CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 30 octobre 2003, n° 02-02887
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Voglimacci-Stephanopoli
Défendeur :
Ford France Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lebreuil
Conseillers :
MM. Vergne, Grimaud, Baby, Leclerc d'Orléac
Avoués :
SCP Cantaloube Ferrieu Cerri, SCP Boyer Lescat Merle
Avocats :
SCP Delmouly, Me Cocchiello
Attendu que la société anonyme France Auto, qui était concessionnaire de la marque Ford à Agen depuis 1961 et qui avait pour PDG Pierre Voglimacci-Stephanopoli, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce d'Agen en date du 14 décembre 1985;
Attendu que statuant dans une instance engagée par Maître Guguen mandataire liquidateur de la société France Auto, la Cour d'appel d'Agen, par arrêt en date 7 septembre 1988, considérant que l'origine des déboires de la société France Auto résidait dans la résiliation abusive par la société Ford France du contrat de concession dont bénéficiait la société France Auto, a condamné la société Ford France à réparer les conséquences préjudiciables de cette résiliation abusive et que par arrêt en date du 18 avril 1990 elle l'a donc condamnée à verser à Maître Guguen ès qualité une somme de 10 978 430 F de dommages-intérêts;
Attendu que Pierre Voglimacci, ancien PDG de la société France Auto, faisant valoir qu'il avait lui aussi subi un préjudice en raison de la résiliation fautive du contrat de concession, et que ce préjudice personnel était distinct de celui subi par la société France Auto, a assigné la société Ford France devant le Tribunal de grande instance d'Agen par acte du 8 avril 1993 afin d'obtenir réparation de ce préjudice;
Attendu que par jugement en date du 15 mai 1997, le Tribunal de grande instance d'Agen après avoir constaté que Pierre Voglimacci avait bien subi un préjudice distinct de celui de la société France Auto et qu'il n'avait pas la qualité de créancier représenté par Maître Guguen lors de l'instance engagée par ce mandataire liquidateur à l'égard de la société Ford France, a donc considéré que Pierre Voglimacci était bien recevable à agir personnellement à l'encontre de la société Ford France;
Que ce jugement a ensuite, faisant partiellement droit aux demandes d'indemnisation de Pierre Voglimacci, condamné la société Ford France à verser à Pierre Voglimacci :
* 420 000 F en réparation de son préjudice matériel consécutif à la perte de son emploi
* 1 475 289,30 F au titre des intérêts qu'il avait versés en sa qualité de caution de la société France Auto
* 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Que ce jugement a rejeté les autres demandes d'indemnisation qu'avait formulées Pierre Voglimacci;
Attendu que la Cour d'appel d'Agen, par arrêt en date du 7 septembre 1998, a réformé ce jugement et a débouté Pierre Voglimacci de toutes ses demandes et l'a condamné à verser à la société Ford France une indemnité de 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que statuant sur pourvoi formé par Pierre Voglimacci, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen du 7 septembre 1998 et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Toulouse;
Attendu que la Cour de cassation a retenu trois moyens;
Attendu que la Cour de cassation a en premier lieu relevé que la Cour d'Agen, pour écarter les demandes de Pierre Voglimacci au titre des sommes qu'il avait payées en qualité de caution de la société France Auto, avait retenu que Pierre Voglimacci avait, durant la procédure collective, réglé, en sa qualité de caution, les créances CGI, Veedol, Piguet, Ozone et BNP, qu'il s'était dès lors trouvé subrogé, par l'effet de l'article 2029 du Code civil, dans tous les droits qu'avaient ces créanciers à l'encontre du débiteur et qu'il s'ensuivait qu'il s'était retrouvé représenté par Maître Guguen dans les procédures engagées par celui-ci à l'égard de Ford France;
Que la Cour de cassation a considéré qu'en statuant ainsi alors qu'en sa qualité de caution Pierre Voglimacci était recevable à agir à titre personnel en réparation du préjudice distinct de celui de la société France Auto, la cour d'appel avait violé les articles 1382 et 2029 du Code civil;
Attendu que la Cour de cassation, en deuxième lieu, a relevé que la Cour d'Agen, pour rejeter les demandes de Pierre Voglimacci, avait retenu que nonobstant l'importance de l'intuitu personae de Pierre Voglimacci et sa qualité de PDG de la société France Auto, celui-ci était resté un tiers au contrat de concession et devait donc établir que le dommage dont il se plaignait était dû à une faute de la société Ford France détachable ou indépendante du contrat, et qu'en l'espèce il n'invoquait, précisément, aucune faute délictuelle en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel;
Que la Cour de cassation a considéré qu'en statuant ainsi, alors que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur a causé un dommage, la Cour d'Agen avait violé les articles 1165 et 1382 du Code civil,
Attendu, qu'en troisième lieu, la Cour de cassation a relevé que pour écarter les demandes de Pierre Voglimacci, la Cour d'appel d'Agen avait retenu que la société Ford France ne pouvait être tenue pour responsable des conséquences de la liquidation judiciaire de la société France Auto;
Que la Cour de cassation a considéré qu'en écartant ainsi tout lien de causalité entre la faute imputée à la société Ford et les préjudices subis par Pierre Voglimacci, après avoir relevé que ceux constitués par la perte de revenus, la capitalisation des primes d'assurances, la cotisation retraite, le logement de fonction, les intérêts sur perte sur compte courant, la perte du capital social, les intérêts sur les engagements de caution, les intérêts sur prêt du Crédit Foncier et le préjudice moral étaient, à l'exception du dernier poste, la conséquence directe de la résiliation fautive du contrat par la société France Auto, la Cour d'appel d'Agen n'avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et avait donc violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil;
Attendu que Pierre Voglimacci sollicite aujourd'hui la condamnation de la société Ford France à lui verser en réparation de son préjudice diverses sommes au titre de sa perte de revenus consécutive à la perte de son emploi, des comptes courants dont il était titulaire, de la perte du capital social, de ses divers engagements de caution et de l'emprunt BHE, et enfin de son préjudice moral;
Qu'il sollicite en outre l'allocation d'une indemnité de 8 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Que la société Ford France conclut quant à elle à l'infirmation du jugement du Tribunal de grande instance d'Agen en date du 15 mai 1997;
Qu'elle conclut d'abord à l'irrecevabilité des demandes de Pierre Voglimacci et à titre subsidiaire, au rejet sur le fond de ces mêmes demandes;
Qu'elle sollicite en outre l'allocation d'une indemnité de 12 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Sur quoi
Vu les conclusions signifiées et déposées par la société Ford France et par Pierre Voglimacci, respectivement le 22 juillet 2003 et le 27 août 2003,
Attendu qu'il y a lieu d'abord de rappeler que Pierre Voglimacci qui avait seulement tenté de produire à la liquidation de la société France Auto au titre de sa créance de compte courant n'avait pu en définitive le faire faute, en effet, d'avoir été relevé de la forclusion et qu'il ne figure donc nullement dans la liste des créanciers admis au nom desquels Maître Guguen a exercé avec succès une action en responsabilité à l'égard de la société Ford France, qu'en outre, le fait qu'en sa qualité de caution, Pierre Voglimacci ait été amené à désintéresser un certain nombre de créanciers de la société France Auto et ait été ainsi subrogé dans les droits de ces créanciers n'est pas de nature à le priver de toute possibilité d'agir à titre personnel en réparation du préjudice qu'il a personnellement subi, distinct de celui de la société France Auto, en raison des manquements de la société Ford France à ses obligations;
Attendu, ensuite, que l'action individuelle présentement exercée par Pierre Voglimacci à l'encontre de la société Ford France doit être analysée comme une action de nature délictuelle exercée par un tiers au contrat de concession et dont la recevabilité se trouve donc subordonnée non point à la preuve d'une faute particulière commise par Ford France détachable et indépendante du contrat de concession mais uniquement à la preuve de ce qu'il a subi un dommage personnel en conséquence de l'exécution défectueuse par la société Ford France de ses obligations contractuelles;
Or, attendu que Pierre Voglimacci réclame la condamnation de la société Ford France à lui régler diverses sommes au titre de ses pertes de revenus et rémunérations de PDG de la société France Auto consécutives à la liquidation prématurée de la société France Auto à la suite de la rupture du contrat de concession, ainsi qu'au titre de la perte de divers avantages en nature dont il bénéficiait (Primes d'assurance-vie, logement et véhicules de fonction) et de la perte de plusieurs années de cotisations de retraite;
Qu'il réclame en outre le paiement des sommes suivantes:
* les intérêts produits par les sommes inscrites à son compte courant d'associé de la société France Auto
* les intérêts de la somme de 300 000 F qu'il avait apportée au titre d'une augmentation de capital de la société France Auto à laquelle il avait été procédé en 1984
* la perte du capital social de la société France Auto
* les intérêts de diverses sommes qu'il a été amené, en sa qualité de caution, à payer à divers créanciers de la société France Auto
* les sommes qu'il a été amené à régler en sa qualité de caution de la SCI propriétaire des locaux dont la société France Auto était locataire et qui correspondaient à un emprunt qu'avait opéré cette SCI auprès du Crédit Foncier
* la part qu'il a dû personnellement supporter dans le remboursement à la Banque Hypothécaire Européenne d'un emprunt qu'il avait dû contracter pour pouvoir souscrire à l'augmentation de capital de la société France Auto opérée en 1984
* la réparation de son préjudice moral;
Attendu que le bien fondé de ces réclamations qui sont, pour certaines d'entre elles, contestées en leur principe par la société Ford France, eu égard en particulier à la question du lien de causalité entre ces chefs de préjudice et les fautes commises par la société Ford France, sera ci-dessous examiné;
Qu'il n'en demeure pas moins que les chefs de préjudice dont il est ainsi demandé réparation revêtent bien pour Pierre Voglimacci un caractère personnel et apparaissent en tout cas bien distincts de ceux subis par la société France Auto et les créanciers de cette dernière, étant observé sur ce point que, contrairement à l'argumentation développée par la société Ford France et ainsi que le souligne à juste titre Pierre Voglimacci, les réclamations formées par ce dernier au titre des sommes qu'il a été amené à verser en sa qualité de caution de la société France Auto ou au titre des pertes relatives à l'augmentation de capital de la société et à son compte courant ne concernent que les intérêts de ces sommes dont il a été privé (compte courant) ou par lesquels il a été sanctionné (en sa qualité de caution) et qu'il s'agit donc bien de chefs de préjudice à caractère personnel;
Attendu par voie de conséquence, que contrairement à ce que soutient la société Ford France, les demandes présentées par Pierre Voglimacci sont bien recevables ;
Attendu sur le fond, que les explications et éléments produits aux débats font apparaître que:
* la société Ford France avait dès le 28 septembre 1984 fait connaître à la société France Auto qu'elle acceptait, sans formuler de conditions ou réserves particulières, de renouveler, à compter du 1er janvier 1985, son contrat de concession, et lui avait ainsi proposé deux nouveaux contrats que la société France Auto lui avait alors retournés après les avoir signés,
* des pourparlers avaient été ensuite engagés entre les deux sociétés et s'étaient déroulés pendant plusieurs mois tout au long de l'année 1985 en vue de parvenir à une amélioration de la situation financière de la société France Auto qui connaissait en effet des difficultés,
* la société Ford France a néanmoins pris l'initiative de résilier brutalement et pratiquement sans préavis le contrat de concession dont il s'agit à compter du mois d'octobre 1985, ce qui a entraîné immédiatement le dépôt de bilan de la société France Auto et la mise en liquidation judiciaire de celle-ci dès le 15 décembre 1985;
Qu'il apparaît que c'est donc dans des conditions fautives et abusives, alors que le contrat de concession avait bien été normalement renouvelé quelques mois auparavant et que des pourparlers étaient donc en cours, et en formulant en outre à l'égard de la société France Auto des griefs qui n'étaient pas fondés, que la société Ford France a ainsi brutalement rompu les relations contractuelles entre les deux sociétés qui avaient débuté 25 ans auparavant;
Attendu, au demeurant, que le comportement ainsi résumé de la société Ford France n'est pas aujourd'hui véritablement discuté par cette dernière dans ses écritures susvisées et que la société Ford France a été amenée à en répondre à l'égard de Maître Guguen ès qualité de mandataire liquidateur de la société France Auto ce en conséquence des arrêts de la Cour d'appel d'Agen du 7 septembre 1988 et du 18 avril 1990 aujourd'hui définitifs;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la question qui reste aujourd'hui à trancher par la cour est celle de savoir si les différentes demandes d'indemnisation présentement formées à titre personnel par Pierre Voglimacci à l'encontre de la société Ford France en réparation du préjudice qu'il soutient avoir personnellement subi du fait de la résiliation fautive par la société Ford France du contrat de concession dont bénéficiait la société France Auto sont ou non fondées et dans quelle mesure ;
Attendu que Pierre Voglimacci sollicite tout d'abord la somme de 516 275 euro, outre les intérêts de cette somme au taux légal à compter du 1er janvier 2002, correspondant à la perte de rémunérations qu'il a subie en conséquence de la disparition soudaine et brutale de la société France Auto dont il était Président du Conseil d'Administration et Directeur Général;
Attendu qu'il ne peut être sérieusement discuté que la cessation de l'activité de Pierre Voglimacci en tant que principal dirigeant de la société France Auto est bien une conséquence directe de la rupture du contrat de concession Ford dont bénéficiait sa société et de la mise en liquidation presque immédiate de celle-ci;
Attendu que le quantum de la demande de Pierre Voglimacci tend à lui faire allouer une somme correspondant à la totalité des rémunérations qu'il aurait perçues si son activité à la tête de la société France Auto avait perduré jusqu'à l'âge de sa retraite soit donc pendant 12 ans;
Attendu que pour apprécier la réparation du préjudice subi à ce titre par Pierre Voglimacci, il y a lieu de prendre en considération les éléments suivants :
* S'il est exact qu'en l'espèce la société Ford France a rompu brutalement et sans préavis le contrat de concession, elle tenait de ce même contrat de concession la possibilité d'y mettre fin sur sa propre initiative sous la seule condition de respecter un préavis de deux ans,
* S'il est vrai que, ainsi que le souligne Pierre Voglimacci, ce préavis de deux ans était destiné à permettre à sa société de modifier son activité et de rechercher un autre constructeur automobile comme nouveau partenaire, ce qu'elle n'a pu évidemment faire en l'espèce en raison de la brutalité de la rupture de ses relations avec Ford France et de sa mise en liquidation immédiate, on ne peut pour autant affirmer, quelles qu'aient pu être les qualités de la société France Auto et de son principal dirigeant, que si la société Ford avait respecté le préavis de deux ans, la société France Auto aurait de façon certaine retrouvé un niveau d'activité comparable et maintenu à son principal dirigeant son niveau de rémunération,
* D'une façon plus générale, la survie même de la société France Auto dont il n'est pas discuté qu'elle connaissait juste avant sa mise en liquidation des difficultés financières importantes n'était nullement assurée de façon certaine,
* la rémunération d'un PDG d'une société concessionnaire d'une marque automobile est bien évidemment sujette à fluctuations en fonction des fluctuations du secteur de l'automobile lui-même, secteur qui, y compris dans le Lot-et-Garonne et même pour la marque Ford, a peut être connu des embellies dans les années qui ont suivi mais qui a aussi connu des périodes de difficultés,
Attendu au total, et sans qu'il soit utile d'examiner davantage les considérations développées par les parties relativement à l'incidence de l'état de santé de Pierre Voglimacci (état de santé qui l'a amené à bénéficier, d'une façon anticipée, en 1989, soit 4 ans après la liquidation de son entreprise, de ses droits à la retraite), il y a lieu de considérer que même si la rupture du contrat de concession Ford dont bénéficiait la société France Auto n'était pas intervenue fin 1985, la poursuite de l'activité de la société France Auto et, par voie de conséquence les revenus que pierre Voglimacci pouvait espérer retirer de l'activité de cette société étaient en toute hypothèse soumis à des aléas tels qu'il ne peut être sérieusement envisagé d'allouer en réparation du préjudice subi par Pierre Voglimacci au titre de la perte de rémunérations la totalité des revenus qu'il pouvait espérer jusqu'à la date de sa retraite;
Qu'en définitive, la cour estime devoir, sur la base de la rémunération nette qui était celle de Pierre Voglimacci en 1984 telle qu'elle résulte des pièces et explications fournies par ce dernier et qui ne sont d'ailleurs pas contestées, et prenant en considération les éléments qui viennent d'être analysés ainsi que le fait que Pierre Voglimacci aura dirigé la concession Ford dont il s'agit pendant 25 ans, allouer à Pierre Voglimacci une indemnité de 130 000 euro qui correspond à peu de choses près, et en montant arrondi, à quatre années de rémunérations;
Attendu que Pierre Voglimacci sollicite ensuite une somme de 115 082 euro correspondant à la perte de capitalisation des primes d'assurances-vie que versait à son bénéfice la société France Auto à titre de complément de rémunération, précisant en effet qu'en raison de la liquidation de la société, il s'est trouvé contraint de procéder au rachat des contrats-d'assurance vie dont il s'agissait alors que ceux-ci ne devaient parvenir à leur terme qu'en 1992;
Attendu qu'il n'apparaît pas contesté que ces primes versées par la société France Auto qui doivent donc être analysées comme des compléments de rémunération, compléments au demeurant classiques, étaient versées et prises en charge par la société France Auto depuis 1971, de sorte que la perte de capitalisation subie en raison du rachat prématuré des contrats d'assurance-vie dont il s'agit doit être indemnisée dans des conditions analogues à celles ci-dessus indiquées relativement à la perte de rémunération principale, soit donc sur la base d'une période d'à peu près 4 années (et non jusqu'en 1992, soit sur 8 années, ainsi que le réclame Pierre Voglimacci);
Qu'en conséquence, il convient, sur la base des éléments chiffrés fournis par Pierre Voglimacci et des justificatifs produits, éléments qui n'apparaissent au demeurant pas en eux-mêmes contestés, d'allouer à ce titre à pierre Voglimacci la somme de:
567 169 F (montant total du capital initialement assuré au titre des deux contrats d'assurance-vie) - 114 137 F (montant du capital versé par les compagnies d'assurances lors de la liquidation des contrats),
soit donc 453 032 F de pertes calculés sur les 8 années qui restaient à courir jusqu'au terme normal des contrats (jusqu'en 1992) somme qui doit être divisée par deux pour parvenir à une indemnisation sur à peu près 4 années, soit 226 516 F et, en montant arrondi, 35 000 euro;
Attendu que c'est par des motifs pertinents, qu'il y a lieu d'adopter, que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de Pierre Voglimacci fondée sur le fait qu'il se serait trouvé privé d'un logement de fonction, étant en effet observé que Pierre Voglimacci qui, selon les pièces de la procédure, semble bien toujours habiter au 33, avenue du Général de Gaulle à Agen, ne justifie pas présentement, pas plus que devant les premiers juges, de ce qu'il doit, depuis que sa société a été liquidée, faire face à des frais locatifs pour se loger;
Attendu, de même, que s'agissant de l'avantage en nature qu'aurait constitué pour Pierre Voglimacci le fait que lorsqu'il dirigeait sa société il aurait bénéficié de deux véhicules de fonction, force est de constater que Pierre Voglimacci se contente à cet égard de produire une attestation de son ancien expert-comptable faisant simplement état de ce que Pierre Voglimacci bénéficiait, entre autres avantages en nature, de l'usage d'un véhicule de fonction haut de gamme et d'une petite voiture de ville, mais qu'en l'absence d'autres éléments justificatifs précis, notamment fiscaux, cet élément apparaît à la cour insuffisant, de sorte que la réclamation formée à ce titre par Pierre Voglimacci, d'un montant de 181 414 euro, sera écartée;
Attendu qu'il apparaît à la lecture des éléments produits, que Pierre Voglimacci, compte tenu de son état de santé, a bénéficié d'une mise à la retraite anticipée à partir de 1989 ;
Que force est toutefois de constater qu'il ne produit sur ce point aux débats qu'une notification de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie datant, semble-t-il, du début de l'année 1999, et l'informant de ce qu'il pouvait bénéficier d'une pension de retraire anticipée en raison de son inaptitude au travail;
Qu'il ne produit en tout cas aucun élément démontrant que cette mise à la retraite et par conséquent les pertes de revenus engendrées par le caractère anticipé de cette mise à la retraite, seraient en lien de causalité direct et, surtout, certain avec la rupture fautive du contrat de concession intervenue en octobre 1985 ;
Que la demande d'indemnisation de 30 000 euro formulée à ce titre par Pierre Voglimacci sera donc écartée;
Attendu que Pierre Voglimacci fait ensuite état de ce que les sommes qu'il avait été amené, en sa qualité de caution de la société France Auto, à régler à divers créanciers de celle-ci (créances CGI Cegerec et Veedol) lui ont été remboursées tant en ce qui concerne les intérêts que le principal dans le cadre des opérations de liquidation grâce à la somme que la société Ford France a été amenée à verser en conséquence de l'arrêt de la Cour d'Agen en date du 18 avril 1990, mais de ce que certains autres créanciers (Banque Populaire du Quercy, Société Générale, société Expanso, Monsieur Petite...) qui ne l'avaient pas poursuivi ont néanmoins obtenu le paiement de leur créance dans le cadre des opérations de liquidation et grâce à la somme versée par la société Ford France mais qu'ils n'ont été remboursées qu'en capital et qu'il lui réclament le paiement, en sa qualité de caution, des intérêts;
Qu'il sollicite donc la condamnation de la société Ford France à lui verser une somme correspondant au montant des intérêts qui lui sont ainsi réclamés;
Mais attendu qu'il convient simplement de constater qu'à l'appui de cette demande Pierre Voglimacci ne verse en tout et pour tout aux débats que des décomptes de créances, au demeurant anciens (datant des années 1992 et 1993) établis par les créanciers dont il s'agit et qu'hormis le cas de la créance de la société Expanso, il ne justifie nullement de demandes ou d'actes de poursuites quelconques émanant de ces créanciers en vue d'obtenir paiement des intérêts dont il s'agit et qu'a fortiori et surtout, il ne justifie nullement avoir payé les dits intérêts,
Qu'en conséquence et faute d'apporter la preuve d'un préjudice actuel et certain, Pierre Voglimacci doit être débouté de cette demande;
Attendu en revanche qu'il résulte des pièces produites que Pierre Voglimacci a été remboursé, grâce au boni de liquidation, de la somme principale qui figurait au crédit de son compte courant d'associé mais qu'il n'a pas été remboursé des intérêts, intérêts qui à la date où le remboursement du principal est intervenu, soit à la fin 1992, s'élevaient, selon décompte qui a été établi par l'expert-comptable de la société, Monsieur Aviano, et qui n'apparaît pas en lui-même discuté, à la somme de 98 744 euro;
Que cette somme correspond donc bien à un préjudice personnel directement subi par Pierre Voglimacci consécutivement à la rupture du contrat de concession et à la liquidation de sa société et qu'elle doit donc être allouée à Pierre Voglimacci à titre de dommages-intérêts;
Attendu par ailleurs qu'il apparaît qu'au terme des opérations de liquidation, le boni qui a pu être dégagé n'a pas permis aux associés de la société France Auto de récupérer le capital social de la société et que Pierre Voglimacci invoquant à ce titre un préjudice personnel sollicite donc la condamnation de la société Ford France au versement d'une somme équivalente à ses droits sur ce capital social;
Mais attendu qu'il convient de considérer que la somme qui a été allouée à la société France Auto par l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen en date du 18 avril 1990 et qui a été effectivement versée par la société Ford France doit être analysée comme ayant intégralement réparé le préjudice subi par la société France Auto à raison de la rupture fautive de la part de la société Ford France du contrat de concession, de sorte que si aux termes des opérations de liquidation il n'a pas été possible de rembourser aux associés, malgré la somme versée par la société Ford France, le capital de la société, le préjudice résultant pour les associés de ce défaut de remboursement ne peut être analysé comme une conséquence directe et certaine des fautes commises par la société Ford France ;
Que par voie de conséquence, la demande formée à ce titre par Pierre Voglimacci, pour un montant de 66 287 euro, doit être écartée;
Attendu qu'il résulte des pièces et explications fournies par Pierre Voglimacci que celui-ci, pour pouvoir souscrire à l'augmentation de capital de la société France Auto qui avait été prévue dans le cadre de la restructuration financière de sa société qui avait été décidée en 1984 dans le cadre des pourparlers alors en cours avec la société Ford France, avait souscrit un emprunt auprès de la Banque Hypothécaire Européenne, prêt couvert par une assurance-groupe invalidité décès;
Qu'il apparaît que si, dans un premier temps, la compagnie d'assurance a, à la suite de la liquidation de la société, accepté de prendre en charge le remboursement de cet emprunt, elle a en définitive refusé cette prise en charge, de sorte que Pierre Voglimacci a dû rembourser le prêt dont il s'agit après avoir procédé à la vente d'un immeuble qui avait appartenu à son père sur lequel la BHE avait pris une inscription d'hypothèque ainsi qu'à la vente d'une autre immeuble de famille;
Qu'il sollicite donc le paiement par la société Ford France de la somme de 102 903,09 euro;
Mais attendu qu'il apparaît, au résultat de la simple description ci-dessus effectuée du processus qui a ainsi amené Pierre Voglimacci à procéder à des remboursements auprès de la BHE, que celui-ci ne peut se prévaloir à ce titre d'un préjudice en lien de causalité direct avec la rupture fautive par la société Ford France du contrat de concession et que sa demande doit donc être écartée;
Attendu, de même, que le fait que Pierre Voglimacci, à la suite de la déconfiture de sa société, ait été amené à verser des sommes au Crédit Foncier de France en sa qualité de caution non point de la société France Auto mais de la SCI du Cours de Belgique, bailleur des locaux qu'occupait la société France Auto, ce en remboursement d'un emprunt qui avait souscrit par cette SCI et à la suite du refus de la compagnie d'assurance de prendre en charge, au titre de l'assurance invalidité qu'avait souscrite Pierre Voglimacci lors de la souscription de cet emprunt, la totalité des sommes dues au titre de cet emprunt, ne saurait être analysé comme une conséquence directe du comportement fautif de la société Ford France, et qu'en conséquence la demande formée à ce titre par Pierre Voglimacci doit également être écartée;
Attendu, enfin, qu'il ne peut être véritablement discuté qu'eu égard, notamment, aux conditions dans lesquelles Pierre Voglimacci a dû brutalement, après 25 ans d'activité, déposer le bilan de sa société, ainsi qu'aux échos médiatiques auxquels cette liquidation et ses suites ont donné lieu, Pierre Voglimacci a subi du fait du comportement fautif de la société Ford France, un préjudice moral qui mérite réparation;
Que la cour estime devoir allouer à ce titre à Pierre Voglimacci une somme de 10 000 euro;
Attendu qu'au total, la société Ford France sera condamnée à verser à Pierre Voglimacci une somme globale de 273 744 euro à titre de dommages-intérêts ;
Qu'il y a lieu de préciser que, s'agissant d'une créance de nature délictuelle, cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision et que les demandes formulées par Pierre Voglimacci dans ses écritures, relativement à chacun des postes de préjudice qu'il a invoqués, et qui tendent à obtenir, à titre de suppléments de dommages- intérêts, des intérêts calculés à compter de dates antérieures ou des majorations pour dépréciation monétaire doivent être écartées pour n'être pas spécialement justifiées;
Attendu qu'il apparaît équitable d'allouer à Pierre Voglimacci une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, Réformant le jugement du Tribunal de grande instance d'Agen en date du 15 mai 1997, Recevant Pierre Voglimacci en son appel et en son action, Condamne la société Ford France à verser à Pierre Voglimacci la somme globale de 273 744 euro, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a personnellement et directement subi en conséquence de la rupture fautive de la part de la société Ford France du contrat de concession dont bénéficiait la société France Auto, Condamne la société Ford France, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à verser à Pierre Voglimacci la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés tout au long de la présente instance, Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Ford France à supporter les entiers dépens de la présente instance tant de première instance que d'appel et accorde à la SCP Cantaloube Ferrieu-Cerri, qui le demande, le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.