CA Nancy, 1re ch. civ., 15 décembre 2005, n° 02-01096
NANCY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Petricic, Garage Auto Sélection
Défendeur :
Zingarelli
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dory
Conseillers :
MM. Schambre, Jobert
Avoués :
SCP Bonet-Leinster-Wisniewski, SCP Chardon Navrez
Avocats :
Mes Kremser, Mallet
LA COUR,
En octobre 1999, Monsieur Antoine Zingarelli a acheté à Monsieur Michel Petricic, exploitant un garage automobile à l'enseigne "Autos Sélection", un véhicule Golf d'occasion pour un prix de 135 000 F selon l'acheteur et de 122 000 F selon le vendeur.
Par exploit signifié le 28 août 2001, Monsieur Zingarelli a assigné Monsieur Petricic devant le Tribunal de grande instance de Briey en vue d'obtenir la résolution de ce contrat de vente, la condamnation à lui rembourser le prix de vente, soit 135 000 F, à lui payer la somme de 20 000 F pour trouble de jouissance, la somme de 10 000 F de dommages et intérêts, la somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure.
Le demandeur a fait valoir qu'il résultait d'une expertise judiciaire ordonnée en référé que le véhicule vendu présentait des vices cachés le rendant impropre à son usage.
Le défendeur a conclu au débouté du demandeur et a sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure.
Par jugement du 17 janvier 2002, le Tribunal de grande instance de Briey a prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente liant les parties, condamné Monsieur Petricic à rembourser la somme de 14 863,78 euro (97 500 F) à Monsieur Zingarelli, à lui payer la somme de 1 524,49 euro pour trouble de jouissance, la somme de 762,25 euro de dommages et intérêts, la somme de 762,25 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure.
Par déclaration reçue le 15 avril 2002 au secrétariat-greffe de la Cour d'appel de Nancy, Monsieur Petricic a interjeté appel de ce jugement.
Selon des écritures récapitulatives du 26 juillet 2002, l'appelant a conclu à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il a demandé à la cour de débouter Monsieur Zingarelli de tous ses chefs de demande.
A titre subsidiaire, il a sollicité une contre-expertise du véhicule litigieux.
A titre encore plus subsidiaire, il lui a réclamé de constater l'impossibilité de restitution de ce véhicule et sa dépréciation en raison de son démontage.
En tout état de cause, l'appelant a demandé la condamnation de l'intimé à lui payer la somme de 762,25 euro + 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure.
A l'appui de son recours, Monsieur Petricic a fait valoir que:
- il existe des divergences très importantes entre le rapport d'expertise réalisé par l'expert de la MACIF et celui établi par l'expert judiciaire,
- le rapport d'expertise judiciaire présente des insuffisances et des contradictions,
- la réalité d'un vice caché affectant le véhicule n'est pas démontrée,
- à titre subsidiaire, l'acheteur est dans l'impossibilité de restituer le véhicule puisque le véhicule a été entièrement démonté pour l'expertise judiciaire et n'a pas été remonté, cette situation entraîne de plus une importante dépréciation.
La cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens exposés par l'appelant dans ses conclusions récapitulatives du 26 juillet 2002 ;
Selon des écritures récapitulatives du 20 avril 2005, Monsieur Zingarelli a conclu à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a limité le montant du remboursement du prix de vente à la somme de 14 863,78 euro (97 500 F).
Il a demandé à la cour de condamner Monsieur Petricic à lui rembourser la somme de 20 580,62 euro (135 000 F) au titre du prix de vente avec les intérêts au taux légal à compter du 20 février 2001. L'intimé, appelant incident, a, par ailleurs, sollicité de la cour que Monsieur Petricic soit débouté de tous ses chefs de demande, qu'il soit condamné à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure.
Monsieur Zingarelli a répliqué à Monsieur Petricic que:
- l'expertise judiciaire a mis en évidence l'existence de désordres au niveau de la partie arrière atteignant la structure du véhicule et le rendant dangereux,
- le vendeur ne pouvait ignorer cette situation, en tant que vendeur professionnel, il était présumé connaître ces vices, le prix de vente du véhicule était de 135 000 F dont 27 500 F devait être payé par la reprise d'un véhicule BMW, conformément au bon de commande signé par les parties, et non de 122 000 F avec une reprise du véhicule BMW pour 15 000 F comme indiqué à tort dans le jugement,
- il n'y avait pas lieu de déduire la somme de 10 000 F au titre de l'utilisation du véhicule compte tenu de la mauvaise foi du vendeur,
- il ne lui incombe pas de procéder au remontage du véhicule après son expertise.
La cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens exposés par les parties dans leurs conclusions récapitulatives du 20 avril 2005
MOTIFS:
1) Sur le rapport d'expertise judiciaire
Attendu que l'expert judiciaire a déposé son rapport daté du 6 juin 2001 ;
Attendu qu'il a accompli des investigations approfondies qui l'ont amené à faire démonter le véhicule dont s'agit;
Attendu que ses conclusions sont claires, cohérentes, complètes et dépourvues de contradictions;
Attendu que ce rapport peut être retenu pour la solution du litige;
2) Sur l'existence de vices cachés
Attendu que l'expert judiciaire indique dans ses conclusions que le véhicule litigieux avait été accidenté avant sa vente à Monsieur Zingarelli, qu'il avait été mal réparé, qu'il présentait des déformations de structure graves au point qu'il était dangereux et qu'enfin, ces dommages étaient indécelables par un non-professionnel;
Attendu qu'au vu de ces conclusions, les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés de la chose vendue sont réunies;
Attendu que l'accident à l'origine des désordres est antérieur à la vente;
Attendu que ces dommages rendent le véhicule impropre à son usage normal dans la mesure où les déformations structurelles qu'il a subies le rendent dangereux, les normes de sécurité du constructeur n'étant plus respectées;
Attendu enfin que ces vices ne pouvaient être découverts par un profane;
Attendu en conséquence que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente;
Attendu en revanche qu'il doit être infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur Petricic à rembourser à Monsieur Zingarelli la somme de 14 863,78 euro (97 500 F) au titre du prix de vente;
Attendu en effet qu'aux termes du bon de commande du 17 octobre 1999, le prix de vente était de 135 000 F (20 580,62 euro), et non de 122 000 F comme soutenu par le vendeur qui n'en apporte pas la preuve, payable par un versement de 107 500 F et une dation en paiement d'un véhicule d'une valeur de 27 500 F;
Attendu que conformément à l'article 1644 du Code civil, l'acheteur a droit à la restitution de l'intégralité du prix de vente, peu important les modalités de son paiement;
Attendu que le vendeur n'a pas fait valoir une contre créance liquide à l'encontre de l'acheteur, se contentant d'affirmer que le véhicule aurait subi une dépréciation du fait de son démontage sans formuler une demande précise à ce titre ;
Attendu que statuant à nouveau sur ce point, il convient de condamner Monsieur Petricic à payer à Monsieur Zingarelli la somme de 20 580,62 euro majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 août 2001, date de la signification de l'assignation en première instance au vendeur qui valait mise en demeure;
Attendu que si le véhicule a été démonté pour les besoins de l'expertise, il ne peut pas pour autant être considéré comme non restituable au vendeur;
Attendu que celui-ci peut le reprendre en l'état ou le remonter ou le faire remonter à ses frais dans la mesure où il est réputé en avoir toujours été le propriétaire compte tenu de la résolution judiciaire du contrat de vente;
Attendu qu'il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que Monsieur Petricic pourrait reprendre possession du véhicule, dès remboursement intégral du prix de vente, à charge pour lui d'honorer les éventuels frais de gardiennage;
Attendu que la décision entreprise doit aussi être confirmée en ce qu'elle a condamné le vendeur à payer à l'acheteur les sommes de 1 524,49 euro et 762,25 euro de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1645 du Code civil;
Attendu qu'en sa qualité de vendeur professionnel, Monsieur Petricic était présumé connaître les vices cachés du véhicule;
Attendu de plus que ces sommes réparent intégralement les chefs de préjudice subis par l'acheteur, à savoir un trouble de jouissance et un préjudice moral lié aux contrariétés créées par les désordres affectant le véhicule vendu;
Attendu enfin que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur Petricic, partie perdante, à payer à Monsieur Zingarelli la somme de 762,25 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure de première instance;
3) Sur les demandes des parties à hauteur d'appel
Attendu que l'équité commande que l'appelant soit condamné à payer à l'intimé la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que l'appelant partie perdante, supportera les frais et dépens d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2002 par le Tribunal de grande instance de Briey en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Monsieur Michel Petricic à rembourser à Monsieur Antoine Zingarelli la somme de quatorze mille huit cent soixante trois euro et soixante dix huit centimes (14 863,78 euro) majorée des intérêts de droit à compter du 20 février 2001; Statuant à nouveau dans cette limite: Condamne Monsieur Michel Petricic à rembourser à Monsieur Antoine Zingarelli la somme de vingt mille cinq cent quatre vingt euro et soixante deux centimes (20 580,62 euro) majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 août 2001; Condamne Monsieur Michel Petricic à payer à Monsieur Antoine Zingarelli la somme de mille deux cents euro (1 200 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Monsieur Michel Petricic aux frais et dépens d'appel et autorise la SCP Chardon et Navrez, avoués associés, à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.