CA Nancy, 1re ch. civ., 19 mai 2005, n° 04-01809
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Renault (SAS)
Défendeur :
Henry
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Dory
Conseillers :
MM. Schamber, Jobert
Avoués :
SCP Merlinge-Bach-Wassermann, SCP Bonet-Leinster-Wisniewski
Avocats :
Mes Schindler, Nakache
LA COUR,
Le 30 octobre 2000, Monsieur Gilles Henry a acheté un véhicule neuf Renault Espace auprès du concessionnaire Renault de Verdun;
Estimant que ce véhicule était atteint par un vice caché le rendant impropre à son usage , par exploit signifié le 20 novembre 2003, Monsieur Gilles Henry a assigné la SA Renault devant le Tribunal de grande instance de Verdun en vue d'obtenir sa condamnation à lui rembourser le prix de vente, soit la somme de 30 807 335 euro, à lui payer la somme de 5 009,49 euro au titre des frais de remplacement du moteur et du turbo, la somme de 1 500 euro de dommages et intérêts ; la somme de 700 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure;
La défenderesse, bien que touchée à personne par l'assignation, n'a pas constitué avocat devant le tribunal;
Par jugement réputé contradictoire du 22 avril 2004, le Tribunal de grande instance de Verdun a:
- prononcé la résolution de la vente du véhicule Renault Espace intervenue le 31 octobre 2000 entre les parties,
- condamné la SA Renault à payer à Monsieur Gilles Henry la somme de 5 009,49 euro au titre des frais exposés pour le changement du moteur, la somme de 750 euro au titre du trouble de jouissance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SA Renault à payer à Monsieur Gilles Henry la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la SA Renault aux frais et dépens de la procédure;
Le tribunal a considéré que les problèmes rencontrés par Monsieur Gilles Henry étaient liés à l'usure prématurée d'un pignon de distribution et qu'il s'agissait d'un vice caché que la SA Renault était censée connaître en sa qualité de professionnel;
Par déclaration reçue le 28 mai 2004 au secrétariat-greffe de la Cour d'appel de Nancy, la SAS Renault a interjeté appel de ce jugement;
Selon conclusions récapitulatives du 6 janvier 2005, l'appelante conclut à l'infirmation du jugement entrepris;
Elle demande à la cour de débouter Monsieur Gilles Henry de tous ses chefs de demande, de le condamner à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure;
A l'appui de son recours l'appelante fait valoir que:
- l'intimé n'apporte pas la preuve que le véhicule dont il s'agit soit atteint par un vice caché, antérieur à la vente et le rendant impropre à l'usage,
- le véhicule a été réparé et est en parfait état de marche de sorte que l'action en garantie des vices cachés n'est pas ouverte,
- en l'absence de preuve d'un vice caché, c'est à tort que les premiers juges ont accordé des dommages et intérêts à l'intimé;
La cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens développés par l'appelante dans ses conclusions récapitulatives du 6 janvier 2005;
Selon conclusions récapitulatives du 12 novembre 2004, Monsieur Gilles Henry conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions
Il sollicite en outre la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens de la procédure;
L'intimé réplique à l'appelante que:
- le véhicule a été affecté d'un vice caché constitué par une usure prématurée d'un pignon de distribution qui ne peut provenir que d'un mauvais usinage de cette pièce, ce qui engage la responsabilité du fabricant,
- la société Renault est un vendeur professionnel, tenu de connaître les vices affectant la chose vendue,
- bien qu'elle ne soit pas utile, l'intimé ne s'oppose pas à une expertise technique du véhicule;
La cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens développés par l'intimé dans ses conclusions récapitulatives du 12 novembre 2004;
SUR CE:
Attendu que l'appel apparaît irrecevable;
Attendu au fond et en droit que suivant les dispositions de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'ils les avait connus;
Attendu en l'espèce que le 17 avril 2003 dans une lettre adressée à Monsieur Henry, Monsieur Eric Preud'Homme, garagiste et agent Renault à Haudainville, a "attesté" que l'incident technique survenu le 15 janvier 2003 sur le véhicule Renault acquis par Monsieur Henry était dû à l'usure prématurée d'un pignon de distribution et que la dissémination de la limaille dans le circuit de lubrification avait imposé le remplacement du moteur et du turbo, "opération prescrite par le technocentre Renault" ; que Monsieur Henry produit la facture établie par Monsieur Preud'Homme et correspondant à l'exécution des travaux décrits plus haut (pièce n° 3 de la SCP Merlinge-Bach-Wassermann);
Attendu que ces éléments concordants, précis, circonstanciés suffisent, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise, à emporter la conviction de la cour et à démontrer tant l'existence d'un vice caché antérieur à la vente et non décelable par l'acheteur Monsieur Henry, que consécutivement à ce vice, l'impropriété à destination de l'automobile litigieuse, l'issue prématurée et donc anormale du pignon ayant pour effet de porter atteinte au bon fonctionnement du moteur;
Attendu certes que Monsieur Henry a fait procéder à la réparation de son véhicule; que cependant cette opération purement matérielle, qui ne rend nullement impossible la restitution de la chose, ne saurait avoir des conséquences juridiques que la loi ne prévoit pas et le priver du choix offert par l'article 1644 du Code civil dès lors que les conditions énoncées par l'article 1641 du Code civil ont été réunies jusqu'à la réparation dont le vendeur n'a d'ailleurs pas pris l'initiative ou accepté de supporter le coût;
Attendu que la société Renault, fabricant du véhicule, a la qualité de vendeur professionnel avec les conséquences prévues par l'article 1645 du Code civil ; qu'eu égard à la nature et aux conséquences du vice, aux travaux effectués par Monsieur Henry, le premier juge a exactement apprécié les préjudices subis et justement condamné la SA Renault au paiement des sommes susindiquées;
Qu'en définitive, il y a lieu de confirmer le jugement querellé tout en précisant que la résolution du contrat implique nécessairement la restitution du véhicule par Monsieur Henry à la SA Renault et, simultanément, la restitution du prix par la SA Renault à Monsieur Henry;
Attendu que la SA Renault qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens outre le paiement à Monsieur Henry de la somme de 600 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs: LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement, Déclare l'appel mal fondé; Confirme le jugement entrepris; Précise que la résolution de la vente implique nécessairement la restitution simultanée du véhicule par l'acheteur et du prix par le vendeur ; Condamne la société Renault à payer à Monsieur Henry la somme de six cents euro (600 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Renault aux dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par la SCP Bonet-Leinster-Wisniewski avoués associés à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.