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Décisions

CJCE, 14 décembre 1977, n° 73-77

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Theodorus Engelbertus Sanders

Défendeur :

Ronald van der Putte

CJCE n° 73-77

14 décembre 1977

LA COUR,

1. Attendu que, par arrêt du 10 juin 1977, parvenu à la Cour le 15 juin suivant, le Hoge Raad des Pays-Bas a posé, en vertu des articles 2 et 3 du protocole du 3 juin 1971 (JO NO L 204 du 2. 8. 1975, p. 28) concernant l'interprétation par la Cour de justice de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO NO L 299 du 31. 12. 1972, p. 32), des questions à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 16, initio et 1* de ladite convention ;

2. Que ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige qui oppose deux citoyens néerlandais, domiciliés aujourd'hui aux Pays-Bas, à propos d'un contrat, datant de 1973, par lequel ils étaient convenus que l'un reprendrait à l'autre l'exploitation d'un commerce de fleurs dans un magasin que le second avait pris en location à Wuppertal-Elberfeld, en République fédérale d'Allemagne ;

3. Qu'un litige ayant surgi entre les parties au principal quant au contrat qu'elles avaient conclu, et même quant à l'existence de ce dernier, le 'sous-locataire', Sanders, refusant de commencer l'exploitation du fonds de commerce, y a été contraint par jugement rendu en référé par le président de l'arrondisse - Mentsrechtbank d'Arnhem ;

4. Qu'en appel, le Gerechtshof d'Arnhem a constaté que le contrat litigieux existait, et que Sanders devait à son bailleur, Van Der Putte, une somme représentant le loyer du magasin et une autre somme représentant la prise en location du commerce en tant que tel ainsi que le 'goodwill' (les éléments incorporels du fonds de commerce) ;

5. Attendu que Sanders a excipé de l'incompétence du Gerechtshof, en se fondant notamment sur l'article 16 de la convention du 27 septembre 1968, dont le premier paragraphe dispose que sont seuls compétents, sans considération de domicile :

' 1. En matière de droits réels immobiliers et de baux d'immeubles, les tribunaux de l'état contractant ou l'immeuble est situe. . .';

6. Que Sanders a été débouté aux motifs que, dans le contrat en cause, l'accent n'était pas tant mis sur le loyer ou là location d'un immeuble, que sur l'exploitation d'un commerce, et qu'en cette matière ne jouait pas la justification se trouvant à la base de la compétence exclusive prévue audit article 16, 1*, selon lequel les baux et loyers d'immeubles sont généralement régis par des dispositions législatives particulières rendant préférable l'application de ces dernières par les juges du pays ou elles sont en vigueur ;

7. Attendu que Sanders s'étant pourvu en cassation, le Hoge Raad pose les questions suivantes :

1) la notion de 'bail d'immeuble' figurant à l'article 16, initio et 1*, de la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, recouvre-t-elle aussi un contrat de location de commerce qui est exerce dans un immeuble pris en location par le bailleur d'un tiers ?

2) en cas de réponse affirmative, la compétence exclusive des tribunaux de l'état ou l'immeuble est situé s'applique-t-elle alors aussi à une action, fondée sur une pareille convention, qui a pour objet

A) le paiement de là location du commerce, ou

B) le paiement par le preneur en location du loyer du par le bailleur au propriétaire de l'immeuble, ou

C) le paiement d'une indemnité pour la clientèle ?

3) la réponse aux questions qui précèdent est-elle susceptible de varier selon que le défendeur (l'exploitant-pachter) a ou non contesté l'existence du contrat au cours de la procédure ?

Sur les deux premières questions

8. Attendu que selon l'article 2 de la convention, sous réserve des dispositions particulières, les personnes domiciliées sur le territoire d'un état contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet état ;

9. Que la convention admet des exceptions à la règle générale en accordant au demandeur, dans certains cas, la faculté d'attraire le défendeur devant la juridiction de l'état du domicile de ce dernier ou devant la juridiction d'un autre état contractant selon les dispositions particulières des articles 5, 6, 8, 9, 10, 13 et 14 de la convention ;

10. Que, par contre, dans son article 16 la convention prévoit une compétence exclusive, sans considération de domicile ;

11. Qu'en ce qui concerne les matières énumérées sous 2*, 3*, 4* et 5* de cet article, il est évident que les juridictions auxquelles est accordée une compétence exclusive sont celles qui sont les mieux placées pour juger les litiges dont il s'agit ;

12. Qu'il en est de même en ce qui concerne l'attribution d'une compétence exclusive aux tribunaux de l'état contractant ou est situé l'immeuble, en matière de droits réels immobiliers et de baux d'immeubles ;

13. Qu'en effet, les litiges concernant des droits réels immobiliers sont à juger selon les règles de l'état ou l'immeuble est situé, et que les contestations entraînent, en effet, fréquemment des vérifications, des enquêtes, et des expertises qui doivent être faites sur place, de sorte que l'attribution d'une compétence exclusive répond à l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

14. Que les baux immobiliers sont généralement régis par des règles particulières, et qu'il est préférable que l'application de ces dispositions ne relève, notamment en raison de leur complexité, que des juges du pays ou elles sont en vigueur ;

15. Que ces considérations expliquent l'attribution en matière de baux d'immeubles proprement dits, c'est-à-dire notamment de contestations entre bailleurs et locataires relatives à l'existence ou à l'interprétation de baux ou à la réparation de dégâts causés par le locataire et à l'évacuation des locaux, d'une compétence exclusive aux tribunaux du pays ou l'immeuble est situe ;

16. Que les mêmes considérations ne s'appliquent pas lorsque l'objet principal du contrat est d'une nature différente, notamment lorsqu'il concerne l'exploitation d'un fonds de commerce ;

17. Qu'en outre, l'attribution, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'une compétence exclusive aux tribunaux d'un état contractant dans le cadre de l'article 16 de la convention, a pour effet de priver les parties du choix du for qui autrement serait le leur, et, dans certains cas, à les attraire devant une juridiction qui n'est la juridiction propre du domicile d'aucune d'entre elles ;

18. Que cette considération conduit à ne pas interpréter les dispositions de l'article 16 dans un sens plus étendu que ne requiert leur objectif ;

19. Que des lors la notion de 'matière. .. De baux d'immeubles' dans le cadre de l'article 16 de la convention ne doit pas être interprétée comme incluant le cas d'un contrat relatif à l'exploitation d'un commerce (Verpachting van een Winkelbedrijf) exerce dans un immeuble pris en location par le bailleur d'un tiers ;

20. Que, vu la réponse à la première question, la seconde question ne demande pas de réponse ;

Sur la troisième question

21. Attendu que, par la troisième question, il est demande si la réponse aux questions qui précèdent est susceptible de varier selon que le défendeur (exploitant-pachter) a, au cours de la procédure, contesté ou non l'existence du contrat ;

22. Qu'il ressort des termes exprès de l'article 16 de la convention qu'une contestation relative à l'existence du contrat qui fait l'objet du litige ne fait pas varier la réponse donnée quant à l'applicabilité dudit article ;

Sur les dépens

23. Attendu que les frais exposés par le Gouvernement du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement, et que la procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient a celle-ci de statuer sur les dépens ;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions a elle soumises par le Hoge Raad des Pays-Bas par arrêt du 10 juin 1977, dit pour droit :

1) la notion de 'matière... de baux d'immeubles 'dans le cadre de l'article 16 de la convention ne doit pas être interprétée comme incluant le cas d'un contrat relatif à l'exploitation d'un commerce (Verpachting van een Winkelbedrijf) exerce dans un immeuble pris en location par le bailleur d'un tiers.

2) une contestation relative à l'existence du contrat qui fait l'objet du litige ne fait pas varier la réponse donnée quant à l'applicabilité de l'article 16 de la convention.