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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 2 juillet 2002, n° 00-01566

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Scarpa (SARL)

Défendeur :

De Bony de Lavergne, Syndicat de copropriété Immeuble 41 rue Castres, CRCAM des Savoies

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Falletti-Haenel

Conseillers :

Mme Kueny, M. Vignal

Avoués :

SCP Hervé Jean Pougnand, Me Ramillon, SCP Calas, SCP Grimaud

Avocats :

Mes Rostain, Frances, Schreiber-Fabbian, SCP Tomasi-Garcia

TGI Gap, du 23 févr. 2000

23 février 2000

Faits, procédure et moyens des parties

Suivant commandement en date du 4 septembre 1997, publié à la Conservation des Hypothèques de Gap le 3 novembre 1997 vol 1997 n° 71, la CRCAM Des Savoies a fait commandement à Madame Catherine Mazau épouse De Bony de Lavergne de payer la somme de 1 226 284,22 F, l'avisant qu'à défaut de paiement elle poursuivrait la vente sur saisie des droits immobiliers dépendant d'un immeuble situé à Briançon 4 Rue Pont d'Asfeld et angle de la Rue de Castres n° 41 : lot n° 4 du règlement de copropriété, appartement 12 au 30 étage avec 147/1000° du sol.

Les biens saisis ont été adjugés à l'audience du 18 juin 1998 pour la somme de 24 000 F à la SARL Scarpa.

La SARL Scarpa a fait assigner la CRCAM Des Savoies et Madame Catherine Mazau épouse De Bony de Lavergne pour voir prononcer l'annulation de l'adjudication intervenue selon jugement en date du 18Juin 1998 et pour obtenir de la CRCAM Des Savoies la somme de 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 23 février 2000, le Tribunal de grande instance de Gap:

- a constaté l'intervention volontaire à l'instance du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble situé 41 Rue de Castres à Briançon,

- a débouté la SARL Scarpa de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la CRCAM Des Savoies et de Madame De Bony de Lavergne,

- a condamné Madame De Bony de Lavergne à payer au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 41 Rue de Castres la somme totale de 4 924,47 F avec intérêts de retard au taux légal à compter du 4 juin 1999 au titre des charges de copropriété impayées suivant décompte arrêté au 18 juin 1998,

- a condamné la SARI. Scarpa à payer au profit du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 41 Rue de Castres la somme totale de 11 721,83 F au titre des charges de copropriété impayées durant la période du 18 juin 1998 au 1er juin 1999, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 4 juin 1999,

- a condamné solidairement la SARL SCARFA et Madame De Bony de Lavergne à payer au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 41 Rue de Castres une indemnité de 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a condamné la SARL Scarpa à payer à la CRCAM Des Savoies une indemnité de 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- et a condamné solidairement Madame De Bony de Lavergne et la société Scarpa aux entiers dépens.

La SARL Scarpa a relevé appel de ce jugement le 31 mars 2000 demandant à la cour :

- de le réformer en toutes ses dispositions,

- de prononcer l'annulation de l'adjudication intervenue par jugement du 18 juin 1998 du lot 4 appartement T2 au 3° étage dépendant d'un immeuble en copropriété situé Commune de Briançon, cadastré section AP n° 96 pour erreur sur les qualités substantielles en application des articles 1109, 1110, 1117 et 1641 du Code civil,

- et de condamner la CRCAM Des Savoies à lui payer 6 000 F à titre de dommages et intérêts et 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'appelante expose que peu de temps après l'adjudication elle a appris que bien antérieurement à la vente une procédure opposait le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 1 Rue du Pont d'Asfeld à celui du 41 Rue de Castres, que Monsieur Transinne avait été désigné en qualité d'expert, que celui-ci préconisait l'enlèvement d'une barre

métallique reliant les deux immeubles, que cette opération risquait toutefois d'entraîner un effondrement des immeubles, qu'il est évident qu'elle a été trompée sur les qualités substantielles de la chose vendue, qu'en effet la Mairie de Briançon a pris un arrêté pour ordonner l'évacuation entière de l'immeuble, que l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord pour la démolition du bâtiment avec obligation de reconstruire et qu'en effet ledit immeuble a été démoli à partir du plancher du 1er étage de telle sorte que ne subsistent que les murs du rez-de-chaussée.

Elle souligne qu'elle n'a pu s'adresser au Syndic car son nom et son adresse ne figuraient pas dans les documents de la vente sur adjudication, que la visite de l'immeuble ne révélait rien d'anormal et que si elle avait été informée de l'état réel du bâtiment, elle ne l'aurait pas acquis.

La CRCAM Des Savoies sollicite la confirmation du jugement déféré et réclame à la SARL Scarpa la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle n'était pas informée de l'existence d'un litige entre les deux copropriétés, que lors de la vente le bien était habitable ce qui est confirmé par le procès-verbal descriptif établi par l'huissier, que l'arrêté de péril n'a été pris que 6 mois plus tard par le Maire de Briançon en raison de la carence des membres de la copropriété et que la SARL Scarpa qui croyait faire une bonne affaire a négligé de se renseigner alors qu'elle est une professionnelle de l'immobilier.

Elle rappelle que l'article 1649 du Code civil exclut radicalement la garantie des vices cachés pour les ventes faites par autorité de justice, que si l'action en nullité pour erreur sur les qualités substantielles est effectivement recevable, il appartient à celui qui l'invoque d'établir l'existence d' une erreur "in concreto", qu en l'espèce aucune erreur ne peut être invoquée eu égard au prix d'acquisition, qu'il appartenait à la SARL Scarpa de se rendre sur les lieux et d'apprécier l'état de la construction qui était visible de l'extérieur et que la charge des travaux qui vont être décidés par la copropriété ne peut justifier une erreur sur les qualités substantielles puisqu'il s'agit seulement d'une mauvaise appréciation du coût d'une opération et de sa rentabilité.

Madame "De Bony de Lavergne déclare former appel incident on relevant que les conclusions d'intervention volontaire du Syndicat des copropriétaires ne lui ont pas été notifiées en première instance, de sorte que la procédure n'était pas contradictoire à son égard.

Elle demande à la cour d'annuler le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer certaines sommes au Syndicat des copropriétaires et à titre subsidiaire elle conclut au débouté des demandes formées à son encontre et réclame 5 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que sa demande d'annulation est fondée sur les articles 14, 16 et 460 du nouveau Code de procédure civile et que les conclusions d'intervention volontaire du Syndicat devaient lui être signifiées puisqu'elle n'avait pas constitué avocat.

Elle ajoute qu'eu égard au règlement d'une somme de 2 327,03 F le solde des charges est de 1 175,07 F au 30 avril 1998, qu'elle a réglé 1 562,10 F le 20 juin 1999, qu'elle a sollicité des explications sur l'appel Etude travaux d'un montant de 2 940 F, qu'aucune réponse ne lui a été adressée et qu'en toute hypothèse sa dette est au maximum de 612,97 F.

Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 41 Rue de Castres sollicite la confirmation du jugement et demande en outre que le propriétaire du lot soit condamné à payer les charges postérieures au 18 juin 1998, soit la somme de 6 328,22 euro selon décompte arrêté au 4 janvier 2002.

Il demande enfin que la SARL Scarpa, Madame De Bony de Lavergne et la CRCAM Des Savoies soient condamnées solidairement à lui payer 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose que Madame De Bony de Lavergne a ou connaissance des demandes dirigées contre elle et que les charges de copropriété réclamées sont justifiées.

Motifs et décision

La SARL Scarpa invoque l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et vise les articles 1109, 1110, 117 et 1641 du Code civil.

S'agissant des vices cachés, le tribunal a écarté à bon droit ce fondement dès lors qu'aux termes de l'article 1649 du Code civil l'action résultant des vices rédhibitoires n'a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice:

En ce qui concerne l'erreur sur la substance de la chose vendue, la cour relève que l'appartement acquis par la SARL Scarpa avait une surface de 2,33 m2 +3,57 m2 + 15,19 m2 + 6,80 m2 soit au total 27,89 m2, que la mise à prix était de 19 000 F et que le prix d'adjudication a été de 26 000 F, soit une valeur de 932,23 F le m2.

La mise à prix exceptionnellement basse pour un appartement situé au coeur historique de Briançon révélait nécessairement un état médiocre et la SARL Scarpa dont l'objet social est l'immobilier n'a pu se faire une idée fausse de la nature des droits qu'elle envisageait d'acquérir.

Les photographies de l'extérieur de l'immeuble révèlent l'existence de très larges lézardes et l'implantation d'étais en fer qui démontrent que la structure de l'immeuble était menacée, de sorte qu'il était évident que l'état de cet immeuble nécessitait des travaux très importants.

La SARL Scarpa Immobilier a voulu acquérir un immeuble à bas prix pour le rénover et réaliser ainsi un bénéfice, soit dans le cadre d'une revente, soit dans le cadre de locations et il s'avère que le coût des travaux risque d'être trop élevé de sorte que la rentabilité de l'opération est compromise.

Toutefois, cette erreur économique n'entre pas dans le champ de l'erreur visée à l'article 1110 du Code civil, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SARL Scarpa.

Madame De Bony de Lavergne n'ayant pas eu connaissance de l'intervention volontaire aux débats du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 41 Rue de Castres et des demandes formulées à son encontre, la disposition du jugement l'ayant condamnée à payer les charges de copropriété doit être annulée.

La cour étant saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, il convient de statuer sur les demandes du Syndicat des copropriétaires.

Le Syndicat des copropriétaires n'a pas produit un décompte arrêté au 18 juin 1999, date de l'adjudication mais un décompte arrêté au 1er juin 1999 et ce document ne permet pas à la cour d'établir les sommes dues par Madame De Bony de Lavergne et celles qui incombent à la SARL Scarpa.

Il convient en conséquence de surseoir à statuer sur les demandes du Syndicat des copropriétaires et de l'inviter à produire un décompte précis des sommes dues par Madame De Bony de Lavergne et par la SARL Scarpa, en tenant compte des règlements effectués.

A cet effet, l'instance est renvoyée à l'audience de plaidoirie du 28 octobre 2002, les parties pouvant conclure dans ce délai sur les pièces communiquées par le Syndicat des copropriétaires.

L'équité justifie qu'une indemnité de 800 euro soit allouée à la CRCAM Des Savoies en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL Scarpa sera déboutée de sa demande à ce titre.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SARL Scarpa de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée à régler différentes sommes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Annule les dispositions du jugement ayant prononcé des condamnations à l'encontre de Madame De Bony de Lavergne, Sursoit à statuer sur les demandes du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 41 Rue de Castres à Briançon, Renvoie le Syndicat des copropriétaires, Madame De Bony de Lavergne et la SARL Scarpa à l'audience du 28 octobre 2002 afin que le Syndicat produise les décomptes des charges qu'il réclame à chaque partie, avec imputation des règlements effectués et que les parties puissent conclure si elles l'estiment utile, Dit que la procédure sera clôturée le 28 octobre 2002 avant l'ouverture des débats, Condamne la SARL Scarpa à payer à la CRCAM Des Savoies une indemnité de 800 euro (huit cents euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la SARL Scarpa de sa demande à ce titre, Condamne la SARL Scarpa aux dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour, avec pour ceux d'appel, application au profit de la SCP Grimaud des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.