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Décisions

CCE, 23 avril 1981, n° 1101-81

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Règlement

Instituant un droit anti-"dumping" provisoire à l'importation des granulés de pommes de terre originaires du Canada

CCE n° 1101-81

23 avril 1981

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement (CEE) n° 3017-79, du 20 décembre 1979, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de dumping ou de subventions de la part des pays non-membres de la Communauté économique européenne (1), et notamment ses articles 10 et 11, après avoir entendu le Comité consultatif crée par ce règlement,

Considérant que la Commission a reçu, en juillet 1980, une plainte déposée par l'Union européenne des Industries de Transformation de la Pomme de terre (UEITP) au nom des fabricants britanniques, néerlandais et allemands, qui assurent la totalité de la production communautaire de granules de pommes de terre ; que cette plainte comportait des éléments de preuve quant à l'existence de pratiques de dumping concernant des produits similaires originaires du Canada et du préjudice important qui est ainsi causé, plus particulièrement au Royaume-Uni ;

Considérant que les informations fournies contenaient suffisamment d'éléments de preuve pour justifier l'ouverture d'une enquête ; que, en conséquence, la Commission a annoncé, par avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (2), l'ouverture d'une procédure d'enquête relative aux importations de granules de pommes de terre originaires du Canada et a entamé les investigations au niveau communautaire ;

Considérant que la Commission en a avisé officiellement les exportateurs et importateurs connus par elle comme étant concernés, ainsi que les représentants des pays exportateurs et les plaignants ;

Considérant que la Commission a donné aux parties directement en cause l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit, d'être entendues oralement et de prendre connaissance des informations non-confidentielles qui lui ont été communiquées par les différentes parties à l'enquête ;

Considérant que la majorité des importateurs et exportateurs et un certain nombre de fabricants communautaires ont saisi cette occasion ;

Considérant que, aux fins d'une détermination préliminaire de la marge de dumping et du préjudice, la Commission a recueilli et vérifié toutes les informations qu'elle estimait nécessaires et a procédé à un contrôle dans les installations des exportateurs et des importateurs qui ont effectué la plupart des importations du produit considéré, à savoir, au Canada : Carnation Foods Co Ltd (Toronto), Vauxhall Foods Ltd (Lethbridge) et Mccain Foods Ltd (Florence Ville); au Royaume-Uni : Briess et Co Ltd et Kiril Mischeff Ltd (Londres) ; que la Commission a aussi procédé à une enquête auprès des principaux fabricants de la Communauté, en l'espèce les plaignants, à savoir, au Royaume-Uni : Dornay Foods (King's Lynn) et Cadbury Typhoo Ltd (Birmingham) ;

Considérant que l'enquête effectuée dans les installations de Mccain Foods a révélé que cette entreprise n'a exporté dans la Communauté économique européenne que des quantités relativement faibles d'un mélange de granules de pommes de terre et de lait en poudre, produit ne faisant pas l'objet de l'enquête ;

Considérant que pour déterminer la valeur normale des produits de Vauxhall, la Commission a tenu compte du fait que le prix auquel une proportion substantielle des produits considérés ont été vendus sur le marché intérieur au cours de la période d'août 1979 à juillet 1980 sur laquelle a porté l'enquête ne permettait pas de couvrir la totalité des coûts dans un délai raisonnable ; que la Commission a estimé par conséquent que ces ventes n'ont pas été effectuées dans le cadre d'opérations commerciales normales ; qu'il a été établi que Carnation n'a vendu sur le marché intérieur, au cours de l'exercice 1979/1980, que des quantités minimes de granules de pommes de terre représentant moins de 2 % de ses ventes à l'exportation ; que ces ventes sur le marché intérieur ne permettaient donc pas d'effectuer une comparaison valable ;

Considérant que, pour cette raison, la Commission a estimé que la valeur normale, dans le cas de ces deux sociétés, devait être déterminée sur la base d'une valeur construite ; que la valeur construite des produits de Vauxhall et de Carnation pour la période de référence a été établie à partir des coûts matières et des frais de fabrication de ces sociétés, augmentés des frais généraux apparaissant dans leur comptabilité et d'une marge bénéficiaire de 6 %, considérée comme raisonnable ;

Considérant que les prix à l'exportation ont été déterminés sur la base des prix effectivement payés pour le produit considéré par les importateurs communautaires ; que ces prix étaient libellés caf frontière communautaire ; qu'il a fallu, pour permettre une comparaison entre ces prix et la valeur normale, déduire les frais de transports intérieurs et maritimes, les frais d'assurance, le coût d'un certain nombre à d'additifs, les frais de conditionnement et le coût du crédit ;

Considérant que dans le cadre de la détermination préliminaire de l'existence d'un dumping, la comparaison qui a été effectuée par la Commission entre les prix à l'exportation ainsi établis et les valeurs normales a été opérée transaction par transaction, au stade départ usine ;

Considérant que pour établir une comparaison équitable entre la valeur normale et les prix à l'exportation, la Commission a tenu compte aussi du fait que certains coûts variables et la rémunération des vendeurs ne sont intervenus que sur le marché intérieur ; qu'aucun ajustement n'a été opéré pour les coûts fixes de distribution autres que la rémunération des vendeurs, ces frais n'ayant pas une incidence directe sur les ventes intérieures ;

Considérant que ces investigations ont révélé l'existence, dans le cas des exportations effectuées par Carnation et par Vauxhall, de marges de dumping d'une importance variable qui ont atteint, pour certaines transactions, 45 % dans le cas de Carnation et 11 % dans le cas de Vauxhall ; que la marge moyenne pondérée correspondait à 44,81 unités de compte européennes par tonne dans le cas de Carnation et 4,37 unités de compte européennes par tonne dans le cas de Vauxhall ;

Considérant que, en ce qui concerne le préjudice causé à l'industrie communautaire par les importations effectuées en dumping, les éléments de preuve apportés à la Commission montrent que ces importations sont passées de 2 730 tonnes en 1975 à 2 753 tonnes en 1978 et à 3 954 tonnes en 1979, mais qu'elles ont été ramenées à environ 2 700 tonnes en 1980 ;

Considérant que les importations effectuées au Royaume-Uni, qui absorbe d'une façon générale plus de 90 % de leur volume total et qui représente plus de 50 % de la consommation communautaire, ont légèrement régressé et ont été ramenés de 2 692 tonnes en 1975 à 2 603 tonnes en 1978 avant d'être portées à 3 133 tonnes en 1979 et de tomber ensuite à 2 433 tonnes en 1980 ; que ces importations ont toutefois augmenté brusquement et sont passées à 336 tonnes pour le premier mois de 1981 ; que l'augmentation ainsi constatée en janvier 1981 représente le volume total le plus élevé relevé pour janvier au cours de ces trois dernières années et le volume total mensuel le plus élevé depuis septembre 1979 ; que la régression des importations observée au cours des quatre derniers mois de 1980, après l'ouverture de l'enquête anti-dumping en cours, a coïncidé avec une pénurie temporaire de pommes de terre dans certaines régions du Canada ;

Considérant que les niveaux extraordinairement élevés de 7 931 tonnes et de 6 514 tonnes importées respectivement en 1976 et en 1977 sont dus aux étés extrêmement chauds et secs que le Royaume-Uni a connus en 1975 et en 1976 ; que cette sécheresse a entrainé un relèvement exceptionnel du prix de la pomme de terre, une progression simultanée de la consommation britannique de granules et une baisse de la production du Royaume-Uni qui, en pourcentage de la production communautaire, est tombée de 50 % en 1975 à 18 % en 1977 ; qu'il n'était pas rentable, au cours de cette période, de produire des granules à partir de pommes de terre britanniques et que les différents secteurs de cette activité ont acheté des quantités élevées de produits en Amérique du Nord ;

Considérant que la part détenue par les exportations canadiennes est passée de 5,6 % en 1975 à 8 % en 1979 sur le marché communautaire et de 9,6 % a 12,3 % au cours de la même période sur le marché britannique ; que, dans le même temps, la consommation communautaire a été portée de 48 927 à 49 486 tonnes ;

Considérant que les prix canadiens se sont situés, pendant toute la durée de l'enquête, à un niveau inférieur au maximum de 26 % à ceux des fabricants britanniques ; que cet écart s'est maintenu dans les derniers mois de 1980, à l'époque où les exportations canadiennes au Royaume-Uni ont diminué ;

Considérant que cet écart a maintenu les ventes des fabricants britanniques à un volume inferieur à celui de 1975 ; que les ventes au Royaume-Uni des fabricants néerlandais, les seuls autres fabricants communautaires à vendre régulièrement sur le marché britannique, ont été ramenées de plus de 2 400 tonnes en 1978 à 815 tonnes pour les neuf premiers mois de 1980, alors que la consommation du Royaume-Uni a augmenté de plus de 20 % au cours de la même période ;

Considérant que ce même écart s'est traduit en outre par une très forte augmentation des pertes subies par les fabricants britanniques de 1979 à 1980 ; que ces pertes ont été aggravées par le fait que ces fabricants, s'efforçant de sauvegarder leur part du marché, ont maintenu leurs prix à un niveau inchangé et, en réalité, les ont même réduits vers la fin de 1980, en dépit de l'augmentation très nette des coûts de fabrication et d'autres frais ;

Considérant que, dans ces conditions, les deux fabricants britanniques considérés ont dégagé du personnel en 1980 et que l'un deux devrait cesser toute production de granules en 1981, ce qui entraînera un nouveau dégagement de 118 personnes ;

Considérant que la Commission a examiné en outre si un préjudice était causé par d'autres facteurs qui, individuellement ou combinés, exercent également une influence négative sur l'activité en cause ; qu'elle a suivi dans ce contexte l'évolution au Royaume-Uni des importations originaires d'autres pays tiers ; que les importations ainsi effectuées d'autres pays tiers et en particulier des États-Unis d'Amérique au Royaume-Uni sont tombées de 2,690 tonnes en 1975 à 859 tonnes en 1979, et que leur part du marché a été ramenée de 10 à 3 % pour la même période ; que le prix des importations des produits en question originaires des États-Unis d'Amérique se situe depuis 1978, nettement au dessus des prix des exportations canadiennes ;

Considérant que ces éléments ont amené la Commission à conclure, à titre provisoire, que les exportations canadiennes de granules de pommes de terre ont causé un préjudice important à l'industrie communautaire considérée ;

Considérant que, afin d'éviter, dans ces circonstances, qu'un préjudice ne soit causé au cours de l'enquête, les intérêts de la Communauté nécessitent une action immédiate consistant en l'institution, à l'importation de granules de pommes de terre originaires du Canada, d'un droit anti-dumping provisoire suffisant, compte tenu de l'importance du préjudice subi, pour corriger les marges de dumping provisoirement constatées ;

Considérant qu'un des exportateurs, à savoir Carnation, s'est entre-temps engagé volontairement à relever ses prix à un niveau suffisant pour supprimer la marge de dumping constatée ; que cet engagement a été jugé acceptable par la Commission ; qu'il convient, par conséquent, d'exclure les importations du produit exporté par cette société de l'application de ce droit ;

Considérant qu'il y a lieu de fixer un délai dans lequel les parties en cause sont autorisées, après l'institution du droit provisoire, à faire connaitre leur point de vue par écrit et à être entendues oralement par la Commission,

A arrêté le présent règlement :

Article premier

1. Il est institué un droit anti-dumping provisoire à l'importation des granules de pommes de terre relevant de la position ex 11.05 du tarif douanier commun et correspondant au code Nimexe ex 11.05-00, originaires du Canada. Ce droit ne s'applique pas aux granules de pommes de terre exportés par Carnation Inc. et Carnation Foods Company Ltd, Canada.

2. Le droit visé au paragraphe 1 est fixé à 4,481 unités de compte européennes par 100 kilogrammes poids net, sauf en ce qui concerne les granules de pommes de terre exportés par Vauxhall Foods Ltd, pour lesquels il s'élève à 0,437 unité de compte européenne par 100 kilogrammes poids net.

3. La mise en libre pratique dans la Communauté des produits visés au paragraphe 1 est subordonnée au dépôt d'une garantie correspondant au montant du droit provisoire.

4. Les dispositions en vigueur en matière de droits de douane s'appliquent à ce droit.

Article 2

Sans préjudice des dispositions de l'article 7 paragraphe 4 sous b) et c) du règlement (CEE) n° 3017-79, les parties concernées peuvent faire connaitre leur point de vue et demander à être entendues oralement par la Commission avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement.

Sous réserve des dispositions des articles 11, 12 et 14 du règlement (CEE) n° 3017-79, le présent règlement s'applique pendant une période de quatre mois ou jusqu'à l'expiration par le Conseil de mesures définitives.

Article 3

Le présent règlement entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Notes

(1) JO n° l339 du 31.12.1979, p.1

(2) JO n° C 221 du 29.8.1980, p. 2.