CA Rennes, 3e ch. corr., 6 mai 2003, n° 02-01655
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UFC Que Choisir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Conseillers :
Mmes Antoine, Pigeau
Avocats :
Mes Launay-Masse, Yeu, Kerneis
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le Tribunal correctionnel de Quimper par jugement contradictoire en date du 25 avril 2002, pour :
vente au déballage non autorisée
a condamné X Gilbert à une amende de 1 500 euro.
vente au déballage non autorisée
a condamné la SA Y, représentée par son Président du conseil d'administration M. Pierre Z à une amende de 6 000 euro.
Et, sur l'action civile, a déclaré L'Union fédérale des consommateurs irrecevable en sa constitution de partie civile;
Les appels:
Appel a été interjeté par:
L'Union fédérale des consommateurs, le 6 mai 2002, à titre principal,
M. le Procureur de la République, le 7 mai 2002, à titre incident;
La prévention :
Il est fait grief à Gilbert X:
- d'avoir à Quimper, le 14 décembre 1998, procédé à une vente au déballage sans autorisation ou en méconnaissance d'une autorisation en l'espèce vente de sapins de Noël et divers accessoires de décoration, à l'extérieur du magasin sur une surface d'environ 200 m2 sous chapiteau, de matériel informatique, vélos, chocolats, jouets, téléphone mobile et fleurs, et à l'intérieur du magasin sur une surface d'environ 147 m2 rendant par son encombrement dans le mail la circulation difficile de la clientèle dans cet espace,
infraction prévue par les articles L. 310-5 al. 1 2°, L. 310-2 du Code du commerce, 7, 8 du décret 96-1097 du 16/12/1996 et réprimée par l'article L. 310-5 du Code de commerce ;
Il est fait grief à la SA Y:
- d'avoir à Quimper, le 14 décembre 1998, procédé à une vente au déballage sans autorisation ou en méconnaissance d'une autorisation en l'espèce vente de sapins de Noël et divers accessoires de décoration, à l'extérieur du magasin sur une surface d'environ 200 m2 sous chapiteau, de matériel informatique, vélos, chocolats, jouets, téléphone mobile et fleurs, et à l'intérieur du magasin sur une surface d'environ 147 m2 rendant par son encombrement dans le mail la circulation difficile de la clientèle dans cet espace,
infraction prévue par les articles L. 310-5 al. 1 2°, L. 310-2 du Code du commerce, 7, 8 du décret 96-1097 du 16/12/1996 et réprimée par l'article L. 310-5 du Code de commerce;
Procédure devant la cour:
Monsieur X comme la SA Y contestent l'infraction retenue dans la prévention estimant que les faits ne s'analysent pas comme une vente au déballage sans autorisation préalable mais comme "l'exploitation d'une surface de vente sans autorisation préalable de la Commission d'équipement commerciale", infraction constitutive d'une contravention aux dispositions du décret n° 93-318 du 9 mars 1993 et punissable uniquement d'une amende prévue pour les contraventions de 5e classe.
A titre subsidiaire, la SA Y rappelle que si la prévention initiale est retenue par la présente cour, l'infraction est pour ce qui la concerne amnistiée de plein droit.
Le Ministère public demande confirmation du jugement.
La partie civile reprend le bénéfice de ses conclusions de première instance.
En la forme
Les appels sont réguliers et recevables en la forme;
Au fond:
Il résulte de la procédure et des débats les éléments suivants:
A l'occasion des fêtes de Noël 1998, le magasin Leclerc à Brest a proposé à la vente, sous chapiteau extérieur et dans la galerie marchande, divers objets et matériels, sur une superficie d'environ 200m2 à l'extérieur et de 150 m2 à l'intérieur.
Sont poursuivis Monsieur X en qualité de directeur du magasin et la SA Y en qualité d'exploitant.
Monsieur X a indiqué que le chapiteau extérieur était présent en permanence et affecté à la vente en fonction des opérations commerciales décidées par l'exploitant, il a également indiqué pour ce qui concerne les espaces intérieurs du mail que:
- le stand micro-informatique complète les rayons du magasin et existe depuis plusieurs années, les achats étant réglés aux caisses du magasin,
- l'espace vélo est seulement une surface d'exposition, les modèles présentés étant dans les réserves du magasin, l'espace téléphonie ou l'espace jouets sont l'un et l'autre également des surfaces d'exposition; au cas d'achat les paiements se font (sauf pour la téléphonie) aux caisses du magasin,
- le kiosque gourmand n'a été installé que pour les fêtes de fin d'année au contraire de celui des fleurs qui existe depuis deux ans environ; les paiements se font directement sur ces stands.
Sur ce:
Sur l'action publique:
En application de l'article L. 310-2 du Code de commerce sont considérées comme ventes au déballage les ventes de marchandises effectuées dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public, ces ventes étant soumises en toute hypothèse à autorisation préalable de la préfecture et ne devant pas excéder deux mois.
Sont considérés comme locaux ou emplacements non destinés à la vente l'ensemble des espaces qui ne sont pas inclus dans la surface initialement destinée à la vente et déclarée comme telle, tels parcs de stationnement, réserves ou galeries marchandes d'un centre commercial.
Ainsi l'utilisation ponctuelle d'un chapiteau extérieur à des fins de vente, même si ce chapiteau est présent en permanence, constitue bien une surface non destinée à la vente dans la mesure où l'accès est indépendant de celui utilisable pour le centre commercial, où la clientèle peut circuler librement et n'acheter que des produits proposés de façon ponctuelle et au surplus différents de ceux habituellement trouvés dans l'espace autorisé (sapins de Noël).
Pour ce qui concerne le mail (galerie marchande), il est constant qu'il ne fait pas davantage partie du centre commercial puisque il en est différencié par les caisses et dispose d'une entrée indépendante de celle du dit centre, que les articles exposés avec indication de prix étaient bien proposés à la vente, ce qui exclut toute notion de simple présentation, peu important l'endroit exact du règlement des achats (dans les kiosques ou aux caisses du magasin).
Que la grande surface ait pu procéder à ces ventes non autorisées depuis plusieurs années sans que procès-verbal ait été dressé ne saurait signifier que l'infraction aujourd'hui poursuivie n'existe pas au seul motif que leur pratique a été quasi-constante, par réitérations ponctuelles en fonction de la politique commerciale de l'exploitant.
Par voie de conséquence doit être écartée l'argumentation présentée par Monsieur X qui soutient que la seule infraction qui puisse lui être reprochée est une exploitation irrégulière de surfaces de ventes sans autorisation préalable, contravention prévue et réprimée par les articles 29 de la loi du 27 décembre 1973 et 40 du décret du 9 mars 1993.
Pour la SA Y, la délégation de pouvoir consentie à son directeur donne sans doute qualité à celui-ci de représentant de la personne morale mais ne l'exonère pas pour autant et de fait de sa propre responsabilité pénale.
Dans la mesure où il n'est pas requis par la loi la preuve d'une faute distincte de la personne morale, et où les faits retenus contre Monsieur X ont été commis pour le compte de celle-ci, c'est à juste titre que le tribunal a retenu la SA Y dans les liens de la prévention.
Il convient donc de confirmer le jugement tant sur la qualification que sur la peine prononcée étant rappelé que l'article L. 310-5 applicable à Monsieur X et l'article L. 310-6 du Code de la consommation applicable à la SA Y prévoient l'un et l'autre le prononcé des peines complémentaires que sont l'affichage ou la diffusion de la présente décision, ce qui exclut l'application de plein droit de la loi d'amnistie du 6 août 2002.
Sur l'action civile:
L'UFC Que Choisir, association agréée de consommateurs, tient de l'article 1er de la loi du 5 janvier 1998 devenu l'article L. 421-1 du Code de la consommation le pouvoir d'exercer tous les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.
L'article L. 310-2 du Code de commerce a sans doute pour finalité première de faire respecter la réglementation sur certains types de vente pour éviter les abus remettant en cause une concurrence saine et loyale, mais il permet aussi par là même de faire respecter les droits des consommateurs, leur intérêt général restant étroitement dépendant du respect par les commerçants, et notamment les grandes surfaces, de la réglementation en vigueur.
Par voie de conséquence le jugement sera réformé et l'UFC Que Choisir admise en sa constitution de partie civile et en sa demande de dommages et intérêts, dans les limites du dispositif.
Il lui sera alloué une indemnité de 750 euro pour la couvrir de ses frais de première instance et d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Gilbert, la SA Y et l'Union fédérale des consommateurs, En la forme Reçoit les appels. Au fond Confirme le jugement en ses dispositions pénales; Le réformant en ses dispositions civiles déclare l'UFC Que Choisir recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile. Condamne solidairement Monsieur X et la SA Y à lui payer 1 500 euro à titre de dommages et intérêts et 750 euro en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Prononce la contrainte par corps à l'encontre de M. X Gilbert, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable chaque condamné, Le tout par application des articles susvisés, des articles 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.