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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 5 septembre 2005, n° 02-16103

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Verschaeve

Défendeur :

Groupe Liaisons (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thiolet

Conseillers :

Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP Blanc Amsellem-Mimran Cherfils, SCP Ermeneux-Ermeneux-Champly-Levaique

Avocats :

Mes Joly, Hery

T. com. Toulon, du 26 juin 2002

26 juin 2002

I) Objet du litige,

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 24 juillet 2002, Madame Catherine Verschaeve a relevé appel du jugement rendu le 26 juin 2002 par le Tribunal de commerce de Toulon, qui l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la SA Groupe Liaisons la somme de 2 286,73 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 524,24 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Cette juridiction a en effet considéré que le retrait de la commercialisation d'un fichier ASR qui avait été ponctuellement confiée à Madame Verschaeve agent commercial de la société Initiative Santé devenue la SA Groupe Liaisons, ne pouvait être évoqué par celle-ci comme une circonstance qui ne lui aurait pas permis de poursuivre l'activité contractuellement prévue au contrat et a estimé en conséquence que sa lettre du 22 décembre 1999 devait être considérée comme une lettre de rupture unilatérale qui la privait de l'indemnité légale de cessation de contrat et de l'indemnité compensatrice de préavis.

Au soutien de son appel Madame Verschaeve fait essentiellement valoir qu'en décidant brutalement et unilatéralement de lui retirer la commercialisation du fichier ASH, qui représentait pour elle une partie importante de sa rémunération, la société Groupe Liaisons l'avait empochée au mépris de l'article 4 de la loi du 25 juin 1991 d'exécuter son contrat et que cette modification du contrat devait être considérée comme une rupture unilatérale de son contrat d'agent commercial.

Elle affirme que la commercialisation du fichier ASH lui avait été confiée de façon permanente et assure qu'elle avait restitué à la société Groupe Liaisons dès le 6 mars 2000 l'ensemble des éléments qui étaient encore en sa possession.

Estimant que le mandat qui la liait à la société Groupe Liaisons avait un caractère d'intérêt commun et que la perte du chiffre d'affaire réalisé à partir du fichier ASH la pénalisait trop fortement, d'autant que cette société avait décidé de supprimer la vente du fichier GNH et de ne plus collaborer avec son client principal la société Koba, elle considère avoir droit à l'indemnité légale de cessation de mandat et à l'indemnité compensatrice de préavis.

Elle demande donc à la cour de :

- Reformer le jugement querellé,

- Condamner sur le fondement des dispositions des articles 11 et 12 de la loi du 25 juin 1991, la SA Groupe Liaisons à lui payer la somme de 83 008 euro au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat et la somme de 10 937 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 1999,

- Condamner la SA Groupe Liaisons à lui payer la somme de 2 200 euro au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC.

De son coté la société Groupe Liaisons a conclu à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il avait débouté Madame Verschaeve de toutes ses demandes, et sur appel incident à la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 38 000 euro à titre de dommages intérêts pour rupture abusive et déloyale du contrat d'agent commercial, la somme de 10 000 euro à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et la somme de 3 000 euro au titre des frais non répétibles.

La société Groupe Liaisons expose que Madame Verschaeve a prétexté d'une décision de gestion tout à fait justifiée d'arrêter la commercialisation du fichier ASH pour mettre fin à un contrat d'agent commercial qui pouvait continuer à être exécuté dans des conditions normales et raisonnables, que cette résiliation sans préavis qui s'est accompagnée de la non-restitution à bref délai des documents et fichiers qu'elle avait en possession lui a occasionné un préjudice plus important que celui que lui ont reconnu les premiers juges, puisqu'elle a dû procéder à une réorganisation en interne et affecter au lieu et place de Madame Verschaeve un nouveau salarié qui n'avait aucune expérience dans la commercialisation des fichiers.

L'ordonnance de clôture était rendue le 30 mai 2005.

II) Motifs

1) Sur la recevabilité de l'appel

Les parties ne discutant pas de la recevabilité de l'appel et la cour ne relevant aucun élément susceptible de lui permettre de soulever une fin de non recevoir d'office, il convient de déclarer l'appel recevable.

2) Au fond

Il convient de rappeler d'une part, que le contrat d'agent commercial à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée, et que dès qu'il est à durée indéterminée chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis qui est de trois mois, dès lors que la troisième année est commencée.

Par ailleurs et d'autre part, si l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi en cas de cessation des relations avec le mandant, c'est toutefois à condition que la cessation du contrat ne soit pas provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou que la cessation du contrat ne résulte pas de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.

Il appartient donc à l'agent commercial, qui a pris l'initiative de la rupture du contrat et qui prétend avoir droit à une indemnité de préavis et à une indemnité compensatrice de fin de mandat, de rapporter la preuve que la cessation du contrat qui le liait à son mandant incombe en fait à ce dernier et notamment que la cessation du contrat était justifiée par des circonstances imputables au mandant.

En l'espèce il est acquis que le contrat à durée déterminée (bien que dit à durée indéterminée d'un an) passé entre la SA Groupe Liaisons et Madame Verschaeve signé le 16 janvier 1997 est devenu un contrat à durée indéterminée par suite de sa continuation dans le temps.

D'autre part il est acquis que si ce contrat ne prévoyait que la commercialisation de six fichiers identifiés, aucune des parties ne nie que dans le courant de l'année 1998 Madame Verschaeve s'est vu confier la commercialisation du fichier ASH.

Il n'est nullement interdit à un mandant de retirer dans le cadre de sa politique commerciale et financière une partie des attributions confiées à l'agent commercial en procédant aux adaptations souhaitées, dès lors que ce retrait s'inscrit dans le cadre de sa politique, mais ce retrait ne doit pas avoir pour but ou effet principal d'affecter les ressources de l'agent commercial, qui peut le cas échéant prétendre à être indemnisé partiellement en pourcentage de la perte constatée.

Or si en l'espèce Madame Verschaeve a prétexté du retrait par la société Groupe Liaisons de la commercialisation du fichier ASH pour justifier sa lettre de rupture, cette dernière n'a nullement démontré que ce retrait avait entraîné pour elle la moindre perte de recette et que ce retrait ne correspondait pas à l'intérêt commun des parties.

En effet si ses recettes ont successivement été de 275 803 F en 1997, de 397 631 F en 1998 et de 298 939 F en 1999, la rapidité avec laquelle Madame Verschaeve a pris la décision de prendre l'initiative de la rupture contractuelle, (lettre du 22 décembre 1999) soit moins de deux mois après la décision prise par la société Groupe Liaisons de retirer le fichier ASH de la commercialisation (19 octobre 1999), ne lui a pas permis, ni ne permet à la cour de constater une diminution de ses recettes après le 19 octobre 1999, ni de juger que le temps qu'elle passait à démarcher les clients du fichier ASH ne lui aurait pas permis de démarcher davantage de clients pour les 6 fichiers, objets du contrat et par voie de conséquence de réaliser des recettes toutes aussi importantes que celles qu'elle avait réalisées avant le retrait de la commercialisation du fichier ASH.

Ainsi Madame Verschaeve ne justifie pas que la rupture du contrat soit en fait imputable à la SA Groupe Liaisons.

Tout porte à croire, eu égard à la rapidité avec laquelle elle a retrouvé du travail, son contrat de travail avec la compagnie AGF étant du 7 février 2000, qu'elle avait l'intention de ne plus assurer son mandat d'agent commercial pour pouvoir bénéficier d'un emploi salarié,

Force est cependant de constater que Madame Verschaeve n'a pas respecté son obligation de préavis.

C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de l'intégralité de ses demandes et qu'ils l'ont condamnée à payer à la société Groupe Liaisons une somme a titre de dommages et intérêts de 2 286,73 euro tant pour l'absence de préavis que pour l'absence de restitution des documents et fichiers par elle détenus dans le délai contractuel de 5 jours de la demande en restitution.

La preuve du caractère abusive de la procédure mise en œuvre par Madame Verschaeve n'étant pas rapportée par la société intimée, ni convient de la débouter de cette demande.

En revanche l'équité commande de mettre à la charge de Madame Verschaeve qui succombe les frais non répétibles d'appel engagés par la société intimée que la cour détermine à la somme de 2 000 euro et les dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit comme régulier l'appel formé contre le jugement rendu le 26 juin 2002 par le Tribunal de commerce de Toulon; Confirme cette décision en toutes ses dispositions.