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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 17 janvier 2003, n° 2000-18472

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Produits Berger (SA), Barclays Private Equity France (SA), Equity France (SA), Financière LB (SA), Huynh, IPO (SA)

Défendeur :

Le Monies de Sagazan, Sathelyne France Group (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pézard

Conseillers :

Mmes Schoendoerffer, Regniez

Avoués :

SCP Verdun-Seveno, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, Me Beaufume

Avocats :

Mes Wilhem, Carrière Jourdain, Gondard

T. com. Paris, du 9 août 2000

9 août 2000

LA COUR statue sur l'appel interjeté par les sociétés anonymes Produits Berger, Equity Finance, Barclays Private Equity Finance, Financière LB et Institut de participation de l'Ouest (IPO) ainsi que par Monsieur Huynh d'un jugement contradictoirement rendu le 9 août 2000 par le Tribunal de commerce de Paris qui, tout en déclarant recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur Bruno Le Monies de Sagazan, s'est déclaré compétent et les a déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de ce dernier ainsi qu'à l'encontre de la SARL Sathelyne France Group, les condamnant solidairement à payer la somme de 10 000 F à Monsieur Bruno Le Monies de Sagazan et celle de 10 000 F à la SARL Bruno Le Monies de Sagazan au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, déboutant pour le surplus, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Produits Berger, société d'origine familiale, fabrique avec succès depuis de nombreuses années les lampes Berger. Depuis 1995, elle vend une partie de sa production en Asie (en 1999, les 2/3) par contrat exclusif avec Monsieur Huynh.

Ce dernier distribue les lampes Berger par l'intermédiaire de la société Sathelyne International Co Ltd, qui appartient à son frère, Monsieur Wong.

Le 8 juillet 1996, Monsieur Bruno Le Monies de Sagazan, actionnaire et membre du directoire, quitte la société Produits Berger, alors dirigée par son beau-frère Philippe Auvray au départ de son beau-père Marcel Auvray en 1988, après la signature d'un protocole d'accord avec une holding dite de reprise Financière LB dont les principaux actionnaires étaient Barclays Private Equity Finance, IPO et Equity Finance.

Au début de l'année 2000, la société Produits Berger constate que la société Sathelyne International vend en Asie des produits concurrents sous la marque "Bel'Air Paris", produits fabriqués dans la filiale française de celle-ci, dénommée Sathelyne France, dirigée par Madame Stella Huynh, soeur de Messieurs Huynh et Wong et reproche à Monsieur de Sagazan de participer à certaines activités dans le groupe Sathelyne.

Le 15 mai 2000, les sociétés Produits Berger, Equity Finance, Barclays Private Equity Finance, Financière LB, IPO et Monsieur Huynh ont alors assigné à bref délai Monsieur Bruno Le Monies de Sagazan et la société Sathelyne France, aux fins de voir condamner la violation de la clause de non-concurrence contenu dans l'accord du 8 juillet 1996 ainsi que les agissements de concurrence déloyale et de parasitisme dont ils se sont rendus coupables.

Les sociétés Produits Berger, Equity Finance, Barclays Private Equity Finance, Financière LB et IPO ainsi que Monsieur Huynh, appelants, prient la cour dans leurs dernières conclusions signifiées le 27 novembre 2002, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel;

- dire irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes de Monsieur Bruno de Sagazan et la société Sathelyne France Group et les débouter en conséquence;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les concluants de toutes leurs demandes à l'encontre des intimés et les a condamnés solidairement à leur verser à chacun la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

- condamner in solidum Monsieur Bruno de Sagazan et la société Sathelyne France Group à leur payer la somme de 4 573 470 euro (30 000 000 F);

- ordonner l'arrêt de tous les actes de concurrence déloyale à compter du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte d'une condamnation in solidum de Monsieur de Sagazan et de la société Sathelyne France Group de 38 112 euro (250 000 F) par jour de retard;

- ordonner la publication, aux frais des intimés in solidum, de la décision à intervenir dans les pages du Figaro, Les Échos, et dans la revue " Offrir International ";

- condamner solidairement Monsieur de Sagazan et la société Sathelyne France Group à payer aux concluants la somme de 30 489 euro (200 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur Bruno Le Monies de Sagazan, intimé, a conclu en dernier lieu le 21 novembre 2002 et demande à la cour de :

In limine litis :

- ordonner le rejet des débats des conclusions signifiées et des pièces communiquées le 18 novembre 2002 par les sociétés appelantes;

Sur la compétence :

- dire et juger l'appel principal irrecevable et mal fondé;

Sur le fond :

- confirmer en sa totalité le jugement déféré notamment en ce qu'il a condamné les défendeurs à payer une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 à Monsieur de Sagazan;

Subsidiairement :

- déclarer irrecevables et mal fondés les appelants et les débouter de toutes leurs demandes;

En tout état de cause :

- condamner solidairement les sociétés Financière LB, la SA Produits Berger, SA Barclays Private, Equity France, IPO et Monsieur Huynh à lui payer une somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

- condamner solidairement les sociétés Financière LB, Produits Berger, SA Barclays Private, Equity France et IPO à payer une somme de 60 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, s'ajoutant à la somme de 10 000 F allouée en première instance;

- condamner les mêmes sous la même solidarité en tous les dépens d'instance et d'appel.

La société Sathelyne France Group, intimée, a conclu en dernier lieu le 31 mai 2001 et demande à la cour de :

- dire que :

* seule la société Produits Berger a intérêt à agir,

* la loi française est inapplicable au présent litige,

* il n'y a pas eu collusion entre elle et Monsieur de Sagazan,

* les prétendues actes de dénigrement et de parasitisme sont en réalité tous reprochés à la société Sathelyne International Co Ltd qui n'est pas attraite dans la cause, et elle même, en tant que fabricant, y est parfaitement étrangère,

* elle fabrique un produit original qui ne copie ni ne ressemble à celui de la marque " Lampe Berger ", en utilisant son propre savoir-faire,

* il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne même asiatique, tant en ce qui concerne les éléments critiqués par les demandeurs, pris individuellement, que sur leur impression d'ensemble,

A titre liminaire :

- dire irrecevable l'action des sociétés Financière LB, Barclays Private Equity Finance, IPO et Equity Finance et de Monsieur Kim Huynh pour défaut de qualité et d'intérêt à agir à son encontre,

- constater l'inapplicabilité de la loi française au litige l'opposant aux demandeurs, et en conséquence constater son incompétence,

A titre principal :

- dire infondé l'ensemble des griefs formulés à son encontre,

- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demandeurs de l'intégralité de leur demandes à son encontre et les a condamnés solidairement à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

- dire qu'en cas de condamnation, aucun lien dans cette procédure ne pourrait permettre de retenir la responsabilité conjointe des défendeurs,

- juger que les demandeurs ne justifient d'aucun préjudice,

- rejeter la demande de publication d'arrêt,

En tout état de cause :

- condamner les demandeurs solidairement à lui verser la somme de 250 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

- les condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Cela étant exposé :

In limine litis :

Considérant que M. de Sagazan demande pour tardiveté du dépôt, le rejet des débats des conclusions signifiées et des pièces communiquées par les appelants le 18 novembre 2002, l'ordonnance de clôture devant être rendue le 21 novembre 2002;

Considérant toutefois que lors de la conférence du 21 novembre, le magistrat de la mise en état a reporté la clôture à l'audience des plaidoiries, soit le 28 novembre 2002 ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. de Sagazan;

Considérant que les appelants demandent à la Cour de prendre acte de ce que M. de Sagazan a expressément renoncé à se prévaloir de l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris ; que la cour prend acte de cette renonciation;

Au fond

Sur l'action en concurrence déloyale à l'encontre de M. de Sagazan

Considérant que les appelants prétendent que M. de Sagazan a violé l'article 9 du protocole valant clause de non-concurrence, signé entre lui et la société Produits Berger le 8 juillet 1996 et qui lui interdit pendant une durée de dix années à compter du 16 septembre 1996 de "participer, directement ou indirectement, en qualité d'actionnaire, de salarié, de mandataire, de conseil ou en son nom personnel, à la création ou au développement d'une activité de fabrication et/ou de distribution (i) de produits ou d'éléments de produits (qu'il s'agisse de la lampe, du brûleur ou de la recharge), présentant des caractéristiques identiques ou similaires aux produits connus sous le nom de Lampes Berger (ii) de produits ménagers désodorisants ou (iii) de produits désodorisants pour l'automobile";

Qu'à l'appui de leurs prétentions, ils font valoir les arguments suivants :

• La présentation par M. de Sagazan de M. Jean-Marc Guitard à la société Sathelyne France Group,

Le démarchage et la communication des noms par M. de Sagazan des fournisseurs habituels de la société Produits Berger aux sociétés du groupe Sathelyne,

• M. de Sagazan a été actionnaire et gérant d'une société qui a travaillé à la fabrication des Lampes Bel'Air : la société Alpha Centauri Design,

La coopération de M. de Sagazan avec la société Sathelyne International pour la commercialisation des produits Bel'Air,

• La présence de M. de Sagazan à Taïwan le 24 mars 2000 afm de participer à la présentation des lampes Bel' Air.

Considérant toutefois qu'en cause d'appel comme en première instance, ils ne produisent pas de pièces permettant de justifier leurs allégations ; que, dans ces conditions, c'est avec raison et motifs pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont débouté les sociétés appelantes de leurs demandes à l'encontre de M. de Sagazan;

Qu'en conséquence, la cour confirmera leur décision sur ces points

Sur la responsabilité délictuelle de la société Sathelyne France Group pour concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu'au moyen d'irrecevabilité de la demande fondée sur le défaut de qualité et intérêt à agir soulevé par la société Sathelyne France Group et rejeté en première instance, les appelants opposent le fait que M. Valery Kim Huynh, distributeur exclusif en Asie des lampes Berger, la société Financière LB, holding de reprise des actions de la branche Le Monies de Sagazan, ainsi que les sociétés Barclays Private Equity France, IPO et Equity Finance, investisseurs et actionnaires de la société Financière LB ont subi un préjudice causé par des actes de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que par sa participation à la violation de sa clause de non-concurrence par M. de Sagazan ; qu'ainsi, ces comportements ayant selon eux fait chuter de manière significative les ventes de la société Produits Berger, les actionnaires de ladite société ont qualité pour agir;

Considérant, en effet, ainsi que l'a jugé le tribunal avec des motifs pertinents que la cour adopte, que la société Sathelyne France doit être déboutée de sa demande d'irrecevabilité et que doivent être déclarées recevables les demandes de la totalité des appelants qui ont un intérêt à agir compte tenu de l'objet du litige, de leurs liens avec la société Produits Berger ou de leurs qualités de co-signataires du protocole d'accord;

Considérant, par ailleurs que les appelants soutiennent que la société Sathelyne France Group, à l'instar de la société-mère, la société Sathelyne International, a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme dans le cadre de son activité de fabrication de diffuseurs de senteurs par catalyse sur le marché asiatique, les lampes Bel'Air, l'imitation de la dénomination "Berger" et du logo asiatique de la société Produits Berger ayant pour objet d'entraîner la confusion avec son concurrent afin de capter sa clientèle, qu'ils font également valoir que cette société a également participé activement à la commercialisation des produits Bel'Air en envoyant son directeur commercial, M. Jean-Marc Guitard, en Asie pour participer aux réunions de la société Sathelyne International et visiter les sous-traitants ;

Considérant toutefois que non seulement les pièces produites par les appelants ne concernent, le cas échéant, que la société Sathelyne International, non partie à la procédure, mais ne rapportent pas la preuve des relations de Monsieur Guitard et de M. Valery Kim Huynh à Hong Kong ; que, dans ces conditions, la société Sathelyne France ne peut se voir reprocher des agissements de sa société-mère ;

Que les appelants seront comme en première instance déboutés de leur demande à son encontre;

Sur l'application de l'article 700 du NCPC

Considérant que les appelants qui succombent, devront supporter les dépens d'appel, comme ceux de première instance, ce qui entraîne le rejet de leur demande fondée sur l'article 700 du NCPC;

Qu'il est équitable, en application de ce texte, de les condamner à payer in solidum 4 500 euro chacun à M. de Sagazan et à la société Sathelyne France Group en sus des sommes allouées en première instance;

Sur la procédure abusive

Considérant qu'il n'est pas démontré que les appelants ont commis en engageant la présente instance une faute les obligeant à réparer le préjudice allégué par M. de Sagazan; que celui-ci sera débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne in solidum les sociétés Financière LB, Produits Berger, Equity Finance, Barclays Private Equity France, IPO et

Monsieur Valery Kim Huynh à payer à M. de Sagazan et à la société Sathelyne France Group 4 500 euro chacun au titre des frais irrépétibles d'appel, Déboute les parties de toutes autres demandes, Condamne in solidum les sociétés Produits Berger, Equity Finance, Barclays Private Equity France, Financière LB, IPO, et Monsieur Valery Kim Huynh aux dépens qui pourront être recouvrés, en application de l'article 699 du NCPC, par la SCP d'avoués Gibou-Pignot Grappotte-Benetreau et par Maître Baufume, avoué.