Ministre de l’Économie, 28 septembre 2005, n° ECOC0600002Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Président du Directoire du Groupe Partouche
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Monsieur le Président,
Par un dossier déclaré complet le 2 septembre 2005, vous avez notifié l'acquisition par Groupe Partouche SA de la totalité du capital de la société Groupe de Divonne SA. Cette opération a été formalisée par un protocole d'accord signé le 5 août 2005 entre les parties.
I - LES PARTIES ET L'OPÉRATION
La société Groupe Partouche est la holding d'un groupe français, essentiellement actif dans le secteur des casinos, notamment en France, où il exploite 46 casinos. Groupe Partouche exploite également plusieurs casinos à l'étranger, dont trois en Belgique et un en Suisse. Il est également présent dans les secteurs des hôtels de luxe, restaurants, établissements de nuit, bars, ainsi que dans l'exploitation d'un golf. Il a réalisé, en 2004, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 452,5 millions d'euro, dont 411 millions d'euro en France.
La société Groupe de Divonne exploite quatre casinos en France et un casino en Suisse (" les casinos Didot Bottin "). Cette société est contrôlée par le groupe Didot Bottin et la Compagnie Financière Privée. Groupe de Divonne est également actif dans les secteurs de l'hôtellerie de luxe, la restauration, ainsi que dans l'exploitation d'un golf. Elle a réalisé, en 2004, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 63,1 millions d'euro, dont 56 millions d'euro en France.
Dans la mesure où l'opération consiste en l'acquisition de la totalité de la société Groupe de Divonne, elle constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Eu égard aux chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle n'est pas de dimension communautaire et relève du contrôle des concentrations prévu par les articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.
II - LA DEFINITION DES MARCHES
L'opération affecte essentiellement la concurrence dans le secteur des casinos au sein duquel il convient de distinguer deux types de marchés, que sont l'acquisition de licences de casinos (marché amont) et l'exploitation de casinos (marché aval). (1)
A - Les marchés de produits et de services
1. Le marché amont de l'acquisition de licences de casinos
L'implantation d'un casino dans une commune fait l'objet d'une convention de délégation de service public entre la commune et l'exploitant sur la base d'un cahier des charges, qui mentionne notamment la durée de la concession, le pourcentage des recettes de jeux versé par le casino à la municipalité (15 % au maximum), les types de jeux exploités, les activités annexes de restauration et d'animation, ainsi que l'implication du casino dans la commune (aide aux associations, travaux d'aménagement). L'attribution de cette concession de service public doit faire l'objet d'un appel d'offres, en application de la loi Sapin du 21 janvier 1993. Après avoir été retenu, le délégataire doit obtenir une autorisation d'exploitation délivrée par le ministère de l'Intérieur, qui dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour l'accorder. Cette autorisation prend la forme d'un arrêté qui fixe le nombre de machines à sous et de jeux de table que le casino peut exploiter. L'autorisation ne peut excéder une période de cinq ans et peut être limitée à un an. Par ailleurs, toute autorisation est assortie de mesures de surveillance et de contrôle.
En France, les casinos ne peuvent être implantés que dans des communes classées station balnéaire, thermale, ou climatique ou dans des villes constituant la commune principale d'une agglomération de plus de 500 000 habitants et qui participent au fonctionnement d'un centre dramatique national, d'un orchestre national, d'un théâtre ou d'un opéra. En outre, la réglementation française interdit l'ouverture d'un casino à moins de 100 kilomètres de Paris, exception faite du casino de la ville d'Enghien-les-Bains classée station thermale.
2. Les marchés aval de l'exploitation de casinos
En termes de marchés de produits ou de services, les marchés concernés sont ceux de l'exploitation des casinos dans lesquels l'offre émane des opérateurs de casinos et la demande des joueurs individuels.
Du point de vue de la demande, l'accès aux machines à sous se fait librement, alors que l'accès aux jeux de table, en France, nécessite le paiement d'un droit de timbre d'environ 10 euro. En outre, les jeux de table nécessitent une connaissance des règles et des codes propres à chaque jeu, ce qui leur donne un caractère moins accessible que les machines à sous, qui sont perçues par le joueur comme un loisir plus simple. Les mises minimales courantes pour les machines à sous (10 et 20 centimes d'euro) sont par ailleurs nettement inférieures à celles des jeux de table (1 à 5 euro selon les jeux). Par ailleurs, si une large proportion de joueurs n'utilise que les machines à sous, une petite fraction seulement d'entre eux ne fréquente que les jeux de table.
Du point de vue de l'offre, par ailleurs, les casinos récents ne disposent pas de l'autorisation d'exploiter un parc de machines à sous pendant la première année. En outre, les petits casinos demandent et obtiennent fréquemment l'autorisation de fermer leurs jeux de table à certaines heures de la journée, ou en dehors de la saison touristique. Il existe également des écarts de parts de marché entre jeux de table et machines à sous qui sont parfois très importants. Enfin, la réglementation en vigueur fixe les règles spécifiques aux jeux de table, dont les montants minimum et maximum des mises autorisées, et le niveau des gains en fonction de ces mises. Pour les machines à sous, elle ne fixe qu'un plancher minimum de 85 % pour le taux de redistribution (2).
En conséquence, l'analyse concurrentielle sera menée en distinguant le marché des jeux de table de celui des machines à sous.
B - Les marchés géographiques
1. Le marché amont de l'acquisition des licences pour l'exploitation de casinos
Les communes qui passent des appels d'offres s'adressent à tous les acteurs du secteur susceptibles de répondre à leur demande. Dans la mesure où certains critères, tels que l'expérience dans le secteur des jeux et des garanties financières sont requis pour la présélection des candidatures, il apparaît que ce sont les groupes de dimension nationale qui répondent et remportent le plus souvent ces appels d'offres.
Dès lors, pour l'analyse de la présente opération, on considérera que le marché est de dimension au moins nationale.
2. Les marchés aval de l'exploitation de casinos
a) Le marché des machines à sous
Dans leur notification, les parties estiment, conformément à la pratique décisionnelle antérieure (3), que la zone de chalandise d'un casino s'étend à environ une heure de distance en voiture de celui-ci.
En effet, il apparaît que la localisation est le premier critère de choix d'un casino pour les joueurs et que ces derniers fréquentent les casinos qui sont dans une zone géographique proche de leur domicile ou de leur lieu de séjour. La Commission européenne avait également relevé qu' " une hausse des mises minimales d'un casino n'entraînerait qu'un report de clientèle très réduit en faveur d'un casino concurrent situé à plus d'une heure en voiture. " (4)
Cette définition a été retenue pour définir les aires de chalandise des casinos Didot Bottin de Hauteville-Lompnes et de Crans Montana. Néanmoins, il a été tenu compte, dans la délimitation des zones de chalandise autour des trois autres casinos exploités par Groupe de Divonne (5), du bassin de population important que constitue l'agglomération de Genève (plus de 450 000 habitants). Cette dernière se trouvant au coeur des trois bassins ludiques de ces casinos, et constituant la principale demande locale, il peut être avancé que les trois casinos Didot Bottin implantés autour du lac Léman ont un bassin ludique quasiment identique. En effet, en retenant une distance légèrement supérieure à une heure (1 h 17), ces trois casinos ont la même zone de chalandise, incluant les mêmes casinos concurrents, à une exception près (6). Afin d'éviter tout effet de seuil préjudiciable à l'analyse, et compte tenu de leur proximité géographique dans le bassin local de population (7), il a été retenu au cas d'espèce un bassin ludique global composé des trois bassins ludiques des casinos implantés autour du Lac Léman. Cette délimitation géographique du marché pertinent est d'ailleurs confirmée par le test de marché puisqu'il a notamment été indiqué par un opérateur que son casino, bien que situé à plus d'une heure de l'un des casinos des parties, avait une clientèle de provenance identique à ce dernier.
Les parties ont néanmoins indiqué que le casino exploité par le Groupe Partouche, à Meyrin, en Suisse, ne devait pas être inclus dans le marché géographique pertinent au motif qu'il ne se trouvait pas sur le territoire français. Elles ont également mis en évidence l'existence de différences dans la nature de l'offre de jeux, dans la réglementation, et la fiscalité entre la France et la Suisse, afin de justifier deux marchés distincts dans l'exploitation des casinos entre ces deux pays.
Au cas d'espèce, il apparaît cependant que l'analyse concurrentielle ne peut faire abstraction des casinos suisses qui se trouvent sur le marché géographique pertinent.
En premier lieu, si seuls comptent les effets de l'opération sur le territoire national (8), l'analyse doit tenir compte des positions des concurrents implantés à l'étranger si ceux-ci sont en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur ce territoire. (9)
Au cas d'espèce, il existe des mouvements transfrontaliers importants entre les joueurs français et les joueurs suisses. Ce constat est valable aussi bien pour les joueurs français qui jouent à Meyrin, en Suisse, que pour les joueurs suisses qui fréquentent les casinos français de la région. Ces casinos sont d'ailleurs très proches : le casino de Meyrin se trouve à moins de 20 minutes des casinos de Saint-Julien-en-Genevois, Annemasse et Divonne-les-Bains. L'évolution des produits bruts des jeux des casinos du bassin ludique, au moment de l'ouverture des casinos de Meyrin et de Montreux, montre d'ailleurs clairement l'impact de la concurrence des casinos suisses sur les résultats des casinos français frontaliers.
b) Le marché des jeux de table
Du côté de la demande, la clientèle qui fréquente les jeux de table n'est pas celle qui joue aux machines à sous (10). En effet, les jeux de table (11) sont les " jeux traditionnels ", réservés à une clientèle qui paie un droit de timbre pour entrer dans la salle et qui connaît les règles des jeux. Le montant des mises est d'ailleurs beaucoup plus important que celui des machines à sous. Une partie de la clientèle fréquentant les jeux de table est constituée de " grands joueurs " qui arbitrent généralement entre des casinos situés dans un bassin ludique plus large que celui défini pour le marché des machines à sous.
Du côté de l'offre, ce sont les " grands casinos ", disposant d'un certain prestige, qui se font concurrence sur ce marché très spécifique des jeux de table (Enghien, Divonne-les-Bains, Monaco...). Ces casinos ont d'ailleurs une proportion de leur produit brut des jeux de table dans leur PBJ total nettement plus importante que celle des autres casinos dont la plus grande part de la recette provient des machines à sous.
Dès lors, le marché pertinent géographique est plus large que le bassin ludique défini pour le marché des machines à sous.
III - ANALYSE CONCURRENTIELLE
A - Sur le marché amont de l'acquisition de licences de casinos par appels d'offres
Si l'on prend un marché de dimension nationale, le secteur des casinos est actuellement dominé par quatre groupes (12) qui sont également à l'origine de la plupart des projets d'ouverture. Sur ce marché, la nouvelle entité possèdera [20-30] % du parc français de casinos, qui compte 188 établissements en 2005. Cependant, il doit être relevé que l'addition de parts de marché est très faible ([0-10] %) et que les casinos français de Groupe de Divonne sont implantés uniquement dans la région genevoise. Groupe de Divonne est donc un concurrent de dimension régionale, 9e opérateur national par le nombre des casinos détenus, n'ayant répondu que très marginalement à des appels d'offres sur l'ensemble du territoire national, qu'il n'a d'ailleurs jamais remportés. De plus, sur ce marché, le groupe Partouche restera confronté à des concurrents nationaux importants, tels que les groupes Lucien Barrière ([10-20] %), Moliflor (13) ([10-20] %) et Tranchant ([0-10] %), qui sont en mesure de répondre efficacement aux appels d'offres des communes pour l'exploitation d'un casino. De plus, des groupes tels que Emeraude, Cogit, Arev Finance, Viking Casinos ou Tahoe possèdent un nombre de casinos au moins équivalent à celui de Groupe de Divonne (14). Dès lors, le risque de position dominante peut être écartée du fait de l'importance et du nombre des autres opérateurs. De même, l'opération n'aboutit pas à créer un oligopole, dans la mesure où il existe d'autres acteurs susceptibles de répondre aux appels d'offres des communes sur l'ensemble du territoire et que Groupe de Divonne n'était pas un opérateur important sur ce marché.
Il convient donc de conclure que l'opération ne porte pas atteinte à la concurrence sur le marché de l'acquisition de licences de casinos par appels d'offres.
B - Sur les marchés aval de l'exploitation de casinos
L'opération projetée n'emporte un chevauchement d'activité que sur le bassin ludique global défini des trois casinos Didot Bottin autour de Genève : Divonne-les-Bains, Annemasse, Saint- Julien-en-Genevois.
1. Sur le marché des machines à sous
a) Parts de marché
Il existe treize casinos exploités dans le bassin ludique ainsi défini. Groupe Partouche exploite un casino à Meyrin, dans la périphérie de Genève. Le Groupe de Divonne exploite quatre casinos dans cette région, à Hauteville-Lompnes, Saint-Julien-en-Genevois, Annemasse et Divonne-les-Bains. Parmi les concurrents, le groupe Lucien Barrière exploite deux casinos, le premier à Chamonix, le second à Montreux, en Suisse. Tous les autres casinos sont exploités par des opérateurs indépendants, à Évian-les-Bains, Annecy et Aix-les-Bains, ou des groupes du secteur des jeux, comme Tranchant à Saint Gervais et Tahoe à Megève.
Les parties ont communiqué leurs parts de marché exprimées en produit brut des jeux des machines à sous (2004-2005). L'analyse devra également prendre en compte le nombre de machines à sous, qui correspond à la capacité d'offre des opérateurs sur ce marché.
<emplacement tableau>
Le nouvel ensemble détiendra donc une part de marché en produit brut des jeux des machines à sous et en nombre de machines à sous environ deux fois supérieure à celle de son premier concurrent, le groupe Lucien Barrière. Les autres concurrents principaux, tous deux établissements indépendants, qui exploitent respectivement le casino d'Évian-les-Bains et d'Aix-les-Bains, auront après l'opération une part de marché plus de quatre fois inférieure à celle de Groupe Partouche.
b) Analyse de la situation de la concurrence
La configuration nouvelle du marché, caractérisée par une part de marché combinée élevée et un écart important entre le premier et le second acteur du marché, est susceptible de porter atteinte à la concurrence. Le fonctionnement du marché des casinos sur le bassin ludique examiné confirme le risque de voir Groupe Partouche, à l'issue de l'opération, disposer d'un pouvoir de marché lui permettant de se comporter de manière autonome, sans que la concurrence puisse constituer un contrepoids suffisant. En effet, la période récente a été caractérisée par la concurrence frontale exercée par le casino Partouche à Meyrin sur les établissements situés autour de l'agglomération genevoise : Annemasse, Divonne-les-Bains, Saint-Julien-en-Genevois et Evian-les-Bains. Au cours de l'année 2003, année de l'ouverture du casino de Meyrin, ces casinos ont vu leur produit brut des jeux reculer nettement, corrélativement à une baisse de leur fréquentation, exception faite du casino de Saint-Julien-en-Genevois, ouvert récemment, mais qui a progressé moins rapidement que prévu. Cette concurrence a entraîné une baisse parallèle des dénominations moyennes des machines à sous (15) dans les casinos français de la région.
Compte tenu de son caractère durable, cette modification des " mix machines " (16), destinée à conserver la clientèle, ne peut être attribuée au seul effet du passage à l'euro (" période de réajustement "). Les informations transmises par Groupe Partouche sur un bassin ludique où il se trouve en monopole local (Montpellier), à la suite de l'acquisition d'un casino concurrent (17) au cours de l'année 2002, montrent qu'après ce rachat, la dénomination moyenne du casino acquis a connu une augmentation initiale sensible, dans un contexte général de baisse du " mix machines " à la suite du passage à l'euro.
Groupe Partouche soutient par ailleurs que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence compte tenu notamment de l'existence d'autres types de jeux de hasard (Euromillion de la Française des Jeux, PMU, mais aussi des appareils de jeux électroniques de la Loterie Romande installés dans les cafés de Suisse romande) ainsi que des casinos virtuels, sur Internet.
Concernant la concurrence des autres formes de jeux, le Conseil de la concurrence a considéré que les jeux de hasard des casinos n'étaient ni substituables avec les jeux organisés par la Française des jeux (loterie), ni avec les paris sur les courses de chevaux. (18) Le même raisonnement peut être conduit pour les machines à sous dans les cafés suisses, qui ne sauraient être considérées comme faisant directement concurrence aux machines à sous des casinos dans la mesure où les cafés n'offrent pas aux joueurs le même cadre, la même ambiance ou les mêmes services qu'un casino.
Concernant la concurrence des casinos virtuels, les parties n'ont pas été en mesure d'apporter des éléments quantitatifs et qualitatifs permettant de considérer qu'il existe, du côté de la demande, un arbitrage effectif entre les jeux de casinos réels et les jeux de casinos en ligne.
Les casinos concurrents ne seront vraisemblablement pas en mesure de s'opposer efficacement à une augmentation des prix ou une dégradation des services dans les casinos de la nouvelle entité, dans la mesure où ils se situent majoritairement en périphérie du bassin ludique et où leur offre de machines à sous ne peut être considérée comme équivalente à celle des parties. Ces casinos ne sont d'ailleurs pas en mesure d'augmenter à court terme leur parc de machines à sous du fait de la réglementation restrictive applicable à leur extension. Groupe Partouche disposera ainsi d'un ensemble de quatre casinos autour de Genève, principal foyer de population du bassin ludique.
Il existe enfin des barrières à l'entrée importantes sur ce marché (limitation des communes éligibles à l'ouverture d'un casino, autorisations administratives, période probatoire d'une année avant l'exploitation des machines à sous) qui rendent peu probable l'entrée de nouveaux concurrents à court terme dans le bassin ludique concerné en cas de hausse des prix ou de dégradation de la qualité des services à la suite de l'opération.
En conséquence, l'opération risque de porter atteinte à la concurrence par création d'une position dominante sur le marché de l'exploitation des machines à sous dans le bassin ludique genevois.
2. Sur le marché des jeux de table
Sur le bassin ludique des machines à sous défini, la nouvelle entité détiendra deux casinos dont le produit brut des jeux de tables est supérieur à 4 millions d'euro : le casino de Divonne-les-Bains ([...] millions d'euro), et le casino de Meyrin ([...] millions d'euro). Ces casinos sont localement en concurrence avec les casinos de Montreux ([...] millions d'euro) et d'Evian-les-Bains ([...] millions d'euro), tous les autres casinos du bassin ludique ayant une activité en jeux de table inférieure à 2 millions d'euro. En outre, comme il a été indiqué dans la définition géographique des marchés, la concurrence entre les casinos sur le marché des jeux de table s'exerce aussi entre des casinos situés dans des bassins ludiques différents.
Sur un marché des jeux de table de dimension nationale, l'addition de parts de marché est minime.
Dès lors, l'opération ne saurait conférer au groupe Partouche une position dominante sur le marché des jeux de table.
IV - LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LES PARTIES
Afin de résoudre les problèmes de concurrence sur le marché des machines à sous, Groupe Partouche s'est engagé, par courrier daté du 20 septembre dont il a été accusé réception le 21 septembre 2005, à céder l'un des trois casinos situés autour du lac Léman. Cette cession devra être réalisée dans un délai maximal de dix-huit mois à compter de la date de la présente décision.
Cet engagement ramènera la part de marché du groupe Partouche, à l'issue de l'opération, en valeur entre [20-30] % et [40-50] % et en capacité d'offre entre [20-30] % et [30-40] %, tout en permettant à un opérateur concurrent de s'implanter à proximité immédiate des casinos de la nouvelle entité. Dès lors, en cas d'augmentation des prix (ou de dégradation des services) des casinos de Groupe Partouche, la demande des consommateurs pourra se reporter principalement sur le casino cédé. Cet engagement est de nature à créer une alternative concurrentielle, de nature à contrebalancer le pouvoir de marché de la nouvelle entité à l'issue de l'opération.
En conséquence, compte tenu de l'engagement déposé qui fait partie intégrante de la présente décision, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que je l'autorise.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.
Nota : A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Engagement dans le cadre de l'opération de concentration
Groupe Partouche / Groupe de Divonne
En application de l'article L. 430-5 II du Code de commerce, afin de permettre au ministre de l'Economie d'autoriser l'acquisition (ci-après "l'Opération") par le Groupe Partouche (ci-après "l'acquéreur") du Groupe de Divonne, et sous la condition d'obtenir une telle autorisation, l'acquéreur prend l'engagement suivant (ci-après "l'engagement").
Nature de l'engagement
L'acquéreur propose de céder l'un des trois casinos situé en France actuellement exploité par les filiales de la société Groupe de Divonne (ci-après " le Casino "), à savoir les casinos de Divonne, Annemasse et Saint Julien en Genevois. L'acquéreur s'engage à s'abstenir de toute mesure ayant un impact défavorable sur la valeur économique du Casino ou portant préjudice à son périmètre d'activité ou à sa stratégie commerciale.
A cet effet, l'acquéreur s'oblige à informer le ministre, sur sa demande, de la situation économique du Casino.
Modalités de réalisation
Dans un délai de [...] mois à compter de la date de l'autorisation du ministre (ci-après " la première période "), l'acquéreur devra avoir réalisé la cession effective du Casino.
L'acquéreur s'engage à présenter le ou les repreneurs à l'agrément du ministre. Ce ou ces repreneurs devront être des entités viables, indépendantes et présentant des caractéristiques de compétence professionnelle et d'assise financière suffisantes pour assurer qu'ils seront un ou des concurrents actifs de l'acquéreur.
L'acquéreur devra fournir une proposition documentée et motivée, comprenant une copie du ou des projets d'actes de cession avec le ou les repreneurs ainsi que les éléments permettant au ministre de vérifier que les conditions tenant à l'identité et aux capacités du ou des acheteurs sont satisfaites. Le ou les accords de cession devront être conditionnés à l'approbation du ministre.
L'acquéreur s'engage pendant cette période initiale, à informer trimestriellement le ministre de l'évolution de ses démarches en vue d'aboutir à la cession.
En cas de non réalisation de l'engagement au cours de la première période, l'acquéreur s'engage à confier un mandat irrévocable à un intermédiaire (ci-après "le mandataire"), indépendant de l'acquéreur, en vue de l'accomplissement de l'engagement. Les conditions de désignation du mandataire, son rôle précis et les modalités de sa mission sont détaillées ci-dessous.
La désignation du mandataire
La proposition du ou des mandataires choisis et du projet de mandat établi par l'acquéreur doit parvenir au ministre au moins [...] mois avant la fin de l'expiration de la première période.
La proposition devra permettre de vérifier que le ou les mandataires soient indépendants de l'acquéreur et remplissent les conditions de professionnalisme et d'expertise nécessaires à la réalisation de leur mandat. Elle devra comporter la présentation de la démarche qu'ils entendent suivre pour satisfaire l'engagement pris par l'acquéreur.
Dans un délai de quinze (15) jours à compter de la notification de la proposition de l'acquéreur, le ministre aura le pouvoir d'accepter le ou les mandataires proposés ou de les refuser dans le cas où les conditions nécessaires pour satisfaire l'engagement pris par l'acquéreur ne seraient pas réunies ; il a également le pouvoir d'approuver les termes de leur mandat ou de les modifier de telle manière que ledit mandat permette de satisfaire l'engagement souscrit. Si le ministre accepte plus d'un mandataire, l'acquéreur choisit celui ou ceux qu'il souhaite.
Si le ministre rejette le ou les mandataires proposés par l'acquéreur, celui-ci propose au moins deux autres mandataires dans un délai de quinze (15) jours suivant le rejet. Si le ministre décide de rejeter de nouveau les mandataires proposés, il propose lui-même, dans un délai de quinze (15) jours à compter de la nouvelle proposition de l'acquéreur, un mandataire que l'acquéreur désigne pour accomplir son mandat.
Le mandataire entre en fonction dans la semaine suivant l'agrément du ministre.
Rôle du mandataire
Le mandataire doit garantir la réalisation de l'engagement, tout en tenant compte des intérêts légitimes de l'acquéreur. Le ministre, sur initiative ou sur demande du mandataire ou de l'acquéreur, peut formuler toute instruction au mandataire, nécessaire à la mise en œuvre de l'engagement.
Le mandataire en charge de la cession du casino doit :
- dans un délai de [...] mois à l'issue de la première période, vendre [...] le casino à un ou des acheteurs indépendants, agréés par le ministre et présentant des caractéristiques de compétence professionnelle et d'assise financière suffisantes pour assurer qu'ils seront un ou des concurrents actifs de l'acquéreur ;
- à l'expiration du délai de [...] mois susmentionné, vendre dans un délai supplémentaire de [...], le Casino à un ou des acheteurs indépendants, agréés par le ministre, et présentant des caractéristiques de compétence professionnelle et d'assise financière suffisantes pour assurer qu'ils seront un ou des concurrents actifs de l'acquéreur.
- A l'expiration de cette seconde période et dans le cas où le mandataire n'aurait pas réussi à vendre le Casino initialement désigné par l'acquéreur, celui-ci s'engage à lui confier le mandat de vendre l'un des deux autres casinos visés par le présent Engagement [...] .
Rôle de l'acquéreur vis-à-vis du mandataire
L'acquéreur s'engage à répondre aux demandes d'assistance et d'information émanant du mandataire ayant pour objet le respect de l'engagement. L'acquéreur informe le mandataire sur l'identité d'acheteurs potentiels, sur le développement des négociations et sur les réunions auxquelles il est convié.
Remplacement du mandataire
Le ministre, après avoir entendu le mandataire, ordonne à l'acquéreur de révoquer le mandataire dans le cas où ce dernier ne permet pas la réalisation de l'engagement ou pour tout autre motif légitime.
Clause de révision
L'Engagement restera valable à cadre réglementaire et contexte économique constants.
L'acquéreur pourra, dans une telle hypothèse, saisir les services compétents de la DGCCRF d'une demande de révision de l'engagement.
Notes
En particulier, il pourra être modifié ou supprimé en cas de changement économique ayant un impact significatif sur les marchés pertinents identifiés, notamment du fait de la création d'un nouveau casino.
(1) Compte tenu du faible chiffre d'affaires réalisé par les parties dans les secteurs de l'hôtellerie de luxe, la restauration et l'exploitation de golf, et du fait qu'elles n'exercent pas ces activités dans les mêmes zones géographiques, l'opération n'a pas pour conséquence d'affecter la concurrence sur ces secteurs, quelle que soit la segmentation retenue de ces marchés.
(2) Il s'agit des taux de retour des gains pour les joueurs.
(3) Cf. décision du ministre de l'Economie relative à l'opération Accor / Barrière Desseigne / Lucien Barrière (C2004-117) rendue le 28 juillet 2004.
(4) Décision de renvoi de la Commission européenne aux autorités françaises dans l'affaire M.3373 Accor/Barrière Desseigne/Lucien Barrière, en date du 4 juin 2004.
(5) Il s'agit des casinos de Divonne-les-Bains, Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois.
(6) Il s'agit du casino de Challes-les-Eaux, qui se trouve à 67 minutes de Saint-Julien-en-Genevois, 68 minutes d'Annemasse, mais à 1 heure 25 de Divonne-les-Bains. Ce casino n'a donc pas été inclus dans le bassin ludique global.
(7) Ces casinos sont tous les trois situés à une distance comprise entre 10 et 20 minutes de Genève.
(8) Se référer sur ce point aux lignes directrices de la DGCCRF du 12 juillet 2005 (paragraphes 88 et 89).
(9) Pour un exemple tiré de la pratique décisionnelle française, se référer notamment à la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 10 février 2003 au conseil de la société Leroy Merlin, relative à une concentration dans le secteur de la distribution au détail d'articles de bricolage et d'amélioration de l'habitat (affaire M.2898 renvoyée par la Commission en application de l'article 9 du règlement n° 4064-89 CE), publiée au BOCCRF 2003-11.
(10) A titre d'exemple, l'un des casinos du bassin ludique a indiqué lors du test de marché que sa clientèle de jeux de table est à 95 % de nationalité italienne alors qu'elle est à 95 % française et suisse pour les machines à sous.
(11) Les jeux de table sont le baccara, le black-jack, la boule, le craps, la roulette anglaise, le punto banco, la roulette française, le stud-poker, le trente-et-quatre, et le vingt-trois.
(12) En 2003, 147 des 182 établissements appartenaient à un groupe du secteur des jeux. Sur les 11 groupes recensés, 4 comptabilisent plus de 10 casinos et détiennent à eux seuls près des deux tiers du parc national des casinos.
(13) Ce groupe fait l'objet d'une opération de rachat par le fonds d'investissement Bridgepoint Capital (C2005-100), soumise à autorisation préalable du ministre de l'Economie.
(14) Etude Xerfi sur les casinos, juin 2004.
(15) Il s'agit de la moyenne pondérée des mises minimales des machines à sous exploitées par un casino.
(16) Le " mix machines " peut se définir par le couple type de machines à sous/dénomination des machines à sous adopté par un casino. Il apparaît comme un facteur essentiel de concurrence entre casinos, au même titre que la localisation et la qualité des services proposés à la clientèle. Dans l'hypothèse d'une évolution des paramètres de la concurrence sur le bassin ludique où ils sont présents, les opérateurs du secteur ont reconnu agir sur l'ensemble des facteurs de concurrence qu'ils estiment déterminants dans leur offre de machines, dont le " mix machines ".
(17) Opération de concentration qui n'a pas fait l'objet d'une procédure de notification au titre du contrôle des concentrations dans la mesure où les seuils de chiffres d'affaires n'étaient pas atteints.
(18) Se reporter à la décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001, relative à des pratiques mises en œuvre par la société Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir.