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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. civ. B, 8 novembre 2001, n° 97-11731

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vietti

Défendeur :

Bellenger

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roudil

Conseillers :

M. Djiknavorian, Mme Charpentier

Avoués :

SCP Bottai-Gereux, SCP de Saint Ferreol-Touboul

Avocats :

Mes Mistre-Veronneau, Coste

TGI Marseille, du 3 sept. 1996

3 septembre 1996

Faits et procédure :

Vu le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Marseille le 3 septembre 1996 entre Monsieur Michel Vietti et Monsieur Claude Bellenger,

Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur Michel Vietti le 23 mai 1997,

Vu les conclusions récapitulatives déposées par Monsieur Michel Vietti le 20 mai 1999,

Vu les conclusions récapitulatives déposées par Monsieur Claude Bellenger le 16 juin

1999,

Le 14 juillet 1994, Monsieur Vietti a acquis de Monsieur Bellenger pour le prix de 80 000 F un véhicule d'occasion de marque Peugeot immatriculé 403 RF 13 portant mention d'un kilométrage de 61 957 kms.

Le 16 août 1994, le véhicule est tombé en panne et Monsieur Vietti a fait procéder au remplacement du moteur pour la somme de 32 237,37 F.

Par acte du 22 décembre 1994, Monsieur Vietti a fait assigner sur le fondement de la garantie des vices cachés Monsieur Bellenger afin d'obtenir de ce dernier le remboursement du coût des travaux effectués sur le véhicule et le paiement de la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris a débouté Monsieur Vietti de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 3 000 F à Monsieur Bellenger pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur Vietti, appelant, demande à la cour:

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de dire "que conformément à l'article 1641 du Code civil, l'état du véhicule qui lui a été vendu par Monsieur Bellenger n'était pas conforme à l'usage auquel il était destiné,

- de condamner Monsieur Bellenger à lui payer la somme de 32 237,37 F avec intérêts de droit à compter de la citation introductive d'instance,

- de le condamner également à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts,

- de le condamner enfin au paiement d'une somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient :

- qu'en l'état de la jurisprudence actuelle l'existence d'un vice caché antérieur à la vente doit être présumée lorsque, comme en l'espèce, le dommage se manifeste peu de temps après l'achat du bien par ailleurs parfaitement entretenu,

- que les documents techniques versés aux débats établissent la réalité du vice caché affectant le véhicule et matérialisé par la présence de limaille dans le carter,

- que le véhicule avait parcouru moins de 1 000 kilomètres entre la date de la vente et celle de la panne,

- que Monsieur Bellenger a fait preuve de mauvaise foi, notamment en refusant d'informer l'expert mandaté par son acheteur des réparations effectuées moins d'un an avant la vente pour en faire état seulement devant les premiers juges,

- qu'il s'est abstenu de faire réaliser une expertise judiciaire afin de faire réparer au plus vite son véhicule, un rapport d'expertise constituant en toute hypothèse un simple élément d'appréciation pour les magistrats,

- qu'aucun contrôle complet du véhicule avec essai sur route n'est intervenu préalablement à la vente.

Monsieur Bellenger, intimé, demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- de dire que Monsieur Vietti n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'un quelconque vice caché,

- de débouter en conséquence Monsieur Vietti de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Monsieur Vietti au paiement d'une somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir:

- que Monsieur Vietti ne peut prétendre bénéficier d'une présomption quant à l'existence d'un vice caché en l'absence de circonstances rendant très vraisemblable la réalité de ce vice,

- que les constatations officieuses de l'expert qu'il a sollicité ne permettent pas à Monsieur Vietti d'apporter la preuve qui lui incombe de l'existence d'un vice caché, un examen contradictoire du véhicule n'ayant plus aucun intérêt compte tenu du remplacement du moteur intervenu,

- que l'expert officieusement consulté a qualifié une seule des anomalies relevées de vice caché (rupture de la patte de fixation du climatiseur) et n'a pas établi le lien de causalité qui pouvait exister entre ce dernier et le dommage subi,

- que le véhicule vendu a fait l'objet de plusieurs contrôles (dont un avec essais sur route en présence de Monsieur Vietti) avant et après la vente sans que les professionnels intervenus signalent la moindre anomalie,

- qu'il subsiste une incertitude quant au kilométrage parcouru depuis la vente.

Motifs de la décision

Malgré l'usage inapproprié du terme "(non) conforme" dans le dispositif des conclusions de Monsieur Vietti qui évoque une action en résolution pour défaut de conformité de la chose vendue aux spécifications convenues, c'est bien une action en garantie des vices cachés qui est ici engagée au visa de l'article 1641 du Code civil, laquelle se distingue totalement de cette autre action ;

Il revient à l'acquéreur qui fait état de la destruction du moteur du véhicule à la suite d'une panne d'établir la nature de cette panne et la cause de celle-ci afin qu'il puisse être vérifié que cette dernière a procédé d'un défaut inhérent à la chose et antérieur à la date de la vente;

En l'espèce Monsieur Vietti établit seulement la réalité de la panne survenue le 16 août 1995 ("moteur bloqué") et l'importance des réparations effectuées à savoir le changement du moteur;

Il soutient que le faible délai écoulé entre la date de la vente et celle de la panne, comme l'usage limité du véhicule effectué pendant ce délai, emporteraient une présomption suffisante de l'existence d'un vice caché qu'il appartiendrait, dès lors, à son vendeur de combattre en supportant le risque de la preuve;

Cette thèse ne peut pas être accueillie car la cause de la panne n'est pas établie, étant seulement évoquée la rupture d'une "patte" de fixation du climatiseur ayant entraîné une fissure dans le carter moteur sans que ne soit versé aux débats d'élément de preuve opposable à Monsieur Bellenger susceptible d'établir l'origine de cette rupture et son rôle déterminant dans le blocage du moteur;

Au surplus, il doit être relevé que le remplacement du moteur affecté par la panne et sa disparition sans qu'aucune constatation contradictoire n'ait été provoquée, telle une expertise sollicitée selon la procédure d'urgence du référé, a placé Monsieur Bellenger dans l'impossibilité de rapporter le moindre élément de preuve contraire y compris de la possibilité d'appeler le cas échéant en garantie contractuelle le garagiste ayant réparé le moteur l'année précédent la vente alors qu'il était avancé par l'expert privé dont l'avis a été sollicité par Monsieur Vietti que la dégradation du compresseur de climatisation avait "vraisemblablement été faite lors d'une intervention préalable à la vente";

Monsieur Vietti ne peut donc être admis à tirer avantage, sur le plan de l'administration de la preuve de l'impossibilité actuelle, à l'origine de laquelle il se trouve, de déterminer de manière certaine la réalité d'un vice, son caractère caché et surtout son antériorité à la vente;

Le jugement entrepris sera donc confirmé et Monsieur Vietti condamné à payer à Monsieur Bellenger une somme supplémentaire de 4 000 F pour frais irrépétibles;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, - Reçoit en la forme l'appel. - Confirme la décision entreprise. - Condamne Monsieur Vietti à payer à Monsieur Bellenger une somme supplémentaire de 4 000 F (quatre mille francs) soit 609,80 euro pour frais irrépétibles. - Rejette les autres demandes des parties. - Condamne Monsieur Vietti aux entiers dépens d'appel et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.