vice préexistant à la vente, en octobre 1998, n'affectant la voiture ; que l'expert judiciaire, Monsieur Houzelle, dans son rapport définitif du 29 octobre 2003, a constaté: " une usure prématurée des pignons de sortie de vilebrequin. En analysant le phénomène, on s'aperçoit que l'usure et la casse des dentures de pignons proviennent d'une déformation de l'embout de vilebrequin. Cette déformation a été provoquée par un effort anormalement élevé au niveau de ces pignons. A la suite de la déformation de l'embout de vilebrequin, le pignon a décrit un mouvement elliptique. Les pignons ont frotté les uns contre les autres en s'usant de manière anormale ";

Attendu que dans le cadre de ses investigations et en exécution de sa mission (points 3 et 4 notamment), l'expert judiciaire a en outre estimé que le véhicule ne présentait pas d'anomalie perceptible et que son système de distribution n'était pas anormalement usé au moment de la vente ; qu'il souligne que la déformation du vilebrequin s'est produite au moment où Monsieur Altuner en était propriétaire et conclut que "l'origine de l'incident mécanique dont Monsieur Altuner a été victime, relève d'un défaut de conduite qui sur ce modèle a été aggravé par une fragilité de certains organes du moteur";

Attendu qu'il ressort de ce rapport que Monsieur Houzelle, pas plus que Monsieur Untereiner, n'a constaté l'existence d'un vice caché du véhicule, existant au moment de la vente, au sens de l'article 1641 du Code civil, la fragilité" de l'embout de vilebrequin évoquée par l'expert judiciaire ne rendant pas le véhicule impropre à son usage et ne le diminuant pas, le désordre dont se plaint Monsieur Altuner résultant d'un défaut de conduite, en l'espèce un "effort anormalement important" de nature à déformer l'embout de vilebrequin, lui étant exclusivement imputable, l'expert citant l'hypothèse d'opérations de rétrogradation des vitesses directement de la cinquième à la seconde ; que cette conclusion est d'autant plus crédible que selon les éléments recueillis, la déformation du vilebrequin n'existait pas lorsque la SA Schwartz a repris le véhicule à son précédent propriétaire Monsieur Griesmer en septembre 1998 et que Monsieur Altuner, qui a eu recours au garage Schwartz pour procéder à diverses interventions mineures (climatisation, plafonnier, feu clignotant ...) entre décembre 1998 et mars 1999, ne s'est jamais plaint d'anomalies affectant la distribution, celles-ci n'ayant été évoquées qu'en juin 1999 à la suite "d'un bruit anormal du moteur" qui a motivé le recours à l'expertise de Monsieur Untereiner ; qu'il s'en déduit nécessairement que le phénomène de déformation s'est produit courant 1999 alors que Monsieur Altuner conduisait le véhicule, aucun élément du dossier ne permettant de l'imputer à un usage antérieur à la vente;

Attendu, dans ces conditions, que Monsieur Altuner ne peut se prévaloir de la garantie des vices cachés pour demander la résolution du contrat de vente;

Attendu que la demande subsidiaire aux fins d'annulation de ce contrat sur le fondement du vice du consentement, du fait de la réticence dolosive reprochée au vendeur, ne peut pas plus prospérer, compte tenu de l'origine de l'incident mécanique dont se plaint Monsieur Altuner et qui lui est imputable, la seule ressource de l'appelant consistant à déplorer le silence du garage Schwartz sur la fragilité de l'embout de vilebrequin, élément secondaire de cet incident; que force est de constater que non seulement ce fait n'est pas à l'origine dudit incident, mais encore que Monsieur Altuner ne démontre pas sa dissimulation par la défenderesse, tous les éléments réunis au cours de la procédure tendant au contraire à établir que le garage Schwartz, qui n'est pas concessionnaire de la marque Renault, a repris un véhicule en bon état et sans désordre affectant le système de distribution ; qu'aucune manœuvre dolosive de la société défenderesse n'est donc établie;

Attendu, enfin, que Monsieur Altuner ne fournit guère d'explications sur les manquements de la SA Schwartz qu'il allègue, à "l'obligation précontractuelle de conseil, puis contractuelle de garantie", alors que la défenderesse a vendu à l'appelant un véhicule d'occasion en bon état et n'était pas tenue de rappeler à l'acquéreur les évidentes opérations d'entretien qui s'imposent à tout propriétaire de voiture et qui sont préconisées par les constructeurs, une telle opération étant dans le cas d'espèce prévue à 120 000 kilomètres, Monsieur Untereiner précisant dans son rapport que l'échange des pignons et des courroies était ainsi prévu par le constructeur à ce stade du kilométrage;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de Monsieur Altuner est dépourvue de tout fondement et qu'il ne peut qu'être débouté de son action;

Attendu que l'issue du litige conduit à dire que Monsieur Altuner supportera les entiers frais et dépens de l'instance d'appel, y compris les frais d'expertise, et sera condamné à payer à la SA Schwartz une somme de 1 200 euro au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare l'appel recevable mais mal fondé, Confirme le jugement entrepris, Condamne Monsieur Altuner aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel, y compris les frais d'expertise, ainsi qu'à payer à la SA Schwartz une somme de 1 200 (mille deux cents euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.