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Décisions

CJCE, 13 novembre 1979, n° 25-79

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sanicentral Gmbh

Défendeur :

Collin

CJCE n° 25-79

13 novembre 1979

LA COUR,

1 Par arrêt en date du 10 janvier 1979, parvenu au greffe le 12 février suivant, la Cour de cassation française (chambre sociale) a saisi la Cour de justice, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation de la Convention du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (appelée ci-après la Convention), d'une question relative à l'interprétation des articles 17 et 54 de ladite Convention qui est entrée en vigueur, conformément à son article 62, le 1er février 1973.

Cette question est posée à la suite d'un litige concernant la rupture - en date du 8 décembre 1971 - d'un contrat de travail contenant une clause attributive de compétence à une juridiction allemande et opposant un ouvrier français, domicilié en France, à une société allemande qui l'avait embauché pour travailler en République fédérale d'Allemagne, en dehors de tout établissement.

Ce contrat de travail' avait été conclu le 27 octobre 1971, l'action judiciaire a été intentée le 27 novembre 1973.

2 En présence de cette situation, la Cour de cassation se demande si la clause attributive de compétence est applicable aux contrats de travail conclus antérieurement à la Convention, ou si, 'dans la mesure où les dispositions de celle-ci intéressent la protection des travailleurs salariés, elles touchent au fond même des conventions et ne doivent recevoir effet que pour les contrats postérieurs' ; la Cour de cassation a ainsi posé la question suivante :

'Est-ce que, par application de l'article 54 de la Convention, l'article 17 de celle-ci doit faire tenir désormais pour valables, lorsque l'instance est engagée depuis le 1 février 1973, les clauses attributives de juridiction qui, insérées dans un contrat de travail conclu avant le 1 février 1973, auraient été considérées comme nulles par la législation interne en vigueur à cette époque, peu important à cet égard la date des conventions des parties, ni celle de l'exécution du travail litigieux?'

3 Il ressort de cette question que la Cour de cassation admet à juste titre que le droit du travail fait partie du domaine matériel de la Convention et que les litiges nés d'un contrat de travail, conclu après le 1 février 1973, ressortissent à ladite Convention et notamment à son article 17, relatif à la prorogation de compétence.

4 Étant donné que le contrat de travail a été rompu le 8 décembre 1971 et que l'action judiciaire n'a été intentée que le 27 novembre 1973, donc postérieurement à l'entrée en vigueur de la Convention, la Cour de cassation se pose toutefois la question de la portée de l'article 54 de la Convention qui prescrit que 'les dispositions de la Convention ne sont applicables qu'aux actions judiciaires intentées postérieurement à son entrée en vigueur' et elle demande si la clause d'attribution de juridiction figurant dans le contrat de travail, qui pouvait être considérée selon la législation française avant le 1er février 1973 comme nulle, retrouve sa validité à la date de la mise en vigueur de la Convention.

5 Il y a lieu de répondre à cette préoccupation en disant, d'une part, que la Convention ne concerne pas les règles de droit matériel et, d'autre part, que, la Convention se proposant de déterminer la compétence des juridictions des Etats contractants dans l'ordre intracommunautaire en matière de compétence civile, les législations procédurales internes applicables aux affaires en cause sont écartées des matières réglées par la Convention au bénéfice des dispositions de celle-ci.

6 La clause écrite attributive de juridiction figurant dans un contrat de travail est, de par sa nature, une option de compétence qui n'a pas d'effet juridique tant qu'une instance judiciaire n'est pas déclenchée et qui ne tire à conséquence qu'au jour où l'action judiciaire est mise en mouvement.

C'est donc à cette date qu'il faut se placer pour en apprécier la portée au regard de la règle de droit s'appliquant à cette époque.

L'action judiciaire ayant été engagée le 27 novembre 1973, c'est la Convention qui s'applique en vertu de son article 54.

Il résulte, en effet, de cet article que la seule condition nécessaire et suffisante pour que le régime de la Convention s'applique à l'égard de litiges relatifs à des rapports de droit nés avant la date d'entrée en vigueur de la Convention est que l'action judiciaire ait été introduite postérieurement à cette date, ce qui est le cas de l'espèce.

7 En conséquence, il doit être répondu à la question posée par la Cour de cassation française (chambre sociale) que les articles 17 et 54 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent être interprétés en ce sens que, dans les actions judiciaires introduites après l'entrée en vigueur de la Convention, les clauses attributives de juridiction, stipulées dans les contrats de travail conclus antérieurement à cette entrée en vigueur, doivent être tenues pour valables, même dans le cas où elles auraient été considérées comme nulles selon les règles nationales en vigueur au moment de la conclusion du contrat.

Sur les dépens

8 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur la question à elle soumise par la Cour de cassation (chambre sociale) par arrêt du 10 janvier 1979, dit pour droit :

Les articles 17 et 54 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent être interprétés en ce sens que, dans les actions judiciaires introduites après l'entrée en vigueur de la Convention, les clauses attributives de juridiction, stipulées dans les contrats de travail conclus antérieurement à cette entrée en vigueur, doivent être tenues pour valables, même dans le cas où elles auraient été considérées comme nulles selon les règles nationales en vigueur au moment de la conclusion du contrat.