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Décisions

CJCE, 6e ch., 29 juin 1999, n° C-172/98

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

Royaume de Belgique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M.Kapteyn

Avocat général :

M. Cosmas

Juges :

MM. Murray, Ragnemalm

CJCE n° C-172/98

29 juin 1999

LA COUR (sixième chambre),

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 8 mai 1998, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 226 CE (ex-article 169), introduit un recours visant à faire constater que, en exigeant la présence, selon le cas, d'un associé belge dans l'administration de l'association ou une présence minimale, de surcroît majoritaire, d'associés de nationalité belge pour la reconnaissance de la personnalité civile ou juridique d'une association, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE).

2. L'article 1er de la loi belge du 25 octobre 1919 accordant la personnalité civile aux associations internationales poursuivant un but philanthropique, religieux, scientifique, artistique ou pédagogique (ci-après la "loi de 1919") dispose que "la personnalité civile peut être accordée par arrêté royal aux conditions et dans des limites de la présente loi, aux associations ouvertes aux Belges et aux étrangers, qui ont comme organe d'exécution une institution ou un comité, dont l'administration comprend au moins un associé belge et qui, sans esprit de lucre, poursuivent un but philanthropique, religieux, scientifique, artistique, pédagogique".

3. L'article 26 de la loi du 27 juin 1921 accordant la personnalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique (ci-après la "loi de 1921") prévoit que "... l'association ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l'égard des tiers ... si les trois cinquièmes des associés ne sont pas de nationalité belge".

4. Par lettre du 25 mars 1996, la Commission a indiqué au Royaume de Belgique que les deux lois précitées lui semblaient contraires à l'article 6 du traité et lui a demandé de lui présenter ses observations dans un délai de deux mois.

5. Le 9 août 1996, le Gouvernement belge a informé la Commission de son intention de modifier les lois incriminées en vue de se conformer aux observations formulées dans sa lettre du 25 mars 1996. Le 26 février 1997, il a transmis à la Commission deux avant-projets de loi visant à modifier lesdites lois.

6. Constatant que les dispositions incriminées étaient toujours en vigueur, la Commission a, le 19 juin 1997, adressé au Royaume de Belgique un avis motivé l'invitant à adopter les mesures nécessaires pour se conformer à l'article 6 du traité dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

7. Le Gouvernement belge a alors communiqué à la Commission, par lettre du 11 août 1997, un projet de loi modifiant la loi de 1921 et, par lettre du 27 février 1998, un avant-projet de loi relatif à la loi de 1919.

8. N'ayant cependant reçu aucune information relative à l'adoption effective de mesures modifiant les dispositions incriminées, la Commission a introduit le présent recours.

9. Dans sa requête, la Commission expose que la loi de 1919 et la loi de 1921 contiennent des dispositions discriminatoires sur le fondement de la nationalité qui entrent dans le champ d'application du traité CE en ce qu'elles affectent la liberté d'établissement et sont, de ce fait, contraires à l'article 6 du traité.

10. Le Gouvernement belge indique, dans sa défense, qu'un avant-projet de loi a été élaboré, qui doit faire l'objet d'un avis du Conseil d'État avant d'être soumis à l'approbation parlementaire.

11. Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que l'article 6, premier alinéa, du traité interdit toute discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d'application du traité.

12. Il convient de relever que les lois belges en cause réglementent le droit de créer en Belgique une association ayant la personnalité civile et qu'elles s'appliquent notamment aux ressortissants des autres États membres. Ces lois affectent ainsi une des libertés fondamentales garanties par le traité et relèvent dès lors du champ d'application du traité.

13. Il convient de constater ensuite que les articles 1er de la loi de 1919 et 26 de la loi de 1921 exigent la présence d'un nombre minimal d'associés de nationalité belge pour la constitution de ces associations et qu'ils imposent, par là même, une condition discriminatoire fondée sur la nationalité, contraire à l'article 6 du traité.

14. Dès lors, il y a lieu de considérer que, en exigeant la présence, selon le cas, d'un associé belge dans l'administration de l'association ou une présence minimale, de surcroît majoritaire, d'associés de nationalité belge pour la reconnaissance de la personnalité civile ou juridique d'une association, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 6 du traité.

Sur les dépens

15. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

Déclare et arrête:

1. En exigeant la présence, selon le cas, d'un associé belge dans l'administration de l'association ou une présence minimale, de surcroît majoritaire, d'associés de nationalité belge pour la reconnaissance de la personnalité civile ou juridique d'une association, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE).

2. Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.