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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 17 janvier 2005, n° 01-10849

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

13 Electric (SA)

Défendeur :

Diffusion Electrique du Sud-Est (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blin (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP Cohen-Guedj, SCP de Saint Ferreol-Touboul

Avocats :

Mes Urbani, Braunstein

T. com. Marseille, du 25 mai 2001

25 mai 2001

Faits, procédure et arguments des parties:

La SA 13 Electric a relevé appel d'un jugement, rendu par le Tribunal de commerce de Marseille en date du 25 mai 2001 et qui l'ayant déboutée de son action en concurrence déloyale contre la société Diffusion Electrique du Sud Est (DIFFELECT) l'a condamnée à lui payer la somme de 25 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'appelante, qui exerce à Marseille une activité de grossiste en matériels électriques, et qui a été créée par d'anciens employés d'une société Midi Matériel, dont MM. Jean-Pierre Napolitano et José Fornes, expose, dans ses conclusions récapitulatives du 20 octobre 2004, qu'ayant courant 1998 d'importants problèmes de trésorerie, elle a fait appel à M. Fernandez, qui ayant acquis 51 % de ses actions, a procédé à une réorganisation tout en conservant aux anciens dirigeants la gestion, comme membres du directoire.

Elle expose encore que des anomalies ayant été découvertes au niveau des stocks et des créances, et le conseil de surveillance n'ayant pas obtenu d'explications, la quasi-totalité de l'équipe commerciale a présenté, courant mai et juin, sa démission, et que M. Napolitano, qui avait abandonné son poste, a été révoqué.

Elle relate que dès le 13 septembre 1999, a été ouverte, dans le même secteur d'activité et à proximité, la société DIFFELECT, qui, à l'exception de M. Fornes, comprenait l'ensemble de son service commercial.

Elle critique le jugement déféré qui a rejeté ses demandes du chef de concurrence déloyale tout en reconnaissant l'existence d'un débauchage massif de son personnel et une désorganisation de ses services, mais en exigeant à tort la preuve de l'existence d'une volonté de nuire.

Elle fait valoir que l'existence de faits constitutifs d'une concurrence déloyale est rapportée en l'état :

- d'un débauchage de six personnes sur dix

- de la désorganisation qui s'en est suivi avec obligation de recruter du personnel sans expérience ou de procurer de l'avancement à du personnel subalterne

- d'une diminution significative de son chiffre d'affaires, dés le début de l'année 1999 et, concomitamment d'un montant très important du chiffre réalisé, dés sa création par DIFFELECT

- de l'importance considérable procuré par la connaissance des fournisseurs et des clients dans le secteur de la vente de matériel électrique à des professionnels

- de la perte immédiate de clients (10) qui ont pu être trompés, comme en témoignent les erreurs dans l'envoi de courriers

- du caractère déloyal des agissements de DIFFELECT.

Elle rappelle que l'action en concurrence déloyale étant fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil, elle suppose seulement la démonstration de l'existence d'une faute sans requérir un élément intentionnel.

Elle fait valoir encore :

- que les témoignages fournis par ses anciens salariés, et retenus par les premiers juges, sont inopérants alors qu'ils décrivent une soi-disant mauvaise ambiance dans ses services, alors qu'en fait les causes du départ proviennent d'un différent entre associés

- que le démarrage rapide de sa concurrente n'a été possible que par un détournement du fichier client comme le révèle une pièce dénommée "analyse compte client 13 Electric" versée aux débats.

Elle s'oppose à son adversaire, qui invoquait une ordonnance de non-lieu ayant bénéficié à M. Napolitano poursuivi à son initiative notamment du chef d'abus de biens sociaux, en déposant, avec l'accord de son avoué à l'audience, un arrêt infirmatif récent de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Elle demande la condamnation de la société DIFFFELECT à lui payer la somme de 2 157 344,61 euro, montant estimé de son préjudice, sauf à recourir éventuellement à une expertise pour procéder à son évaluation, et celle de 4 600 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Diffusion Electrique du Sud Est (DIFFELECT) conclut, dans ses écritures déposées le 9 septembre 2004, à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à lui payer les sommes de 9 000 euro pour procédure abusive, pour avoir présenté comme déloyale une concurrence légitime, et 7 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle répond que c'est la réorganisation de l'entreprise, avec l'intervention du groupe GIPCA qui recevait au lieu et place de la société, les remises de fin d'année des fournisseurs, qui est à la base des départs.

Elle fait valoir:

- qu'on ne peut lui reprocher de s'être constituée avec d'anciens cadres de 13 Electric puisque la liberté de l'entreprise est la base de l'économie libérale

- qu'il n'est pas démontré que ce personnel, qui n'était pas tenu par des clauses de non-concurrence, avait été débauché grâce à la proposition d'avantages financiers ou d'avantages en nature anormaux.

- qu'il est de jurisprudence constante que l'embauche massive d'anciens salariés ne constitue pas en soi une faute permettant de caractériser un débauchage déloyal

- que le secteur d'activité est particulier dans la mesure où il n'y a pas d'achalandage et où 3 000 entreprises sont les clientes potentielles et où les grossistes de la région, au nombre de 8 dans un rayon de 10 km, se partagent cette clientèle.

Elle conteste l'existence d'un préjudice au vu des résultats de son adversaire et de la perte de bénéfices dont a pu profiter GIPCA, comme l'ont relevé les premiers juges.

L'ordonnance de clôture étant intervenue le 2 novembre 2004, comme il avait été prévu à l'ordre de travail du 23 juin 2004, l'intimée a déposé, les 10 novembre 2004 et 18 novembre 2004, de nouvelles conclusions en demandant, sans autrement le motiver, la révocation de l'ordonnance de clôture.

Motifs de la décision :

L'article 783 du nouveau Code de procédure civile prohibe tout dépôt d'écritures après l'ordonnance de clôture, sauf dans des circonstances particulières non applicables à l'espèce; la demande de révocation de la clôture n'est pas motivée; les conclusions déposées par l'intimée les 10 et 18 novembre 2004 seront en conséquence écartées des débats, alors au surplus que, les dernières conclusions de son adversaire ayant été déposées le 20 octobre 2004, elle avait largement le temps de lui répondre avant que la procédure ne soit clôturée.

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée; en l'absence de moyen constitutif susceptible d'être relevé d'office, il convient de le déclarer recevable.

Le recrutement massif de salariés libres de tout engagement, tels que ceux cités en l'espèce, ne saurait à lui seul, hors de toute manœuvre déloyale, constituer un fait caractéristique d'une concurrence déloyale, dans la mesure où la liberté du commerce et de l'industrie doit être respectée en priorité en ce qui concerne les relations entre commerçants.

Or en l'espèce, s'il n'est pas contesté par l'intimée qu'elle a, lors de sa constitution, procédé au débauchage de la majorité des employés de l'équipe commerciale de l'appelante, l'analyse des attestations régulières en la forme des anciens employés de la société 13 Electric, qui ont rejoint DIFFELECT permet, au delà de leur qualité de salariés, de constater, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'existence d'une dégradation du climat social, chacun décrivant, dans des termes spécifiques, sa situation personnelle et les réactions des clients à la réorganisation de la société et aux nouvelles pratiques commerciales, relatives notamment à l'adhésion de la société 13 Electric au GIPCA.

Il n'est pas établi que, pour rejoindre la nouvelle société DIFFELECT ces personnes auraient été l'objet d'offres particulières ni que des avantages leurs aient été concédés ; il n'est pas plus établi qu'elles auraient délibérément quitté leur ancien employeur en vue de lui nuire en provoquant sciemment la désorganisation de l'entreprise; l'échelonnement des départs, tel qu'il résulte de l'examen des dates des démissions permet d'exclure toute action concertée de ce chef.

D'autre part en ce qui concerne M. Napolitano, ancien dirigeant de la société 13 Electric, il n'est pas contesté qu'il a été révoqué ; M. Fornes a pour sa part quitté la société 13 Electric sans rejoindre la nouvelle société ; d'autres employés, comme Mlle Saturnino ont d'abord travaillé dans une autre entreprise avant de rejoindre la société DIFFELECT.

L'existence de manœuvres ne saurait pas plus résulter d'une confusion qui aurait été entretenue chez la clientèle ; en effet les deux pièces versées aux débats par l'appelante sont tardives comme adressées plus d'un an après le départ de l'entreprise de M. Napolitano ; elles sont en outre relatives à des factures de faible montant.

Enfin, l'analyse effectuée par l'appelante du chef de la perte de chiffre d'affaires ne saurait être prise comme telle en considération, dés lors que les chiffres défavorables commencent au début de l'année 1999, soit à une époque où le projet de création de la société DIFFELECT n'était pas engagé.

La société appelante ne peut pas plus invoquer une captation de son fichier, qui en raison de la nature des activités et de la clientèle, les entreprises d'électricité, ne peut avoir un intérêt majeur ; la pièce invoquée ne porte aucune date ; elle porte sur l'analyse du chiffre d'affaires réalisé et constitue une aide procurée par le PDG de la société DIFFELECT à son conseil en vue de la constitution du présent dossier.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé, la désignation d'un expert ne pouvant porter que sur le quantum du préjudice et la mission proposée ayant pour but en fait, comme le relève à bon droit l'intimée, de procurer à l'appelante des éléments de preuve qu'il lui incombe de fournir.

L'appelante n'ayant pas abusé des voies de droit en soumettant à la justice le litige, qui persiste d'ailleurs par la voie pénale, comme le démontre l'examen des décisions versées aux débats.

Mais vu les articles 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile,

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Déclare irrecevables les conclusions déposées par la société DIFFELECT les 10 et 18 novembre 2004 - Reçoit l'appel - Confirme le jugement déféré - Condamne la société 13 Electric à payer à la société Diffusion Electrique du Sud Est la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - La condamne aux dépens, avec distraction pour ceux appel au profit de la SCP de Saint-Ferreol-Touboul, avoué, sur son affirmation qu'elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.