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Décisions

CA Pau, 1re ch., 19 mars 2001, n° 1766-01

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Kossel

Défendeur :

Heilles, Audibert, Curutchet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pujo-Sausset

Conseillers :

Mme Del Arco Salcedo, M. Petriat

Avoués :

SCP Longin, SCP de Ginestet-Duale, Me Marbot

Avocats :

Mes Malherbe, Domercq, Saint-Cricq

TGI Bayonne, du 22 mars 1999

22 mars 1999

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du 29 mai 1996, Monsieur Heilles et Madame Audibert ont acquis de Madame Kossel une maison d'habitation, sise à Behasque-Lapisite, qui leur avait été proposée à la vente par Madame Curutchet, agent immobilier.

Monsieur Heilles et Madame Audibert, qui soutiennent avoir découvert que la charpente de leur immeuble était infestée de termites, et que cette situation était connue de l'ancienne propriétaire ainsi que de l'agent immobilier, ont fait assigner Madame Kossel et Madame Curutchet, par actes du 27 janvier 1997, d'une part en référé aux fins de voir ordonner une expertise, d'autre part au fond en réparation du préjudice par eux subi.

Par ordonnance du 19 février 1997, le Président du tribunal de grande instance de ce siège, statuant en référé, a ordonné une expertise et commis Monsieur Mojon pour y procéder.

Par ordonnance du 19 mars 1997, Monsieur Labadens a été commis aux lieu et place de Monsieur Mojon.

Monsieur Labadens, après avoir établi un compte rendu de ses opérations le 25 mai et le 8 juillet 1997 a déposé son rapport d'expertise le 18 septembre 1997. Par jugement en date du 22 mars 1999, le Tribunal de grande instance de Bayonne a:

- condamné Madame Kossel à payer à Monsieur Heilles et à Madame Audibert:

* la somme de 90 293,22 F ladite somme réactualisée entre la date du dépôt du rapport d'expertise et le jour du jugement sur la base de l'indice BT 01, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour;

* la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires;

- condamné Madame Kossel aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Personnaz et de Maître Saint-Cricq, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Madame Kossel a interjeté appel le 15 avril 1999.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2001.

PRETENTIONS DES PARTIES

Madame Kossel a conclu :

- à la réformation en toutes ses dispositions de la décision entreprise

- au débouté des consorts Heilles et Audibert de leur action rédhibitoire

- à ce qu'il soit jugé que l'immeuble n'était affecté d'aucun vice caché de par le caractère apparent de la présence des termites et de la clause exonératoire de responsabilité

- à la condamnation de Monsieur Heilles et Madame Audibert à payer à Madame Kossel la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- à la condamnation des mêmes à la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise

avec autorisation pour la SCP C. et P. Longin à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile

Madame Kossel a fait valoir que l'action résultant de l'article 1648 du Code civil n'avait pas été intentée à bref délai, que le vice n'était pas caché et que la clause exonératoire de responsabilité devait recevoir application ;

Elle a souligné qu'elle n'avait pas connaissance de la présence des termites au moment de la vente.

Elle a demandé à être garantie par Madame Curuchet de toute condamnation éventuelle.

Madame Curutchet a conclu:

- à la confirmation de la décision dont appel en ce qu'elle a mis hors de cause Madame Curutchet, agence Pays Basque Béarn Immobilier;

- au débouté de Monsieur Heilles et Madame Audibert de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Madame Curutchet, Agence Pays Basque Béarn Immobilier;

- à la condamnation de la partie qui succombera, à payer à la concluante une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'en 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- à la condamnation de la même en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Marbot, avoué, sur le fondement de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;

L'intimée a indiqué qu'elle avait signalé la présence de capricornes dans l'immeuble aux acquéreurs, qu'elle avait ainsi rempli son devoir de conseil d'autant plus qu'elle avait préconisé la recherche préalable à la vente d'insectes xylophages.

Monsieur Heilles et Madame Audibert ont conclu :

- à la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a condamné Madame Kossel à payer aux concluants la somme de 90 293,22 F avec intérêts au taux légal à compter du jugement, somme réactualisée entre la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire et le jour de l'arrêt sur la base de l'indice BT 01;

- à l'infirmation dudit jugement en ce qu'il a débouté les concluants de leurs demandes à l'encontre de Madame Curutchet et de dommages et intérêts;

- en conséquence, à ce que Madame Curutchet soit déclarée conjointement et solidairement avec Madame Kossel, responsable du préjudice subi par les concluants;

- à la condamnation solidaire de Madame Curutchet et Madame Kossel à leur payer la somme de 90 293,22 F réactualisée et portant intérêt, outre 10 000 F au titre de dommages et intérêts;

- à leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- à leur condamnation aux entiers dépens;

avec autorisation pour la SCP de Ginestet-Duale, avoués, à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel suivant les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile;

Les intimés ont fait valoir que leur action avait été intentée seulement six mois après la détection des termites, après une tentative de règlement amiable du litige.

Ils ont souligné que le vice était caché et que Madame Kossel ne pouvait revendiquer l'application d'une clause exonératoire puisqu'elle ne s'était pas comportée comme une contractante de bonne foi.

Ils ont soutenu qu'en sa qualité de professionnelle, Madame Curutchet avait failli à son devoir de conseil.

SUR CE:

L'appel principal et incident sont recevables en la forme comme diligentés dans des conditions irrégulières.

1) Sur la recevabilité de la demande

L'article 1648 du Code civil prévoit que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai suivant la nature des vices et l'usage du lieu où la vente a été faite.

Le délai ne court que du jour de la découverte de l'étendue du vice par l'acheteur.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les acquéreurs ont fait procéder à une expertise privée par Monsieur Priou en septembre 1996.

Ils ont procédé à une tentative amiable de règlement du litige avant d'engager la présente procédure en janvier 1997.

Ainsi, le premier juge a estimé à juste titre que l'action avait été intentée à bref délai et qu'elle était recevable.

2) Sur le fond

L'article 1641 du Code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En l'espèce, l'expert judiciaire, Monsieur Labadens a constaté :

- la présence de capricornes dans les bois de charpente et les planchers des greniers

- la présence de termites vivants dans une poutre extérieure contre le mur Sud du chais et dans une partie sise à l'Est du grenier au dessus du chais;

Monsieur Labadens a affirmé que l'infestation par les termites avait perduré malgré le traitement curatif entrepris par Mademoiselle Kossel en 1993.

Le vice existait donc antérieurement à la vente.

Néanmoins, l'acquéreur ne peut agir sur le fondement de l'article 1641 du Code civil que s'il établit que le vice était effectivement caché.

En l'espèce, Monsieur Heilles et Madame Audibert ne contestent pas que l'agent immobilier leur avait signalé l'existence d'une infestation de capricornes dans la charpente et leur avait conseillé de prendre l'avis d'un spécialiste.

Ainsi, Madame Curutchet leur avait donné l'adresse de Monsieur Handy, professionnel de ce type de traitement.

Certes, la présence de termites n'avait pas été mentionnée, ni par Madame Kossel, ni par Madame Curutchet.

Néanmoins, il appartenait aux acquéreurs de faire preuve d'une prudence élémentaire et de suivre le conseil de Madame Curutchet qui préconisait l'appel à un professionnel puisqu'ils étaient informés de la présence de capricornes qui sont également des insectes xylophages.

Monsieur Heilles et Madame Audibert ont visité l'immeuble à plusieurs reprises pendant trois mois et de leur propre aveu, leurs visites avaient pour but de prévoir l'aménagement futur de l'immeuble et non de rechercher la présence d'insectes xylophages.

L'aide d'un tiers compétent notamment de Monsieur Handy, professionnel conseillé par Madame Curutchet leur aurait permis de connaître avant la vente la nature et l'ampleur de l'infestation, tant de capricornes que de termites.

Il convient enfin de rappeler que les acquéreurs ont librement accepté la clause exonératoire de responsabilité inclue dans l'acte notarié.

Cette clause est claire et précise

"Il (l'acquéreur) prendra l'immeuble vendu dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance ci-dessus fixé, avec tous vices et défauts, apparents ou cachés, s'il y en a, sans pouvoir élever aucune réclamation ni prétendre à aucune indemnité ni diminution du prix à raison desdits vices ou défauts, de mauvais état des constructions, existence de termites, capricornes ou autres insectes parasites des bois ..."

Les acquéreurs ne peuvent alléguer la mauvaise foi de Madame Kossel alors que leur attention avait été attirée sur la présence d'une infestation de capricornes, ce qui aurait dû les inciter à prendre certaines précautions.

Le jugement entrepris doit en conséquence être réformé. Monsieur Heilles et Madame Audibert doivent être déboutés de toutes leurs demandes.

L'abus de procédure est insuffisamment caractérisé en l'espèce.

La demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement doit être rejetée.

L'équité commande de ne pas laisser à la charge de Madame Kossel et Madame Curutchet les frais irrépétibles qu'elles ont été obligées d'exposer pour assurer leur défense en procédure d'appel.

Une somme de 5 000 F sera allouée à chacune.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort; Déclare recevable en la forme l'appel interjeté ; Au fond : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action en garantie de Monsieur Heilles et Madame Audibert; Le réforme pour le surplus ; Déboute Monsieur Heilles et Madame Audibert de toutes leurs demandes; Y ajoutant, Condamne Monsieur Heilles et Madame Audibert à payer à Madame Kossel et à Madame Curutchet la somme de 5 000 F (soit 762,25 euro) chacune au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive; Condamne Monsieur Heilles et Madame Audibert aux dépens ; Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Maître Marbot, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, et dit qu'ils seront recouvrés en la forme prévue en matière d'aide juridictionnelle en ce qui concerne Madame Cornélia Kossel.