CJCE, 5e ch., 11 novembre 1986, n° 313-85
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SpA Iveco Fiat
Défendeur :
Van Hool NV
LA COUR,
1 Par ordonnance du 4 octobre 1985, parvenue à la Cour le 18 octobre 1985, la Cour de cassation de Belgique a posé, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation, par la Cour de justice, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après 'la convention'), une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 17 de cette convention.
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant la société de droit italien Iveco Fiat SpA à la société de droit belge Van Hool NV et portant sur la validité d'une clause attributive de juridiction contenue dans un contrat écrit de concession exclusive de vente, qui prévoyait que la prorogation du contrat ne pouvait se faire que par écrit, mais qui a continué, après son expiration, à constituer, malgré l'absence d'un renouvellement par écrit, le fondement juridique des relations contractuelles qui se sont poursuivies entre les parties.
3 Saisie dans le cadre de ce litige, la Cour de cassation de Belgique a été amenée à surseoir à statuer et a posé à la Cour la question préjudicielle suivante :
'La convention écrite, qui comporte une clause d'élection de for, mais dont la durée de validité est venue à expiration, et qui a continué de constituer le fondement juridique des relations contractuelles entre les parties, bien que la condition déduite de la clause selon laquelle ladite convention ne pouvait être prorogée que par écrit n'était pas remplie, est-elle conforme à l'article 17 de la convention du 27 septembre 1968?'
4 Pour un plus ample exposé des faits de la cause, du déroulement de la procédure et des observations présentées en vertu de l'article 20 du protocole sur le statut de la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
5 Pour situer la question, il convient d'abord de rappeler que l'exigence de la forme écrite posée par l'article 17 de la convention pour la validité d'une clause attributive de juridiction a pour seule fonction d'assurer que le consentement entre parties soit effectivement établi et impose au juge national l'obligation d'examiner si la clause attributive a fait l'objet d'un tel consentement qui doit se manifester d'une manière claire et précise (arrêts du 14 décembre 1976, Salotti, 24-76, Rec. p. 1831, et Segoura, 25-76, Rec. p. 1851).
6 Pour répondre à la question soulevée par la juridiction nationale, il importe de distinguer deux situations.
7 Si la loi applicable admet la prorogation du contrat initial sans l'observation de la forme écrite expressément prévue, les parties continuent d'être liées par toutes les clauses de ce contrat, y compris la clause attributive de juridiction, à l'égard de laquelle leur consentement doit être établi de façon certaine dans la forme prescrite par l'article 17.
8 Si, en revanche, selon la loi applicable, le contrat initial n'a pas pu faire l'objet d'une prorogation en l'absence d'un renouvellement par écrit, il importe d'examiner si la clause attributive de juridiction en tant qu'elle fait partie d'un ensemble de clauses tacitement reprises d'un contrat écrits antérieur expiré, qui ont continué de constituer le fondement juridique des relations contractuelles qui se sont poursuivies entre les parties, répond aux conditions de l'article 17.
9 Il résulte de la jurisprudence de la Cour que, en cas de convention non écrite sur l'attribution de juridiction, il est satisfait aux conditions de l'article 17 si une confirmation écrite de cette convention émanant de l'une quelconque des parties a été reçue par l'autre, laquelle n'a pas formé une objection en temps utile (arrêt du 11 juillet 1985, Berghoefer, 221-84, Rec. p. 2699). Dès lors, à supposer que la clause attributive de compétence fasse partie d'un ensemble de clauses tacitement reprises d'un contrat écrit antérieur expiré, qui ont continué de constituer le fondement juridique des relations contractuelles qui se sont poursuivies entre parties, il n'est satisfait aux conditions de forme de l'article 17 que dans l'hypothèse où l'une ou l'autre des parties a confirmé par écrit la clause attributive de compétence ou l'ensemble des clauses dont elle fait partie, sans que l'autre partie qui a reçu cette confirmation s'y soit opposée.
10 Il convient, en conséquence, de répondre à la question posée par la Cour de cassation de Belgique que l'article 17 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une convention écrite comportant une clause attributive de juridiction et prévoyant, pour sa prorogation, la forme écrite est venue à expiration, mais a continué à constituer le fondement juridique des relations contractuelles entre parties, cette clause satisfait aux conditions de forme requises par cet article, si, d'après la loi applicable, les parties pouvaient valablement proroger le contrat initial sans observer la forme écrite ou si, dans l'hypothèse inverse, l'une ou l'autre des parties a confirmé par écrit cette clause ou l'ensemble des clauses tacitement reprises dont elle fait partie, sans que l'autre partie qui a reçu cette confirmation s'y soit opposée.
Sur les dépens
11 Les frais exposés par le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Statuant sur la question à elle soumise par la Cour de cassation de Belgique, par ordonnance du 4 octobre 1985, dit pour droit :
L'article 17 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une convention écrite comportant une clause attributive de juridiction et prévoyant, pour sa prorogation, la forme écrite est venue à expiration, mais a continué à constituer le fondement juridique des relations contractuelles entre parties, cette clause satisfait aux conditions de forme requises par cet article si, d'après la loi applicable, les parties pouvaient valablement proroger le contrat initial sans observer la forme écrite ou si, dans l'hypothèse inverse, l'une ou l'autre des parties a confirmé par écrit cette clause ou l'ensemble des clauses tacitement reprises dont elle fait partie, sans que l'autre partie qui a reçu cette confirmation s'y soit opposée.