CA Montpellier, 1re ch. A o2, 15 octobre 2002, n° 00-03367
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Esso (SA)
Défendeur :
Syndicat des Copropriétaires du Centre commercial, Spapa (SA), Siplast (SA), Etablissements Collet Esso (SA), AXA Courtage
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Toulza
Conseillers :
MM. Chassery, Andrieux
Avoués :
SCP Touzery-Cottalorda, SCP Argellies Travier Watremet, SCP Auche-Hedou, Auche, SCP Salvignol-Guilhem, SCP Salvignol Guilhem Delsol
Avocats :
SCP Aoust-Monestier, Mes Fessol, Cascio, Collier Regis
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 16 juin 2000 par le Tribunal de grande instance de Rodez, qui a donné acte à la compagnie AXA Courtage de son intervention, rejeté la fin de non recevoir et l'exception de prescription, condamné la société Spapa à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial d'Onet le Château la somme de 1 900 000 F HT, avec réactualisation, condamné la SA Esso à relever et garantir la société Spapa de cette condamnation, débouté la société Spapa de son appel en garantie contre la SA Siplast et la compagnie UAP et condamné la société Esso à payer, sur le fondement de l'article 700 du NCPC, les sommes de 15 000 F au syndicat des copropriétaires, 10 000 F à la Spapa, et 6 000 F globalement à la SA Siplast et la compagnie AXA Courtage;
Vu l'appel régulièrement interjeté par la SA Esso;
Vu les conclusions notifiées le 3 mai 2002 par l'appelante, qui demande à la cour de:
- déclarer irrecevable en sa demande le syndicat des copropriétaires, eu égard à. l'absence de pouvoir conféré au syndic pour agir; en conséquence déclarer sans objet les appels en garantie formés à l'encontre de la Société Esso et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de diverses sommes;
- subsidiairement, vu les dispositions de l'article 189 du Code du commerce, déclarer prescrite l'action de la Société Spapa en constatant que la commande de la Société Spapa auprès des Etablissements Collet est intervenue le 20 juin 1983, l'EAC 12530 ayant été livré le 20 juillet 1983; dire et juger que la prescription de l'article 189 du Code du Commerce était acquise au jour de la signification de l'assignation en référé du 17 juillet 1994; que l'action en garantie des vices cachés ne peut en aucun cas être exercée après l'expiration de la durée maximale de la garantie telle qu'elle découle des dispositions de l'article 189 du Code du commerce;
- encore plus subsidiairement, dire et juger que la preuve d'un vice caché n'est aucunement rapportée, constater que les théories émises par les experts judiciaires ne peuvent être retenues sur le plan scientifique, et débouter la demanderesse de toutes ses demandes;
- de manière infiniment subsidiaire, désigner à nouveau les experts Seguier et Lapluye afin qu'une discussion puisse s'instaurer sur les éléments scientifiques contenus dans le rapport de Monsieur De Buyst et dans les présentes, confier éventuellement cette mission de complément d'expertise à un nouvel expert, et donner acte à la société Esso de ce qu'elle est disposée à faire l'avance des frais d'expertise judiciaire;
- condamner les succombants au paiement de la somme de 30 000 F par application de l'article 700 du NCPC;
Vu les conclusions notifiées le 1er octobre 200l par la SA Spapa, demandant à la cour de:
- dire et juger que l'autorisation donnée par l'assemblée générale ordinaire le 11 janvier 1994 n'emporte pas mandat d'agir en justice dans la présente instance; que les demandes formées parle Syndicat des copropriétaires sont irrecevables, et les assignations nulles et de nul effet et non interruptives de prescription, et le condamner au paiement de la somme de 20 000 F HT en application de l'article 700 du NCPC;
- confirmer pour le surplus le jugement, notamment sur la condamnation de la Société Esso à relever et garantir la société Spapa de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, principal, intérêts et frais;
- vu le rapport d'expertise judiciaire de M. Seguier et les conclusions de son sapiteur le Professeur Lapluye, expert "bitume ",l'article 1648 du Code civil, la jurisprudence applicable en cette matière s'agissant d'une action récursoire, l'assignation en référé délivrée à la société Spapa le 25 février 1994, dire et juger l'assignation reçue par la Spapa étant du 24 janvier 1997, l'instance en garantie diligentée contre le fournisseur le 24 janvier 1997 l'a été dans le délai légal; qu'en matière d'action récursoire, le délai de prescription de l'article 189 bis du Code de commerce est suspendu jusqu'à ce que l'entrepreneur principal ait vu sa responsabilité engagée par le maître de l'ouvrage; que dès lors il n'y a lieu à la prescription entre Spapa en raison du point de départ du délai qui n'a donc commencé à courir que le 27/01/97 pour être interrompu le 24/01/97;
- vu le rapport d'expertise judiciaire, dire et juger que la seule cause des désordres provient d'une mauvaise tenue dans le temps de l'enduit à chaud fabriqué et vendu à la Spapa par la société Esso, et que la société Spapa sera relevée et garantie par la Société Esso de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais;
- condamner la société Esso au paiement de la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et confirmer le débouté de sa demande de contre expertise;
Vu les conclusions notifiées le 20 septembre 2001 par la SA Siplast et la société AXA Courtage, qui demande à la cour de:
- Vu l'article 55, alinéa 1er, du décret du 17 mars 1967, dire et juger que la troisième résolution de l'assemblée générale des copropriétaires en date du 11 janvier 1994 n'autorisait pas le syndic de la copropriété à agir en justice, constater l'absence d'autorisation donnée au syndic pour introduire la présente procédure, et juger le Syndicat des copropriétaires du Centre commercial irrecevable en ses demandes;
- dire et juger que l'appel en garantie formé par la société Spapa à l'encontre de la société Siplast et de son assureur AXA Courtage est sans objet et confirmer le jugement entrepris qui l'en a débouté;
- subsidiairement, vu le rapport d'expertise déposé par Monsieur Seguier et son sapiteur, le Professeur Lapluye, le 20 août 1996, et son additif en date du 16 octobre 1996, dire et juger que les produits Paradiene fabriqués par la société Siplast sont hors de cause, et confirmer le jugement entrepris ayant débouté purement et simplement la société Spapa de son appel en garantie dirigé à l'encontre de la société Siplast et d'AXA Courtage, aux droits de l'UAP, et l'ayant condamnée à leur payer la somme de 6 000 F au titré des dispositions de l'article 700 du NCPC;
- débouter la société Esso de sa demande d'expertise complémentaire;
- condamner le syndicat des copropriétaires ou la société Esso ou toute autre partie qui mieux le devrait, à leur payer la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC;
Vu les conclusions notifiées le 16 août 2002 par le syndicat des copropriétaires du centre commercial, lieudit Maison Neuve à Onet le Château, qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir qui lui était opposée, et condamné la société Spapa à lui payer la somme de 289 654 euro hors taxes, avec indexation, et de la condamner à lui payer la somme de 3 049 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur l'action principale du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la SA Spapa
Le procès-verbal de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires du centre commercial du 11janvier 1994, mentionne à son ordre du jour " le vote de la résolution donnant pouvoir au syndic pour engager des procédures concernant les problèmes de toitures (structure et étanchéité), et indique, dans la troisième résolution, que "les copropriétaires, réunis en assemblée générale, mandatent à l'unanimité le syndic en la personne de M. Claude Deymier, pour engager toute procédure à l'en contre des entreprises et des compagnies d'assurance et à effet d'obtenir réparation des désordres ou malfaçons affectant les parties communes de l'immeuble".
Ce pouvoir, qui emporte autorisation du syndic à agir en justice, définit clairement son objet ainsi que les désordres et malfaçons à réparer; il ressort en effet de ce procès-verbal qu'en préambule de la réunion, l'assemblée des copropriétaires a été expressément informée qu'il s'agissait de ceux relatifs à la structure et l'étanchéité des toitures; c'est donc en pleine connaissance qu'elle a adopté à l'unanimité cette résolution.
Par ailleurs, en l'absence de décision particulière limitant les pouvoirs de l'autorisation donnée au syndic, elle vaut nécessairement à l'égard de l'ensemble des personnes concernées par l'obligation de garantie.
Au demeurant, la technicité du litige imposait cette formulation non restrictive: le syndicat des copropriétaires n'ayant aucune compétence particulière et ne disposant pas d'informations lui permettant d'apprécier les causes des désordres et les responsabilités encourues, points sur lesquels l'expertise demandée avait précisément pour objet de faire la lumière, il eût été en effet hasardeux de prétendre d'ores et déjà fixer de manière exhaustive l'identité des entreprises concernées par cette obligation.
Enfin, l'autorisation d'agir ayant été donnée au syndic ès qualité, il importe peu que l'action ait été engagée par la société Sudeco, dès lors qu'il s'agissait du syndic en exercice et qu'à ce titre, elle était habilitée à exercer les prérogatives attachées au mandat reçu par son prédécesseur.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir opposée au syndicat des copropriétaires pour défaut d'habilitation régulière du syndic.
Cette action est par ailleurs fondée: attributaire du lot couverture, étanchéité, bardage, affecté de désordres tels que rendant l'immeuble impropre à sa destination, la société Spapa en est de plein droit responsable à l'égard du maître de l'ouvrage en application de l'article 1792 du Code civil, et devra à ce titre supporter le coût de l'entier préjudice subi par la copropriété, d'un montant non discuté de 289 653 euro hors taxes.
Sur l'action récursoire de la SA Spapa à l'encontre de la SA Esso
En matière d'action récursoire en garantie des vices rédhibitoires affectant la chose vendue, le vendeur ne peut agir contre le fabriquant avant d'avoir été lui-même assigné par son acquéreur.
Ainsi, le point de départ du bref délai qui lui est imparti par l'article 1648 du Code civil est constitué par la date de sa propre assignation, tandis que le délai décennal de droit commun de l'article L. 110-4 du Code de commerce est suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été engagée par le maître de l'ouvrage, l'action récursoire étant par nature nécessairement subordonnée à l'action principale qui en est le support et la cause.
En l'espèce, après avoir été elle-même assignée le 25 février 1994 par le syndicat des copropriétaires, la société Spapa a assigné en référé la société Esso dès le 18 juillet 1994; son action n'est donc pas tardive,
Il résulte formellement du rapport d'expertise judiciaire que les désordres de nature décennale affectant l'étanchéité de la toiture sont exclusivement imputables à une mauvaise tenue dans le temps, constituant un vice caché du bitume livré par la SA Esso.
La seule production par cette société d'un avis technique non contradictoire et dont l'objectivité est sujette à caution, ne saurait suffire à remettre en cause les conclusions de ce rapport, qui est le fruit du travail rigoureux d'un expert et d'un sapiteur inscrits sur la liste nationale et d'une compétence reconnue, accompli selon des méthodes scientifiques éprouvées et dans le strict respect des droits de la société Esso, assistée de son propre expert.
Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré fondé le recours on garantie de la société Spapa à l'encontre de la seule société Esso, sans qu'il y ait matière à ordonner une nouvelle expertise ou un complément de mission.
Succombant en son appel qui a contraint les autres parties à exposer des frais non répétibles, la SA Esso paiera à chacune d'entre elles, en complément des sommes allouées en première instance, la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement déféré. Y ajoutant, condamne la SA Esso à payer, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les sommes de 2 000 euro au syndicat des copropriétaires du centre commercial lieudit Maison Neuve à Onet Le Château, 2 000 euro à la SA Spapa et 2 000 euro à la SA Siplast et à la société AXA Courtage ensemble. Condamne la SA Esso aux dépens, avec droit de recouvrement direct pour ceux les concernant au profit de la SCP Argellies-Travier-Watremet, de la SCP Salvignol-Guilhem et de la SCP Auche-Hedou.